Ainsi en est-il de certains hommes et de certaines femmes…

19 septembre 2011

Chez moi, à La Possession, dans la petite pièce que j’ai transformée en bureau, j’ai sous les yeux une photo prise il y a quelque 71 ans d’un homme que je connais bien, un homme qui finit donc la traversée de sa vie tout en portant non sans satisfaction ses 94 ans. Souvent nous nous rencontrons et, une fois par semaine, entre trois paires d’yeux, nous partageons un repas, chez lui, dans la maison où il a longtemps vécu en totale harmonie avec son épouse avant que cette dernière ne quitte notre terre il y a aujourd’hui moins d’une quinzaine d’années.
Nous évoquons alors cent et une choses, et revenons notamment sur Octobre 1945 et la magnifique adhésion que notre population sut alors bâtir autour de Raymond Vergès et Léon de Lépervanche pour que notre île, cinq mois plus tard, en même temps que la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, quitte le statut de colonie et accède à celui de Département. Nous passons aussi en revue la vie d’avant, une vie faite de choses simples et d’engagements graves, une vie faite d’interrogations et de la difficulté à imaginer ce que serait demain. Nous énumérons dix et vingt exemples de cités qui sont, les unes après les autres, sorties de terre. Nous faisons un détour jusque La Possession qui a posé spectaculairement ses nouveaux quartiers comme pour illustrer une carte postale qui commencerait depuis et derrière Le Port jusque là-haut, là où des hommes et des femmes vivent au cœur des nuages. Et de bien d’autres sujets encore…
Ce type de moments, c’est, n’est-ce pas, l’occasion de se poser la même question : ce vieil homme qui fut jeune lui aussi, cet homme qui a vieilli, qui pourrait être notre à bien d’entre nous, qui pourrait aussi être le grand-père d’une flopée de nos jeunes garçons et de nos jeunes filles aujourd’hui en âge de prendre des responsabilités, ce vieil homme qui pourrait même être arrière-grand-père d’enfants qui, à leur tour quand le moment sera venu, auront à prendre encore la relève, ce vieil homme qui, lorsque vint pour lui l’heure de se mêler de ce qui le regardait, a été capable d’apporter à notre petit coin du bout du monde sa part de combats et d’ingéniosité désintéressés qui l’ont transformé plusieurs dizaines d’années plus tard en une région de l’ultra périphérie de l’Europe plantée dans un océan Indien qui est loin d’être quantité négligeable sur toute la planète, ce vieil homme a-t-il aujourd’hui, et aura-t-il demain, les descendants qu’il mérite et qui prendront à leur tour les rênes de notre société ? Suis-je et sommes-nous de dignes héritiers de nos vieux qui ont tant donné à ce pays qui est le notre ? Sommes-nous préparés à nous poser ce type de questions ? Souhaitons que la réponse soit oui.
L’Histoire de notre île ne manque pas d’exemples qui, dans cet esprit, sont bien réconfortants. Un tout récent qu’il nous fut donné de citer : pour une émission télévisée que « Réunion Première » et Rocaya consacreront très bientôt à une de nos villes réputées sportives, nous avons la semaine passée rappelé comment, en Juillet 1976, avec le Président de l’OMS du coin et son épouse, en regardant au domicile de ces derniers à la télévision la jeune roumaine Nadia Comaneci dominer les Jeux Olympiques de Montréal, l’idée s’est imposée que la jeune fille réunionnaise pouvait elle aussi, à partir de la Gymnastique, briser ce cocon dans lequel notre société sportive lui imposait de végéter, dans l’ombre de la « puissante gent masculine ». C’est sous la présidence de cet homme qui, après une riche carrière de sportif de très bon niveau et d’enseignant remarquable, coule aujourd’hui une tranquille retraite dans son village natal de la Saline, sur les hauteurs de Saint-Paul, que, dans la foulée, fut contacté l’Inspecteur de circonscription de l’Éducation nationale. Un souhait ainsi qu’une demande furent faits : que la Gymnastique, discipline sportive à l’époque quasiment totalement absente de notre île, apparaisse le plus vite dès le plus jeune âge de nos enfants, c’est-à-dire dès l’école primaire. L’IDEN n’hésita pas. Il sut inscrire sa vision de la pédagogie dans ce qu’il devinait une démarche d’avenir. Lui aussi perçut que l’image de Nadia Comaneci sur la poutre ou au sol pouvait être un formidable outil pour une spectaculaire promotion de la jeune fille dans une société réunionnaise qui était bien hésitante sur ce plan. Et tout fut lancé.
Peu importe le nom du vieil homme de 94 ans, ni celui de l’épouse et du Président de l’OMS d’une de nos villes ou encore de celui d’un IDEN d’avant-garde. Ils ne sont évidemment pas seuls dans la liste des ceux et de celles à qui nous devons beaucoup. Et nous y avons sans doute pensé ces jours-ci lors des obsèques du père René Payet ou avec la publication de la « lettre ouverte » que Bruny Payet a adressée au président actuel du Conseil Régional à propos de la nouvelle Route du Littoral. Ne convient-il pas seulement et avant tout de rappeler que ce que nous pouvons vivre ici ou là aujourd’hui a souvent une histoire qu’il nous importe de faire connaître ?
Point n’est besoin d’attendre demain ni rechercher les grandes dates de la vie pour souligner ces petits exemples qui font notre quotidien. Tenez, c’était l’autre matin, quelque part dans une rue particulièrement pentue de la ZAC Saint-Laurent à La Possession. Avec mon épouse, j’y étais, pour mon heure quotidienne de marche. À un moment, sous nos yeux, sortent d’un immeuble une femme et une autre personne, son enfant peut-être. Ce dernier était atteint d’une forte infirmité . Et la femme l’aidait à avancer, par le geste et par la voix. Quoi de plus normal, direz-vous ? Oui, quoi de plus normal ? Sauf que ces gestes d’attention et d’amour que j’ai vus une fois et qui m’ont ému, une dame les doit tous les jours et à tous les moments du jour et de la nuit. On peut penser qu’elle vit cela avec, de temps en temps, un terrible questionnement : « Que va-t-il devenir, cet être que j’ai un jour mis au monde, lorsque demain je serai décédée ? ».
Rien à voir avec Madame Fabienne Couapel-Sauret qui, en sa qualité de vice-présidente de la Région chargée des problèmes liés à la circulation, a décidé que sera recommencée dans quelques semaines l’opération « Route libre » qu’elle avait montée l’an dernier. Il s’agit de fermer la Route des Tamarins à toute circulation automobile un dimanche dans l’année et d’inviter les cyclistes et autres rollers à s’y retrouver.
Quand cela fut fait pour une première fois, c’était, rappelons nous, le dimanche 14 Juin 2009, quelques jours avant que ladite Route des Tamarins ne soit livrée pour ce pourquoi elle avait était réalisée : la facilitation de la liaison motorisée des populations de la région Sud avec l’Ouest et le Nord de l’île. La logique voulait que, dans la foulée et dans des délais à considérer, il soit possible que les Réunionnais puissent, chaque dimanche, se sentir à l’aise sur l’ancienne route nationale, celle qui se trouve aujourd’hui fortement délestée, le long de l’océan, entre Saint-Paul et Saint-Louis, voire même jusqu’à Saint-Pierre. Dans la foulée, les centres de Saint-Gilles, de Saint-Leu, de l’Étang-Salé auraient connu une animation certaine, animation qui aurait entrainé ceux qui hésitent encore à prendre leur vélo.
Au lieu de cela, certains poussent Madame Couapel-Sauret à se lancer dans une opération qui n’a de « route libre » pour les cyclistes qu’avec la fermeture exceptionnelle d’une voie qui a été conçue pour les véhicules à moteur. C’est l’opposition organisée entre cyclistes et automobilistes. Qu’y a-t-on à gagner là dedans ? Et dire qu’on trouve certains pour encourager dans l’erreur une élue qui sachant sûrement qu’elle ne maîtrise pas forcément tout, ne demande peut-être qu’à se corriger !
Mais ainsi en est-il de certains hommes et de certaines de femmes…

Raymond Lauret


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