Le bruit, la fureur, la nausée...

3 mai 2011

« La vie, c’est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien », écrit Shakespeare dans “Macbeth”. La vision du monde que nous donnent ces jours-ci les organes d’Information (avec un grand “I” s’il vous plaît) n’a rien qui puisse atténuer, quatre siècles plus tard, la vision pessimiste du grand dramaturge.

Frédéric Mitterrand, sinistre de la Culture

Mercredi 27 avril, sur Réunion Première, Frédéric Mitterrand, au terme d’une visite qui restera dans les annales comme une des plus nulles qu’ait pu effectuer un ministre dans notre île, condescend à répondre aux questions de la présentatrice du journal TV du soir. Désinvolte et avachie, l’Excellence a du mal à animer son regard torve d’un semblant de chaleur humaine, et on sent bien, à écouter le contrepoint de sa voix aigrelette, que La Réunion, il n’est « pa la èk sa ».
Avec une moue hautaine, il rappelle à celle qui l’interroge qu’il faut l’appeler ministre de la Culture «  et de la Communication » . Son voyage n’a donné lieu à aucune annonce sensationnelle ? Il n’était pas venu pour ça. Il n’a rien répondu aux demandes des acteurs culturels qu’il a rencontrés ? Non, il les a écoutés. Que pense-t-il des suppressions de postes dans le Premier et le Second degré ? Rien, ce n’est pas son problème, voyez le ministre de l’Éducation nationale. Quant à parler de l’Histoire, de l’Identité, de la langue créole, de la MCUR : zéro calebasse, silence radio (et télé), la question ne sera pas posée. Il t’impressionne, belle Valérie ? Enfin, après ces minutes de communication exemplaire, Mossieur le Ministre, désireux de gratifier le bon peuple d’une de ces formules bien senties dont il a le secret, nous livre sa vision profonde de La Réunion : « Je pense, c’est une société formée de composantes d’origines diverses, mais disposées à vivre ensemble ». Génial. Le regretté Coluche aurait dit que quand on est ministre de la Culture, et qu’on n’a rien d’autre à dire, on devrait avoir la prudence, sinon la décence, de fermer sa g..... C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’Excellence en partant pour l’aéroport, non sans avoir lâché un dernier bâillement d’ennui...

Didier Robert, joues pleines, discours creux

Sur la chaîne concurrente, jeudi soir, après la plénière du Conseil régional, Jean-Marc Collienne reçoit Didier Robert en direct sur le journal TV d’Antenne-Région, pardon Antenne-Réunion. Déférent jusqu’à l’obséquiosité, son sourire de jocrisse aux lèvres, approuvant d’un hochement de tête bienveillant chaque affirmation de son interviewé, le journaliste l’aide à accoucher de son numéro bien rodé d’autosatisfaction politique : oui, il dirige une action volontariste, ambitieuse, tournée vers la jeunesse, visant à effacer douze années d’immobilisme, et surtout à relancer l’emploi, et patati, et patata, ponctués des habituels « bien évidemment », des « tout naturellement » et autres billevesées servies à la mitraillette avec un débit d’automate. Et pourtant : dans le même journal, on vient de nous apprendre que si le chômage a légèrement baissé au plan national, il a au contraire progressé à La Réunion. Jean-Marc Collienne, pris d’un brusque accès d’honnêteté journalistique, saisit-il l’occasion de faire remarquer au Président de Région que c’est une singulière façon de favoriser l’emploi que de supprimer de grands chantiers comme la rocade du Tampon (100 millions d’euros), le tram-train (1,6 milliard d’euros), deux lycées sur trois (70 millions d’euros), la MCUR (80 millions) ? N’y pensez même pas ! Depuis qu’il s’est fait grossièrement marcher dessus en direct par Nadia Ramassamy le soir de l’élection, sans même oser réagir, l’intéressé a apparemment décidé de limiter son rôle à celui de carpette journalistique, le temps au moins de l’actuelle mandature. Bravo pour la performance : il faut une souplesse d’échine hors du commun pour garder le sourire en baisant la main de ceux qui vous bottent les fesses...

Qui veut gagner mille euros ?

On pourrait espérer au moins que si elle est au garde-à-vous devant les puissants de ce monde, la presse, à tout le moins la presse écrite, qui ne subit pas l’impératif du minutage, aurait à cœur d’expliquer au salarié moyen en quoi il est concerné par la fameuse prime de mille euros annoncée en grande pompe par Sarkozy. Vaine attente : qu’on lise notre “grande presse” locale ou nationale, c’est la bouteille à l’encre la plus opaque. Combien de bénéficiaires ? Combien d’entreprises verseront des dividendes en augmentation ? Quels droits pour ceux qui sont employés dans des entreprises de moins de cinquante salariés ? Quel sera le mode de calcul, pour chacun, de cette prime variable ? Baroin (Budget) a parlé de « 1.000 euros au moins », mais Lagarde (Finances) renâcle, et Laurence Parisot (Medef) s’y oppose carrément. Même chose pour le calendrier du versement (si tant est qu’il y en ait un !). Baroin annonce les décrets pour juin, mais Lagarde, sur les ondes, qualifie cette échéance d’irréaliste. À la Saint-Glinglin peut-être ? Bref, pour en revenir à Shakespeare, sûr que ce gigantesque foutoir lui aurait suggéré pour titre « Beaucoup de bruit pour rien ». Un bruit qui fait vendre du papier, c’est bien là l’essentiel pour nos marchands de nouvelles. Seul le “Canard” pousse l’analyse en parlant d’une « opération de diversion » destinée à faire oublier que la réforme de l’ISF (annoncée elle aussi à grand cri) va profiter « surtout aux plus riches, car elle compense — et au-delà — la disparition du bouclier fiscal ».

On pourrait encore parler presse et justice : le président de l’UMP dispensé d’inéligibilité à La Réunion, Charles Pasqua, cheval de retour de la Françafrique, bénéficiaire d’un non-lieu à Paris. Tout va bien, Madame la Marquise, on ne commente pas une décision de justice, surtout si elle est favorable aux petits copains. Même remarque pour le mariage du prince William : deux milliards de téléspectateurs noyés sous un océan de guimauve journalistique et un troupeau de mémères enchapeautées que Karl Lagerfeld lui-même (qui s’y connaît en excentricités) a qualifiés de ridicules sur France 2. Ah, ce moment d’extase biblique quand le jeune frère de la mariée, sous les voûtes dorées de Westminster, devant un parterre de princes cousus d’or et de bourgeois repus, lut l’Epître de Saint-Paul : « Vous ne rechercherez pas la Puissance et vous vous détournerez de la Richesse » !...

Voilà ce qu’elle produit, notre grande presse shakespearienne. Un récit plein de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, conté par un idiot. Ecrit par qui ? Poser la question, c’est y répondre...

Raymond Mollard

Didier Robert

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