Chronique de Raymond Mollard

Souriez, vous êtes gouvernés...

28 décembre 2010

Arrivée au terme de la première décennie de ce troisième millénaire, notre société se doit de faire un point d’étape sur la période écoulée et de tracer sa route pour les années qui viennent : disons tout de suite qu’elle n’est pas au bout de ses peines. L’offre idéologique se réduit à quelques produits-types dont nos camelots officiels nous jurent qu’il est impossible de se passer, et qui pourtant ne font qu’ajouter à la cacophonie et au désordre.

Les uns répètent : « La mondialisation est incontournable, la crise qu’elle provoque est universelle, inévitable, mais surmontable ». D’accord, mais comment ? « En laissant faire le marché ! », tonnent les perroquets du néo-libéralisme et les chiens de garde du « consensus de Washington ». C’est ce qu’ont fait les bricoleurs des subprimes en s’engouffrant dans la spéculation la plus effrénée, en armant les délinquants occasionnels comme Jérôme Kerviel (5 milliards d’euros envolés), les crapules de haute lignée comme Bernard Madoff (65 milliards de dollars), et l’immense meute de tous ceux qui, sur les cinq continents et 24h sur 24, épongent les Bourses, jouent au yoyo avec les matières premières, spéculent sur la dette des États les plus vulnérables, parient une monnaie contre une autre, bref déploient des trésors d’intelligence et de technique... pour bâtir la fortune de quelques-uns sur le désastre universel. N’en déplaise aux grands prêtres du marché, ce n’est certes pas par leur église que passe l’itinéraire du bonheur collectif.

D’autres nous disent : « C’est de l’Union européenne que viendra le salut, car intégrés à 500 millions de citoyens, nous constituons une force économique et politique qui pourra rivaliser aussi bien avec l’Amérique qu’avec les pays émergents ». On ne demandait qu’à voir, on a vu. Vu un euro fort qui nous permet de tout acheter mais nous condamne à ne plus rien vendre (donc à ne plus rien produire d’autre que des générations de chômeurs). Vu des contraintes budgétaires qu’aucun État, et surtout pas la France, n’est capable d’accepter sans sacrifier sa politique de solidarité (SMIC, retraites, sécurité sociale…). Vu une conception du "service public" réduite en quelques années à sa plus simple expression, et des centaines de milliers de postes définitivement supprimés. Vu des Accords de Partenariat Économique avec les états ACP négociés directement par Bruxelles et portant en germe la ruine économique des régions ultrapériphériques comme la nôtre. Bref, là encore, la route offerte tient plus du chemin de croix que de la voie royale.

M. Sarkozy quant à lui s’est fait fort de promouvoir « une France de propriétaires », qui soit aussi « la France qui se lève tôt », celle qui accepte de « travailler plus pour gagner plus ». On voit sur quoi ont débouché ces slogans prometteurs : montée continue du chômage, blocage des salaires, augmentation des prélèvements, collusion éhontée du pouvoir et du fric, flambée de l’immobilier. Quant à l’Outre-mer, et à La Réunion en particulier, après lui avoir fait le coup du « je vous aime », on brise en plein essor sa politique de recherche des énergies nouvelles, on rabote les crédits budgétaires, on supprime les grands travaux (avec la complicité d’élus locaux dévorés d’ambition et bouffis d’incompétence) et on lui jette en échange l’os à ronger du « développement endogène », gadget qui est à l’économie ultramarine ce que le clystère et la saignée étaient aux médecins de Molière.

Le pouvoir politique actuel n’apparaît plus que pour ce qu’il est : opportuniste, gangrené par les « affaires », dénué de toute vision globale, inapte à la générosité sociale, prêt à conforter les nantis et à faire payer les plus démunis. Son seul Idéal, c’est de n’en avoir aucun. Qu’il agisse sur la scène locale, nationale, européenne ou mondiale, c’est le même visage affairiste qu’il présente, le même égoïsme de classe, la même incapacité à donner corps à un futur de progrès et de solidarité. Ses élus sont usés jusqu’à la corde, leurs slogans creux comme des calebasses, leurs têtes rentrées dans les épaules, et lorsqu’ils font mine de porter la main au coeur, c’est seulement pour vérifier l’épaisseur de l’enveloppe aux indemnités…

Puisqu’une délégation réunionnaise vient de participer au 17ème Festival mondial de la jeunesse en Afrique du Sud, et que nous sommes en période de voeux, souhaitons-lui, et à travers elle à toute la jeunesse du pays, de débarrasser au plus tôt notre démocratie du nuage de faux prophètes, de mouches du coche et de prédateurs qui la conduisent à sa perte.

 Raymond Mollard 


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