Le garçon qui courait toujours

20 juillet 2012

- Chiche… Au fait, tu as fait un bon chrono ?

- Mon meilleur temps.

- Dis, ça fait comment de courir si vite et si longtemps ?
Tom parut réfléchir : -Ben, c’est… un rythme intérieur que l’on a, et après, on accélère… »

Le jeune athlète disait qu’il pouvait courir pour deux. C’était comme dans la légende où le géant porte le nain sur ses épaules, pour y voir plus loin : il semblait qu’il portait son frère sur ses épaules et qu’il pouvait l’emporter n’importe où sur la Terre : « New York ? Il y a un marathon là-bas… Tu n’aimerais pas voir New York, Thomas ? On dit que c’est une ville verticale. »

En tous points, le myopathe ressemble à un athlète : il doit tenir le rythme. Thomas veut aller jusqu’au bac, malgré la fatigue. Surtout ne pas rater une épreuve. Pour Thomas comme pour son frère, l’existence c’est une course contre le temps.

Malgré sa santé toujours plus chancelante, comme à l’approche de l’arrivée, le jeune handicapé obtint son bac avec mention. Il avait un an d’avance. Dans les mois qui suivirent, comme s’il avait lâché prise, sa santé déclina.

Six mois après avoir décroché son diplôme, il s’éteignit à l’hôpital du Val-de-Grâce.

Pourquoi son frère était-il parti, alors que, lui, Tom était toujours là ?

Ils savaient tous deux combien le corps humain est fragile et éphémère. Ils l’avaient tous deux vécu dans leur propre chair. Tous les deux, ils avaient voulu aller jusqu’au bout de leurs forces.

Quand la Fédération et son entraîneur demandèrent à Tom de participer aux championnats d’Europe, à Stockholm en Suède, il refusa. Il a dit à tous ces gens qui le soutenaient : « Désolé, je suis venu courir ici à Paris pour mon frère, maintenant qu’il n’est plus là, je ne vois rien qui pourrait m’empêcher de partir ». Il en avait terminé avec la course. Il était arrivé. Ils étaient arrivés ensemble.

Tous les deux avaient-ils échoué ? Non, ils étaient sortis vainqueurs, non d’une victoire pleine et entière, qui n’existe jamais, mais d’une victoire relative, personnelle, intérieure. Ils avaient ensemble combattu la fatalité. Si la fatalité avait été plus forte, qu’importe, l’essentiel avait été de lutter.

À présent, Tom voulait simplement achever ses études, en terminer avec son bac pro, et entrer dans la vie active. Il avait dans les études le sérieux et le détachement de ceux qui ont connu le malheur. Il voulait terminer son parcours scolaire parce qu’il s’était fixé cet objectif et qu’il savait que la vie est, ô combien, précieuse, légère, impalpable.

Jean-Charles Angrand

À la mémoire de Nora.

A.F.M. : Association française contre les myopathies
1, rue de l’Internationale
91000 Évry
En France, le Téléthon est organisé depuis 1987 par l’Association française contre les myopathies (AFM), pour financer des projets de recherche sur les maladies génétiques neuromusculaires (myopathies, myotonie de Steinert) essentiellement, mais aussi sur d’autres maladies génétiques rares.
Journée téléthon 2012 : vendredi 16 novembre 2012


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