Billet philosophique

Oeuvrer pour la réconciliation

12 avril 2019, par Roger Orlu

Des pages très intéressantes de notre histoire réunionnaise ont été ouvertes au public ces derniers jours. Elles montrent à la fois l’importance de cultiver notre mémoire historique, c’est à dire de connaître au mieux et de ne pas oublier ce qui s’est passé depuis 356 ans dans le pays pour en tirer des leçons et des perspectives nouvelles, et en même temps ne pas cultiver des rancunes pour construire ensemble notre avenir commun. Voir à ce sujet ce dont on nous a parlé ces jours-ci à l’occasion du 25e anniversaire de l’horrible génocide vécu par le peuple rwandais en 1994, où l’on cultive — notamment dans les écoles — à la fois la mémoire de cette tragédie et la réconciliation pour construire l’avenir du Rwanda.

L’ouverture du ‘’Festival du Film Citoyen de La Réunion’’ avec les représentants du mouvement ATTAC et de ses partenaires.

Nous citerons d’abord la conférence tenue le 3 avril à la Bibliothèque Départementale de La Réunion par le géographe Mario Serviable sur ‘’Les années pétainistes à La Réunion, 1940 – 1942’’, où certains élus réunionnais ont collaboré avec le régime de l’État français « contaminé par l’idéologie raciste nazie ». Il a rappelé aussi comment des Réunionnaises et Réunionnais ont résisté à ce régime, malgré les répressions dont ils ont été victimes, « jusqu’à l’arrivée des Forces Françaises Libres du général de Gaulle par le ‘’Léopard’’ le 28 novembre 1942 » (voir le livre publié en octobre 2017 aux Éditions ARS Terres Créoles par Raoul Lucas et Mario Serviable et intitulé ‘’La Réunion rétablit la République en France, 1942’’).
Parmi ces résistants réunionnais victimes de la répression pétainiste, Mario Serviable a notamment cité le Dr Raymond Vergès, « révoqué en tant que maire de Salazie car franc-maçon », qui fut élu député communiste avec Léon de Lépervanche dans le cadre du large rassemblement du CRADS (Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale) le 21 octobre 1945, avec qui il a fait voter la loi du 19 mars 1946 abolissant officiellement le statut de colonie de La Réunion. À propos de ces Réunionnais combattants de la liberté, on pense par exemple à cette photo admirable et inoubliable où l’on voit Raymond Vergès accompagner au Port ses deux fils de 17 ans, Jacques et Paul, rejoignant les Forces Françaises Libres.

Réconciliations

D’autres engagements de Réunionnais mais aussi d’autres citoyens du monde — comme la grande cinéaste Marie-Monique Robin — pour la liberté, la justice et la paix ont été évoqués du 5 au 7 avril au cinéma Casino du Port lors du très intéressant ‘’Festival du Film Citoyen de La Réunion’’ organisé par le mouvement ATTAC du pays, présidé par Didier Bourse. Ce fut le cas notamment lors de la projection du film ‘’Sucre amer’’, réalisé en 1963 par Yann Le Masson, sur l’élection législative frauduleuse de Michel Debré, face auquel Paul Vergès, fondateur du Parti Communiste Réunionnais quatre ans avant, a exprimé avec force la nécessité de faire respecter l’identité et les droits fondamentaux du peuple réunionnais, dont celui de diriger lui-même son pays.
Il y a bien des leçons à tirer de ces décennies de répressions diverses et de violences électorales, parfois criminelles, auxquelles beaucoup de nos compatriotes ont résisté en unissant leurs forces dans le respect de leur diversité et en surmontant leurs rancunes. Pour faire face au système néo-colonial toujours en place et nous rassembler sans exclusive autour d’un projet commun et global de développement durable et solidaire, nous devons donc plus que jamais tourner les pages des trahisons en faveur des réconciliations afin d’être fidèles à nos combattants de la liberté.

Roger Orlu

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