Le Pigiste (5)

18 août 2018, par Jean-Baptiste Kiya

Transpirant malgré le froid, je m’étais retiré sous le feuillage pour écouter. Le grondement n’en finissait pas, se répercutait sur le flanc de la montagne, des cris se produisirent. Il y avait, je crois, un gîte en bas. Immobile, je jetai un œil circulaire. Personne ne m’avait vu. Après tout, la prochaine tempête allait décrocher tout ça. Et puis c’était la faute aux services municipaux qui ne font pas le travail des purges nécessaires… Il y aurait à écrire quelque chose là-dessus d’ailleurs. Je serrai sous mon bras l’appareil photo comme si j’avais voulu le protéger, j’attendais que tout se calme.
Je repensai à une tirade d’un film de John Ford, “L’Homme qui tua Liberty Valence” : “Dans l’Ouest, lorsque la légende devient la réalité, on publie la légende”. En américain : Print the legend…
Puis je sentis que c’était le moment pour l’héroïsation du présent… Je mis alors la main sur le carnet de notes, me couvris de ma casquette, pris ma respiration pour sortir lentement du bosquet, remontant ostensiblement ma braguette comme si je venais d’uriner. Je redescendis d’un pas qui se voulait détendu, mais qui était mal assuré.

Le lendemain j’obtenais l’exclusivité du premier journal que j’avais contacté, je connaissais bien le rédacteur en chef. L’article fut imprimé en pleine page, avec une photo que j’avais prise. Il y avait là tous les ingrédients pour feuilletonner. Ma mère montra la une fièrement à la famille. Modeste et souriant, je balayais les compliments d’un revers de main. Une semaine et quelques articles après, - rédigés à la façon d’Albert Londres : phrases sèches, discours sinueux-, je recevai les compliments du directeur du JIR et signai un contrat en bonne et due forme.
Je pus travailler un bon mois avec les honneurs de mes collègues, quand un matin, je trouvais la gendarmerie à ma porte. Garde à vue, puis écroué en attendant le jugement pour destruction partielle de récolte, de bâti privé, provocation volontaire d’éboulement, destruction de biens publics… J’attendis deux mois le procès et fus immédiatement renvoyé de la rédaction du journal.

Je fis, à nouveau, la une du quotidien, mais pas de la façon dont j’aurais pu le souhaiter, tout en demeurant persuadé que j’aurais fait beaucoup mieux que le journaliste en poste, si le travail m’avait été échu.

Jean-Baptiste Kiya

Avec mes filles.
Remerciements à Manuel Marchal.

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