Sudel Fuma, historien et directeur de la Chaire UNESCO à La Réunion

Priver un homme de son Histoire est criminel

29 octobre 2011, par Cinthia Fontaine

C’est hier qu’ont été présentées à Saint-Leu les différentes cérémonies qui marqueront le bicentenaire de la révolte de 1811 qui s’était déroulée sur le territoire du quartier Trwa lét. Cheville ouvrière de cette commémoration, Sudel Fuma fait le point sur plusieurs questions liées à l’Histoire.

Jeudi, un amphithéâtre de l’université a été appelé amphithéâtre Élie, qu’est-ce que cela représente pour vous et pour tous les Réunionnais ?


- C’est un événement exceptionnel. C’est la première fois que le nom d’un esclave est donné à un amphithéâtre, qui est un lieu de connaissance et de savoir. C’est la première fois depuis l’existence de l’Université de La Réunion. À part Lacassaude, descendant d’une ancienne esclave elle-même affranchie, il n’y avait aucune référence à ce pan de l’Histoire réunionnaise qu’est l’esclavage dans l’enceinte universitaire. C’est d’autant plus exceptionnel, car le projet a été porté unanimement par le collectif Lané Élie, la Chaire UNESCO et les associations culturelles et a été soutenu à l’unanimité par le conseil de Faculté des Lettres et Sciences humaines et par le conseil d’administration. C’est un événement historique et on ne peut qu’être heureux et fier de ce symbole très fort de la liberté, de la dignité, de la réhabilitation, de la reconnaissance, d’une revalorisation de ce passé maintenant révolu qui a si souvent été dénié ou déformé par l’idéologie colonialiste.

Que pensez-vous de l’apprentissage de l’Histoire réunionnaise à l’école ?


- Je crois qu’on est sur bonne voie bien que ce ne soit pas encore suffisant. Certaines régions de l’île font un véritable effort. Je pense notamment à Saint-Leu où j’étais ce matin (hier-NDLR) dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de la révolte d’Élie qui se déroulera du 4 au 11 novembre. La grande révolte des esclaves s’est-elle déroulée entre le 5 et le 8 novembre à Saint-Leu. Relié à cet événement, il y a eu tout un travail de fait dans les écoles primaires avec les enseignants. Ça a pris du temps, mais ça a pris. Chaque ville qui accomplira la même chose sera une avancée. Autre exemple, dans une école primaire qui a été baptisée école Élie, on remarque que les enfants sont beaucoup plus sensibles, plus intéressés par leur Histoire. Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais on est sur la bonne voie.

Le gouvernement a récemment décidé de réduire les temps d’Histoire pour les options scientifiques, qu’en pensez-vous ?


- C’est dramatique. Sans Histoire, il n’y a pas de racines, pas de références au passé. Sans passé, on ne peut pas avancer dans le temps, dans l’avenir. Dans le présent, on est mal. Et dans l’avenir, on peut refaire les mêmes erreurs. L’Histoire bégaie, et ce qui s’est déjà passé comme le nazisme ou l’esclavage peut revenir. Souvent, on oublie. On se dit, c’est terminé, on oublie et on va de l’avant. Mais oublier le passé et surtout ne pas l’apprendre aux enfants, c’est non seulement dramatique, mais catastrophique. C’est prendre une grande responsabilité face à l’avenir. C’est commettre un crime. L’Histoire est nécessaire. Elle est indispensable. Un homme sans Histoire est un homme sans racines, ce n’est pas un homme. Comme, je l’ai d’ailleurs écrit en préambule de mon livre "La révolte des oreilles coupées « un peuple devient solide et vrai quand il comprend et maîtrise son histoire ». Ne pas enseigner l’Histoire c’est aller contre l’unité réunionnaise. Cette unité de La Réunion qui ancrera en nous cette Histoire commune faite entre-autre de souffrances, mais qui nous a permis de nous transcender, de nous dépasser. Nous avons en nous, toutes ces cultures que nous devons apprendre à les connaître. Et nous en empêcher, c’est criminel.

Propos recueillis par CF

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