Comment écrire un papier sur un livre acheté, mais jamais reçu ?

7 juin 2018, par Jean-Baptiste Kiya

Un siècle de peinture française 1820-1920 par Camille Mauclair, chez Payot.

La vente n’avait pas été ‘finalisée’, m’étant rendu compte avant le dernier clic que je n’avais pas les moyens de paiement indiqués. Non titulaire de carte bancaire, j’effectue toujours un règlement par chèque ou par virement, une habitude que le site n’ignore pas. eBay m’a relancé : “Vous vous êtes engagé à acheter cet objet”. 20 euros, 40 avec le port. Le libraire italien contacté, celui-ci me fait parvenir enfin ses coordonnées bancaires.

Le virement est effectué le 12 février. Le lendemain, le célèbre site de transaction m’envoie un message d’annulation de vente, le ‘litige’ prenait fin. Pour réponse, je leur indiquais l’ “objet” avait été acheté, et que s’il y avait litige ce ne serait certainement pas parce que le vendeur n’avait pas été réglé…
Deux mois s’écoulent, pas de réception de l’ouvrage, je m’enquiers auprès du libraire de la livraison. Excuses. Il m’est précisé que le produit est “emballé” le 4 mai.
Ce week-end, inquiétude, je relance le vendeur. Sans réponse.
… Un papier à faire pour jeudi sur un livre que je n’ai toujours reçu !

Au retour sur annonce, “Un Siècle de peinture française 1820-1920 par Camille Mauclair, chez Payot”, je me rends compte qu’elle a été supprimée. Toujours 100 % d’évaluations positives au crédit de ce vendeur italien. Aucune réaction de la part de l’hébergeur qui a été relancé, eBay, qui sait pourtant se manifester auprès des acheteurs retardataires. Il ne semble pas qu’il fasse le même tintamare auprès de ses vendeurs indélicats, c’est toujours le plus petit qui trinque.
De guerre lasse, j’improvise : “Avant d’en venir à cet écart à partir duquel joue le peintre entre ce qu’il est et l’image qu’il donne de lui-même, nécessité est d’aborder la perception du “moi” telle que s’en faisaient les avant-garde fin de siècle afin de jauger la posture de l’artiste et d’évaluer s’il ressortait de la résonance ou de la dissidence.
La presse de novembre 1892 et Camille Mauclair nous apprennent que Charles Angrand fut un des rares artistes peintres à assister aux obsèques de Georges-Albert Aurier, grand critique d’art au Mercure de France, cela en dépit des critiques acerbes qu’il avait décochées l’année précédente en direction des pointillistes enfermés, soulignait-il, dans une “arlequinesque vision”.
La même année voyait paraître le recueil de poésies Tel qu’en songe d’Henri de Régnier avec des vers qui faisaient sensation, en cela qu’ils plaçaient le regard du Poète au centre du paysage (et du temps) :

“Ô mon âme, le soir est triste sur hier,
Ô mon âme, le soir est morne sur demain,
Ô mon âme, le soir est grave sur toi-même.”

Un an avant la disparition de Georges-Albert Aurier, le critique avait établi les caractéristiques de l’œuvre d’art à venir : celle-ci devrait être, soulignait-il :

“1° idéiste, puisque son idéal unique sera l’expression de l’Idée ;
2° symboliste puisqu’elle exprimera cette Idée par des formes ;
3° synthétique puisqu’elle écrira ces formes, ces signes selon un mode de compréhension générale ;
4° subjective puisque l’objet ne sera jamais considéré en tant qu’objet mais en tant que signe perçu par le sujet ;
5° décorative (c’est une conséquence) - car la peinture décorative proprement dite, telle que l’ont comprise les Égyptiens, très probablement les Grecs et les primitifs, n’est rien autre chose qu’une manifestation d’art à la fois subjective, synthétique, symboliste et idéiste”.

Les termes clés synthétique, subjectif, et d’harmonie reviennent fréquemment sous la plume de Charles Angrand dès lors qu’il évoque son art, à la fois dans la correspondance et plus encore dans ses 200 carnets inédits de peintre.
Le catalogue du cinquantenaire de la mort du peintre fut l’occasion pour le neveu, ‘dépositaire’ des carnets, de présenter un mince florilège de citations parmi lesquelles on relève :

- “Faire un tableau, c’est aller au-delà d’une impression et aussi au-delà de la réalité, c’est atteindre à une synthèse du moins partielle” (cahier 5).
- “Le tableau doit être avant tout une composition, c’est-à-dire une organisation par l’esprit, des lignes, formes, couleurs, en vue d’une harmonie expressive” (cahier 39).

Des réflexions dont les propos montrent qu’ils ont été tenus dans la première période du peintre, ce que confirment les termes d’un courrier adressé au critique Eugène Brieux de mars 1889, soit deux années avant la parution de l’article manifeste d’Aurier cité, “Le symbolisme en peinture - Paul Gauguin”, au Mercure de France. Dans cette lettre, Charles Angrand indique “combattre l’opinion de beaucoup de gens” qui consiste à croire “que l’art que nous essayons d’innover est un art platement réaliste, un art, mais de copiste. Non (poursuit-il), c’est au contraire un art synthétique et subjectif”. Deux notions phares qui fondent la perception de l’art symboliste de G.-A. Aurier et qui définissent de commun la mise en scène, façon ritournelle, du Chat autobiographique. Développement qui s’insère dans l’élan du symbolisme des années 86-90, comme le montre Mauclair.

Aurier “prônait un art de la suggestion, ou du symbole, qu’il appelait ‘idéiste’”, précise l’Encyclopédie du Symbolisme de Cassin, cet art devant obéir aux nécessités d’une idée à exprimer : ‘Le strict devoir du peintre idéiste est, par conséquent, d’effectuer une sélection raisonnée parmi les multiples éléments combinés en l’objectivité, de n’utiliser en son œuvre que les lignes, les formes, les couleurs générales et distinctives servant à écrire nettement la signification idéique de l’objet, plus les quelques symboles partiels corroborant le symbole général’”.
S’agissait-il d’adorner les pensées qui traduisent le moi profond ou bien de les vêtir d’une forme autonome générant des lois propres ?”

Jean-Baptiste Kiya


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