Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos

« Le “Parc Marin” britannique bafoue nos droits fondamentaux »

6 février 2010, par Alain Dreneau

Le peuple chagossien est ce peuple arraché par la force à son archipel natal, au tournant des années 60 et 70. Le crime a été perpétré par les gouvernements de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Depuis 40 ans, les Chagossiens n’ont cessé de se battre pour leur droit fondamental, celui du retour aux îles Chagos. A la tête de cette lutte exemplaire, Olivier Bancoult est le leader du Groupe Réfugiés Chagos. Il a participé, jeudi soir au Port, à la constitution du Comité Solidarité Chagos. Nous l’avons rencontré avant son retour à l’île Maurice, pour qu’il nous parle du dernier mauvais coup du gouvernement britannique : le projet de Parc Marin (“Zone de protection environnementale maritime”) sur l’ensemble de l’archipel des Chagos.

Olivier Bancoult : Il est important d’attirer l’attention de l’opinion, à La Réunion et dans le monde, sur le fait que le gouvernement britannique vise une fois de plus à bafouer le droit fondamental des Chagossiens, en voulant imposer son projet de Parc Marin.
Depuis la déportation de la communauté chagossienne, et donc durant de longues années, le gouvernement britannique a tiré avantage de toutes les ressources marines de l’archipel en octroyant les permis aux compagnies qui viennent pêcher dans les eaux territoriales des Chagos. Avec cet argent perçu, il n’a jamais alloué le moindre crédit pour un plan de construction de logement ou un plan de formation concernant les Chagossiens.
Comment la puissance britannique peut-elle aujourd’hui prétendre protéger les espèces marines des Chagos tout en refusant le droit aux humains, natifs de l’archipel, de vivre sur leurs îles ? Et comment peut-on avoir un Parc Marin avec en même temps une base militaire américaine sur Diego Garcia ? Et comment le Parc Marin s’accommoderait-il de la présence de centaines de travailleurs philippins, singapouriens, sri-lankais, (sans compter les éléments britanniques et américains) et interdirait-il la présence des Chagossiens ?

Toutes ces questions montrent que le déni des droits des Chagossiens continue avec ce projet de Parc Marin…

- Tout à fait. Si on prend l’exemple des Malouines (possession britannique, îles situées au large de l’Amérique du Sud), le gouvernement de Londres y a mis en place un fonds avec l’argent des permis de pêche. Il l’utilise pour améliorer les conditions de vie des habitants des Malouines. Aux Chagos, il ne l’utilise que pour affréter un bateau patrouilleur qui soi-disant surveille les eaux territoriales. Malgré cette présence, il y a toujours des pêches illégales. C’est la présence des natifs qui sera le vrai garant de la préservation des ressources.
Car nous avons toujours dit que nous sommes pour la protection des ressources. A titre d’indication, dans notre Plan de Réinstallation aux Chagos que nous avons présenté en 2008, nous faisons mention de cette dimension environnementale, en identifiant sept îles de l’archipel qui seraient préservées comme sanctuaires naturels. Et en aucun cas la totalité des îles, comme le veut le gouvernement britannique. Mais sans reconnaissance de nos droits au retour, il ne peut y avoir de conservation du patrimoine naturel.

Mais pourquoi cette soudaine prise en considération du milieu marin de l’archipel des Chagos par les Britanniques ?

- Justement, on ne comprend pas cette soudaine précipitation du gouvernement britannique sur ce projet. Pourquoi n’a-t-il pas fait passer le dossier par ses institutions afin de recueillir les positions des membres de tous bords du Parlement ? Et surtout pourquoi, sachant qu’il y a un procès en cours à la Cour européenne des droits de l’Homme, n’attend-il pas le verdict de cette Cour ? En fait, on ne comprend que trop cette précipitation. Le gouvernement britannique sait très bien que la Cour de Strasbourg va lui donner tort, tant les atteintes aux droits de l’Homme sont criantes. Et il croit pouvoir faire diversion sous couvert de cette soudaine préoccupation environnementale.

Mais ce projet est “parachuté” sans aucune concertation avec personne ?

- Exactement. Ni avec notre peuple, ni avec le gouvernement mauricien. Pour ce qui est des Chagossiens, non seulement nous sommes tenus éloignés de force de notre territoire, mais nous n’avons même pas le droit de nous exprimer sur le devenir de ce territoire. C’est exactement comme en 1965, quand il a été décidé de nous expulser pour construire la base de Diego Garcia. Pour ce qui est du gouvernement mauricien, il est en droit de protester contre un projet qui lui est imposé. C’est ce que le Premier ministre mauricien a dit à son homologue britannique au Sommet de Copenhague. Même si celui-ci a envoyé un médiateur, pour nous, le problème reste entier et incontournable : le plan de Parc Marin est déjà là, pensé et imposé, sans concertation aucune, afin de répondre exclusivement aux visées britanniques.

Nous sommes donc plus que jamais déterminés à nous opposer à toute action du gouvernement britannique autour d’un Parc Marin visant à bafouer une fois de plus nos droits fondamentaux. Nous comptons sur le soutien de toutes les personnes, à La Réunion en particulier, qui croient en le respect et la dignité de l’être humain.

On a fait circuler une pétition sur le net. Je fais un appel pour que le maximum de personnes solidaires de notre lutte signent cette pétition dans les tout prochains jours (la consultation sera close le 12 février prochain). Voici le site pour signer la pétition : http://www.marineeducationtrust.org/petition/protect-chagos

Propos recueillis par Alain Dreneau

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