Plateau-Caillou

Un jeudi comme un autre (3)

21 août 2015, par Jean-Baptiste Kiya

Je finis par me lever, vins au salon m’effondrer dans le canapé, j’allumai pour lire une troisième fois le journal. Je me rendis compte que j’en avais ni la force, ni l’envie. J’éteignis, mal à l’aise, éreinté, une douleur sourde au fond des yeux. Et toujours le hurlement du chien qui tapait, qui me vrillait le crâne.
Affalé sur les cousins trop chauds, torrides, pendant trente minutes d’affilée le chien gueulait, m’usant les nerfs jusqu’à la corde, décomposant le temps. Dans le pseudo sommeil qui me tenait paralysé, résonnaient les cris qui se répercutaient hallucinés dans ma boîte crânienne. Le temps se faisait poison, tombant en goutte à goutte, distillé ; fallait-il attendre ainsi la barre du jour ? À une nouvelle plainte, plus forte, celle-là, je me levais, me dirigeais vers la cuisine. Mon bras n’eut guère à chercher. Je saisis le froid dur de l’acier. J’ouvris la porte et descendis les marches en savates, en pyjama, sans même, je m’en rends compte aujourd’hui, allumer la lumière ; quand je sortis en plein air, le froid de la nuit me saisit un instant les membres, mais la voix du chien m’attirait comme un aimant.

Je m’approchais, et au détour d’une voiture, je le vis dans son sang. Paralysé de l’arrière-train. Le sang brillait. Il hurlait. Il tourna la tête, interrompit son cri. Il m’avait sans doute entendu venir. Il me regarda de ses yeux humides, étincelants. Intensément j’y lus une douleur infinie.
Puis quand il reprit son cri, ce fut comme un déclenchement : j’abattis sur sa face le hachoir, une fois, deux fois, trois fois : ne pas lui donner le temps de l’ouvrir ; j’assenais trois autres coups avec une brutalité et une force qui me surprirent. La bête s’était tue. Son cri me retentissait encore dans la tête. J’étais courbé sur la carcasse, le crâne avait éclaté. J’avais du sang plein la main, sur le pyjama.
Je me retournais. D’un oeil circulaire, je vis des rideaux frissonner, quelques lumières s’éteindre. Je sentais obscurément que je les avais libérés, que j’avais réalisé ce qu’ils rêvaient de faire et qu’ils n’avaient pas osé. Je me sentais fier de ce que j’avais fait pour la résidence.
Je rentrai chez moi, avec lassitude. Ma femme dormait à poing fermé, elle ronflait même un peu.

La vie continua. Je jouais au loto. J’ai même gagné une petite somme. Je lisais mon journal, regardais mes feuilletons à la télé.
Tout pourrait aller bien, s’il n’y avait pas cette mère célibataire qui venait d’emménager à côté, avec son gamin qu’elle corrige régulièrement, qu’elle laisse seul, et qui fait tant de bruit pendant la journée dans la cour, qu’elle laisse pleurer et crier dans sa chambre. C’est une misère : les murs trop fins laissent tout passer... Les parents modernes ne savent plus éduquer leurs gamins. Ce sont les mômes qui déséduquent les parents. Et il est là dans la journée, le gosse à crier dans la cour, à taper sur la rampe de l’escalier, à pousser des cris dans le couloir qui résonne. Les garderies, ça existe, quand même… Et parfois, quand il se défoule comme ça, je sens monter en moi un désir... Quand je l’entends pleurnicher, faire la sirène comme un capricieux… Si j’étais le père qu’est-ce qu’il prendrait !... Et encore, en ce moment... Le voilà qui…, il..., il hurle… Mon Dieu... juste sur le palier, en haut de l’escalier, il est là, derrière la porte, en face ; on dirait qu’il me provoque, mon Dieu, un peu plus et... Mon Dieu, qu’on me vienne en aide...


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