Et si Nicolas Sarkozy souhaitait réduire la télévision de service public à la portion congrue ? (Suite)

16 août 2008

Suite à la polémique suscitée par les propos d’Yves Jégo sur la suppression de la publicité sur RFO sur la chaîne LCP Assemblée nationale : « Je souhaite qu’on applique à RFO les mêmes pratiques que l’on va appliquer à France Télévisions, c’est-à-dire la suppression progressive de la publicité partout où RFO est en concurrence avec une chaîne privée et qu’on redonne les moyens à RFO de faire de la production, d’être un service public de qualité », Johny Payet, délégué CGT de RFO Réunion, nous a fait parvenir ce communiqué : « La position du ministère de la Culture est claire : la publicité sur les DOM-TOM et dans les régions de France 3 est maintenue. Les déclarations de M. Jégo (secrétaire d’État à l’Outre-mer) prônant la suppression de la pub dans les DOM-TOM n’engagent que lui. M. Sarkozy a été très clair sur ce point le 25 juin et le ministère de la Culture ne cache pas son agacement face à ces déclarations intempestives ».
La polémique concernant le maintien ou non de la publicité sur RFO semble donc s’éteindre, mais une autre enfle, c’est le projet de loi sur "L’entreprise unique France Télévisions". Le texte de la CGT métropole (voir encadré) que nous a adressé M. Johnny Payet en même temps que son communiqué n’augure rien de bon et il semblerait que le titre que j’ai donné à mon article soit malheureusement d’actualité. La lubie de Nicolas Sarkozy de vouloir réformer pour réformer a détruit une entreprise (France-Télévision) qui ne fonctionnait pas si mal que cela, il n’est qu’à voir les propos dithyrambiques du CSA. Les Sages du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ont constaté que les chaînes publiques ont très largement respecté, en 2007, les obligations inscrites dans les cahiers des missions et des charges, le contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’État et les engagements pris devant le Conseil par Patrick De Carolis lors de la présentation de sa candidature en 2005. On a envie de dire tout ça pour ça ! Décidément, ce besoin de détruire notre Télévision de service public, considérée comme une des meilleurs du monde, a quelque chose d’incompréhensible !


Les formes de la réforme

Pendant une heure et demie ce mercredi 16 juillet, l’intersyndicale de l’audiovisuel public a été reçue par M. Tardieu, directeur de cabinet, et M. Gallet, conseiller de la ministre de la Culture. Voici donc le compte-rendu fait par SNRT CGT et SNJ CGT de France-Télévision à l’issue de cette rencontre.

Le ministère de la Culture travaille avec la DDM (Direction des Médias) sur le projet de loi. La loi actera la création de l’entreprise unique France Télévisions. Il s’agira donc d’abord de toiletter les textes existants en fonction de cette nouvelle dénomination. Ensuite, la loi entérinera le principe de la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques, envisagée à l’extinction de l’analogique le 1er décembre 2011. La suppression partielle de la publicité après 20h au 1er janvier 2009 est plutôt une disposition d’ordre réglementaire que M. Tardieu souhaiterait quand même inscrire dans la loi. La compensation via les taxes (FAI, télécommunications, chiffre d’affaires de la publicité des chaînes privées) apparaîtrait dans la Loi de Finances 2009, c’est-à-dire dans le budget général de l’Etat. Le principe d’une taxe affectée risquant d’être retoquée par Bruxelles, le ministère opterait plutôt pour une sorte de “fléchage” des recettes non affectées. La CGT a immédiatement réagi à cette annonce. D’un côté, on acte au plus haut niveau, celui de la loi, l’amputation d’une recette de 810 millions d’euros par an (transférée dans le privé), et de l’autre, on ne dirait rien sur la compensation ! M.Tardieu reconnaît le hiatus et proposera d’inscrire le « principe de la compensation » (« à l’euro près », suivant les mots de M. Sarkozy) dans l’exposé des motifs de la loi, tout en faisant remarquer que cet engagement ne vaut que pour les premiers exercices... Il est vrai que si d’aventure le périmètre se trouvait réduit, les besoins s’avéreraient bien moindres...

COM ou pas COM ?

Le Contrat d’objectifs et de moyens (COM) sera-t-il maintenu ? Cela semble être le choix du ministère, qui souhaite négocier un avenant d’ici la fin 2008. Patrick De Carolis pourrait dans ce cadre aller au terme de son mandat.
Pour la suite, le nouveau COM serait en principe négocié et signé dans les 6 mois suivant l’élection (ou la désignation) du nouveau PDG (ou la reconduction de l’ancien) et coïnciderait avec son mandat. Sur les modalités de désignation, on en saura plus le 21 juillet, à l’occasion du vote sur la réforme des institutions par le Parlement. M. Tardieu souhaite parvenir à un « document unique » qui intégrerait le cahier des missions et des charges, le COM et le plan d’affaires en cours d’élaboration au ministère des Finances.

Entreprise unique

La loi sera discutée à l’automne malgré un calendrier très resserré. La notification des nouvelles taxes à Bruxelles pourra se faire avant l’adoption de la loi et l’entreprise unique mise en place après la promulgation de la loi.
A partir de la création de l’entreprise unique, les conventions collectives et accords d’entreprise en vigueur tomberont. Il y aura 15 mois à compter de cette date pour négocier le nouveau statut des personnels de France Télévisions. Ce sera le travail de la Direction et des partenaires sociaux.
Si les négociations n’aboutissaient pas, c’est l’accord d’entreprise de France Télévisions SA qui pourrait s’appliquer, mais M. Tardieu souligne que cet accord lui semble tout à fait inadapté à l’activité des chaînes. La CGT fait remarquer que l‘avenant audiovisuel à la convention collective des journalistes et la convention collective des PTA ne sont pas incompatibles avec l’entreprise unique. Rien n’empêche en effet la direction de les maintenir en place. M. Tardieu fait quand même remarquer que si la tutelle constatait que la négociation n’avançait pas au bout de plusieurs mois, elle ne se priverait pas d’intervenir, mais il affirme que l’Etat ne s’opposerait pas à la pérennité de l’avenant par France Télévisions si c’est le souhait de la Direction.

Cahier des charges

Le cahier des charges sera constitué d’un préambule reprenant les grandes valeurs du service public entre autres dans ses différences avec le privé. Puis les dix grands principes thématiques comme la diversité, le pluralisme, le fait de toucher tous les publics, dans tous les genres, etc... Enfin, une déclinaison éditoriale chaîne par chaîne. « Il ne faut pas s’attendre à des bouleversements révolutionnaires », prévient M. Tardieu. A propos de France 3, les recommandations de la commission Copé ne sont pas rejetées, mais « la réflexion doit être approfondie » et l’inversion des polarités entre régional et national semble être mise entre parenthèses.
La CGT insiste pour que les nouveaux développements (Internet, TMP, global média) soient inscrits dans le cahier des charges de façon détaillée comme un engagement solennel de l’Etat. Ce sera le cas, confirme le ministère.
A notre remarque sur les récentes décisions allemandes évinçant l’ARD et la ZDF (services publics de télévision Outre Rhin) de toute possibilité de se développer sur le Web, M. Tardieu renvoie aux débats à venir du grand colloque organisé les 17 et 18 juillet à Strasbourg sur le service public audiovisuel à l’heure du numérique.

Décrets Tasca

Sur les décrets Tasca, le ministère prend ses distances avec le rapport Copé qui en amplifiait les effets. « Ce n’est qu’un rapport, c’est le gouvernement qui décide ». La réforme des décrets se fera à travers la négociation en cours, qui devrait aboutir à un accord interprofessionnel entre les producteurs, les créateurs et les diffuseurs, publics et privés.
Les obligations ne seront pas les mêmes entre les chaînes. Si cette négociation n’aboutit pas à un accord, l’État prendra ses responsabilités.
A la demande de la CGT d’accorder des parts co-producteurs à France Télévisions, c’est-à-dire la propriété des droits, M. Tardieu répond que le sujet n’est pas encore mûr et qu’il opte plutôt pour un dispositif donnant aux chaînes un intéressement proportionnel à leurs investissements. La CGT insiste sur l’enjeu majeur que constitue la maîtrise des droits dans le nouveau paysage audiovisuel. Sur la filière de production (actuellement filière de France 3, demain filière de France Télévisions, comme le fait remarquer la CGT), les représentants du ministère disent attendre les propositions de la Direction de France Télévisions. Ils n’ont pas émis d’avis précis sur l’augmentation du pourcentage de production dépendante des chaînes (produite et fabriquée en interne), autre enjeu clé pour la CGT. Sur les obligations de commande, M. Tardieu dit réfléchir à un dispositif forfaitaire et non plus un pourcentage de chiffre d’affaires comme c’est le cas actuellement. N’est-ce pas une façon de garantir, quoiqu’il arrive, le chiffre d’affaires et les profits des producteurs privés ? Enfin, le ministère annonce qu’il y aura un « package » à la rentrée avec la loi, la révision des décrets Tasca et l’adoption de la directive européenne SMA (Services Médias Audiovisuels) prévoyant l’augmentation de la publicité sur les chaînes privées. (...)

Philippe Tesseron
http://tesseron.blogspace.fr/


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