Au bonheur des petits poissons

31 mars 2011

Bernard Pivot occupe une place majeure dans la littérature spectacle des années 80 90. Ii sut durant la décennie confirmer ce que Julien Gracq lui avait signifié : que la littérature passe mal dans la boîte. Question de rythme, de profondeur aussi. L’animateur n’avait d’ailleurs pas son pareil pour choisir ses invités avec pour objectif de lancer un bataille coqs. Il se réfugiait alors, amusé, derrière ses lunettes et comptait ses points d’audimat qui ne faisaient que grimper. L’esprit français se défoule dans la cuisine et se tait au salon.

Je me souviens d’une émission ahurissante où l’on voyait le fringuant animateur faire s’épancher, avec une complaisance rare, un Simenon fatigué sur le suicide de sa propre enfant. Et la caméra rivalisant de gros plans sur la mine du vieux romancier génial. C’était tout sauf de la littérature.
Nous sommes bien en retard par rapport au XIXème siècle !

Fort heureusement, l’animateur a su décliner en un geste courageux la légion d’honneur, au motif que nombre de ceux qui l’avaient n’en avaient pas. Et puis, autre couleur au tableau, il a su réaliser récemment un petit livre fort sympathique, "100 expressions à sauver".
Ça a toujours été un régal de partir à la pêche aux expressions, au grès du vent. À la volette. Petits poissons qu’on attrape dans le creux de sa main pour les relâcher, après qu’ils vous ont chatouillé la paume.

Beaucoup d’expressions font l’imbécile pour nous faire rêver, en déstabilisant les habitudes de langue. Peigner la girafe, la mer à boire, la semaine des quatre jeudis, mouiller du fil... Nombre d’entre elles méritent d’être tirées de l’ombre qui les entoure. Sans évoquer celles qui sentent le fagot, comme les dernières paroles du Crucifié : Des clous ! Car dans ce rayon, nous ferons lanlaire. Détrompez vous : se moquer du tiers comme du quart, ce n’est pas se foutre des maths. Certaines sentent l’enfance, parce que la langue vieillit en nous et nous avec elle, heureusement ai je été moi aussi cucul la praline, et parfois un peu fort de café. Ces expressions de la queue leu leu nous surprennent, nous enchantent aussi. Oui, ce serait bien d’en sauver...

Fort heureusement, La Réunion n’est pas en reste en matière de faire valoir, Daniel Honoré a réalisé un "Dictionnaire des expressions créoles ; Quartier trois lettres" est une merveille d’usage de ces expressions en littérature. La partie n’est pas gagnée, il en faudrait d’autres en cascade.
Seulement, dès qu’on regarde ailleurs, on est inquiet : qu’en est il des parlers et de la culture amérindiens au Pays des Eaux, en Guyane ? Le silence se fait mépris... Et le shimaorais ? le shibushi ? Assassinat programmé. La France ignore t elle à ce point le sens de ses responsabilités intérieures ?

Elle se plaît en tout cas trop commodément à cantonner ses langues dans des dictionnaires, véritables tombeaux de papier. Le pauvre pays qui ne voit les Noirs et les Arabes que dans ses propres prisons : il faudrait en muter aux Antilles des Zemmour et des Renaud Camus, et des « responsables » : qu’ils sortent enfin de leur Louis XV !

Mais l’envie se fait sentir de resservir encore le couvert. Il n’y pas de « C’en est trope ! » chez Pivot, mais "c’est trop !" « expression, écrit il, qui fait fureur chez les enfants dès lors qu’il s’agit d’exprimer leur plein de contentement ou d’émerveillement ».

Jean Charles Angrand


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