Emeline Vidot, membre de la délégation réunionnaise au Festival mondial de la jeunesse

« Cette expérience doit servir la Réunion d’aujourd’hui et de demain »

28 décembre 2010, par Céline Tabou

Secrétaire générale de l’UNEF-Réunion, et thésarde sur l’identité réunionnaise, Emeline Vidot est allée, en compagnie de la délégation réunionnaise, à la rencontre de milliers de jeunes venus du monde entier au Festival Mondial de la Jeunesse et des Étudiants.

Pourquoi avoir accepté de participer à ce voyage ?


- J’ai voulu participer à ce voyage par soif de découvertes. J’ai été poussé par l’envie d’apprendre et je n’ai pas été déçue. Participer à ce festival m’a permis de rencontrer des jeunes du monde entier, de cultures et d’horizons différents, de partager des idées et de mettre en commun des convictions.
Dès le premier jour, j’ai senti que ce festival allait être énorme. La rencontre avec l’ensemble des délégations a été un grand moment. Nous étions tous dans le même état d’esprit : c’est l’envie de faire connaissance et d’entrer en contact avec l’autre qui a primé dès les premiers instants. Je garde un très bon souvenir des Cubains, qui m’ont permis d’approfondir mes connaissances sur l’histoire de Cuba et qui n’ont que renforcé ma passion pour l’histoire de ce pays.
Accepter de participer à ce voyage, c’est accepté de remettre en questions toutes les idées reçues et les préjugés dans lesquels on s’enferme par l’apprentissage que nous délivrent les manuels scolaires, les théories ou encore les idées toutes faites que l’on ingurgite sans remise en question. Ce voyage m’a permis de mettre à plat mes connaissances et de réévaluer la vision que j’ai toujours eue du monde qui m’entoure. Ce festival a été, pour tous, une occasion en or de s’enrichir, de comprendre autrement la diversité culturelle, de jeter un autre regard sur la conception identitaire. Nous sommes arrivés avec nos points de vue, nos différences, nos histoires, et malgré cette hétérogénéité et cette multiculturalité, j’ai ressenti une cohésion et une unité très forte.

Qu’avez-vous pensé du Festival mondial de la jeunesse ?


- Le Festival mondial de la jeunesse et des étudiants est un évènement d’une très grande ampleur. J’en ai pris conscience lors de la cérémonie d’ouverture. Ce jour-là, je pense que notre délégation a pris conscience des enjeux véritables de ce séjour. Nous avons aussi vu tous les paradoxes dans lesquels cet évènement prend racine pour être ce qu’il est. D’un côté, le FMDJ a mis en avant les impacts négatifs de l’impérialisme et du capitalisme sur nos sociétés. D’un autre côté, la cérémonie d’ouverture en grande pompe de cet évènement hautement symbolique pour l’avenir de nos sociétés a mis en avant les symboles impérialistes qui écrasent notre société.

D’une part, nous avons eu droit à une Afrique chaleureuse, accueillante, très humaine, notamment avec les bénévoles sud-Africains. Ce sont les volontaires sud-africains qui ont fait tourner la grosse machine du festival. Ces volontaires, toujours de bonne humeur et motivés malgré l’ampleur du travail quotidien, ont toujours gardé le sourire. Ce sont l’organisation et les moyens mis en place pour rendre cet évènement possible qui ont témoigné de la volonté politique de se prononcer contre l’impérialisme et pour la paix.
Lors de la cérémonie d’ouverture, le discours du Président Zuma a réaffirmé la force du message de ce festival au monde entier.

D’autre part et paradoxalement à cela, nous avons aussi eu droit à des interventions militaires, avec des chorégraphies aériennes d’avions de chasse, des démonstrations de bombardement et des passages d’hélicoptères qui ont fièrement arboré le drapeau national. L’Afrique du Sud n’a pas lésiné sur les moyens pour témoigner de l’envergure internationale de l’événement, mais elle a fait appel à tous les symboles de l’impérialisme pour ouvrir un festival qui avait pour objectif de le contrer. C’est dire toute la difficulté qui réside dans cette problématique mondiale : la lutte contre l’impérialisme est un combat sans précédent. Toutes les contradictions que cette cérémonie d’ouverture ont mis en lumière l’ampleur du travail de fond que nécessite la lutte contre l’impérialisme, le capitalisme, les doctrines aliénantes, la société de consommation et l’individualisme qui ont pris les devants et effacent toutes nos valeurs dans ce monde.

Quel bilan tirez-vous de ce festival ?


- Le bilan ne peut qu’être positif... L’expérience humaine que j’ai vécue en Afrique du Sud, grâce à ce festival, est une leçon de vie unique. L’enrichissement s’est opéré à plusieurs niveaux. Nous avons vécu à quatorze pendant plus de dix jours et forcément, les leçons humaines que l’on peut tirer de ce genre d’expérience collective nous ont ouvert les yeux sur l’individualisme, qui guide souvent nos comportements au quotidien.
De même, les rencontres et les échanges avec des jeunes du monde entier ont ouvert nos propres limites et le mot "unité" a vraiment pris son sens en Afrique du Sud. À mon sens, les quatorze Réunionnais de notre délégation sont revenus changés de ce séjour, chacun à leur niveau. Ce festival a permis d’enrichir les visions et les conceptions sur le monde qui nous entoure. Le point de vue politique, historique, culturel ou encore identitaire a été forgé et nous jetons tous un autre regard sur l’évolution de la société réunionnaise.
Cette expérience doit servir La Réunion d’aujourd’hui et de demain. À La Réunion, nous avons des ressources et des capacités non exploitées. La langue créole n’occupe pas la place qu’elle devrait à l’école. L’expression culturelle est freinée par des idéologies assimilées et aliénées. Nous sommes encore victimes d’une colonisation moderne qui nous endoctrine et nous formate. Nous laissons l’impérialisme s’installer et nous autorisons l’uniformisation de notre île en défaveur de notre propre identité créole.
Peu à peu, nous laissons l’industrialisation prendre le pas sur nos produits locaux. Les valeurs défendues jusqu’à la mort par nos ancêtres s’estompent et le Réunionnais s’enferme dans une idéologie qui n’est pas la sienne. Tous les profits intellectuels et humains que notre délégation de jeunes Réunionnais a su tirer de ce festival doivent aujourd’hui servir à la jeunesse réunionnaise. La jeunesse réunionnaise doit prendre conscience que nous sommes le moteur et l’avenir de La Réunion de demain. Nous concrétiserons ces idées développées au Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, en Afrique du Sud.

Propos recueillis par Céline Tabou

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