Billet philosophique

Non au colonialisme ! Oui au respect des droits humains !

5 novembre 2010, par Roger Orlu

Ce mercredi, le Comité solidarité Chagos La Réunion (CSCR) a organisé à la médiathèque Benoîte Boulard du Port une conférence-débat avec le professeur des Universités André Oraison sur « Les habitants des Chagos : des ’Palestiniens’ de l’océan Indien ». Cette rencontre fut l’occasion d’exprimer le soutien des Réunionnais à la lutte des Chagossiens pour obtenir le droit au retour dans leurs îles natales. Un combat porté notamment par le Groupe réfugiés Chagos, présidé par Olivier Bancoult.
Plus d’un(e) participant(e) à cette conférence s’est certainement posé la question : n’y a-t-il pas des liens entre les situations de nos frères et sœurs Chagossiens, Palestiniens et Réunionnais ? Si oui, la lutte contre le système colonial dont souffrent ces trois peuples sous des formes très différentes ne doit-elle pas être une de nos priorités, si l’on veut se battre pour le respect de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et pour un développement durable ?

Lorsqu’un éminent universitaire comme André Oraison, spécialiste du Droit international, expose l’Histoire du peuple chagossien, on est à la fois profondément touché et révolté par les tragédies vécues par ce peuple depuis plus de deux siècles. En effet, le système colonial dont il est victime jusqu’à nos jours a commis de véritables « crimes contre l’humanité » à son égard. D’abord sous la forme de la traite négrière et de l’esclavage pratiqués par des colonialistes français au 18ème siècle contre ses ancêtres déportés de Madagascar et d’Afrique. Puis lors de la « déportation criminelle » de ce peuple, organisée par les colonialistes britanniques de 1965 à 1973, afin de permettre à leurs alliés nord-américains de construire une de leurs plus grandes bases militaires dans l’archipel des Chagos, sur l’île de Diégo Garcia. Et cela avec la complicité de l’État français, qui est resté passif devant ce crime.
Comme l’a dit le conférencier, soutenu par le maire du Port, Jean-Yves Langenier, par le président du CSCR, Georges Gauvin, et par le public présent dans la salle, « la flamme de la résistance à l’oppression nord-américaine et britannique des Chagossiens ne doit pas s’éteindre ». Et nous espérons que la Cour européenne des Droits de l’Homme reconnaîtra le plus vite possible le crime commis contre ce peuple et son droit de retourner dans son pays. Un droit qui est inscrit dans la Déclaration Universelle adoptée le 10 décembre 1948 par les États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

« On ne fait rien »

Mais ce qui est valable pour les Chagossiens l’est également pour les Palestiniens. Voilà plus de 40 ans que ce peuple est victime, de la part de l’État israélien, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Les droits fondamentaux du peuple palestinien ne sont pas respectés, vu que son pays est soumis à l’occupation et à la colonisation. D’ailleurs, l’illégalité de cette colonisation israélienne de la Palestine a été reconnue et dénoncée plus d’une centaine de fois par des institutions internationales, dont l’ONU. Mais les dirigeants israéliens n’ont jamais respecté les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies afin que le peuple palestinien puisse disposer d’un État libre et souverain, comme le peuple d’Israël.
Afin d’exprimer leur soutien à la lutte de libération des Palestiniens, des militants des droits de l’Homme ont lancé une campagne internationale pour le boycott des produits issus des colonies israéliennes en territoire palestinien. Or ces militants sont actuellement victimes de poursuites judiciaires de la part de l’État français.
Parmi eux, se trouve Stéphane Hessel, qui a rédigé la Déclaration des Droits de l’Homme et qui est poursuivi en justice en France pour avoir dénoncé l’impunité d’Israël. Dans un entretien avec "l’Humanité-Dimanche", ce résistant anti-nazi, déporté en camp de concentration, déclare que « le rôle de la France devrait être un appui sans réserve aux décisions prises par les Nations Unies ». Or, « quand il s’agit de faire pression sur Israël en le mettant devant ses responsabilités au nom du droit et des conventions internationales, on se laisse intimider et on ne fait rien ».

Jeunesse rebelle

Ces complicités de l’État français avec les colonialistes israéliens contre les Palestiniens et avec les colonialistes britanniques contre les Chagossiens sont-elles étonnantes lorsqu’on voit ce qui se passe à La Réunion ? Certainement pas, car c’est d’une certaine façon la même logique qui s’applique ici qu’en Palestine et aux Chagos, même si les situations sont évidemment très différentes.
En effet, le peuple réunionnais est-il déjà reconnu en tant que tel dans le cadre de la République française ? A-t-il le pouvoir et le droit de décider librement et démocratiquement ce qu’il faut faire à La Réunion dans l’intérêt commun des Réunionnais et d’abord des plus pauvres ? A-t-il les moyens politiques de choisir et d’appliquer lui-même une politique équitable des prix, des revenus, de la fiscalité et des banques, en partenariat avec l’État, l’Union européenne et les pays voisins, dans le cadre d’un co-développement régional solidaire ?
Peut-on imaginer un développement durable et donc humain de La Réunion — en plus des mesures économiques, sociales, environnementales et culturelles indispensables — sans que le peuple réunionnais soit un décideur et un acteur libre, responsable de ce projet ? Et que fait l’État ? Prépare-t-il la jeunesse réunionnaise à prendre en main l’avenir de son pays pour en finir avec les séquelles de l’esclavage, de l’engagisme et de la colonisation ?
Si la philosophie, l’éducation et la politique n’aident pas les citoyens intoxiqués par l’idéologie dominante à prendre conscience de ces problématiques, on peut se demander à quoi elles servent. En tout cas, la jeunesse rebelle réunionnaise, fidèle aux combats de ses ancêtres marrons, ne manquera pas de dire plus que jamais : non au colonialisme ! Oui au respect des droits humains !

Roger Orlu

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