Douze ans après y avoir posé les pieds pour la première fois, notre compatriote Karine Garryer nous parle du Québec où elle s’est installée et a créé sa famille

5 août 2010

… Le 29 juillet dernier, elle participait, avec la télévision du Québec, à l’émission “Un souper presque parfait”. Sans préjuger du classement final qui ne sera connu que dans quelques semaines, nous pouvons dire que Karine Garryer a réussi ce soir là son audace de présenter à ses invités les plats les plus typiques de notre cuisine créole. Aujourd’hui, nous revenons avec ce bout de femme particulièrement volontaire sur les raisons qui l’ont poussée à choisir le Québec comme lieu de vie, sur ce qu’elle a pu y rencontrer comme difficultés. Sur ce dernier point, attendez vous à être déçus. Ses difficultés, Karine les a toutes oubliées au point que l’on peut se dire si elle en a connues !... Questions.

Karine, tout d’abord nous voulons vous remercier pour avoir montré les aspects de la cuisine réunionnaise lorsqu’arriva votre tour de recevoir les participants au “Souper presque parfait” de la télévision québécoise. Mais, bien plus que cela, c’est votre parcours là-bas qui nous intéresse, voire nous interpelle. Ce parcours, quel est-il ? Quelles furent vos motivations de départ, quand vous avez décidé, bien jeune encore, de quitter le pays de vos parents et de votre enfance pour un autre totalement différent ?

- Ma participation à l’émission “Un souper presque parfait” avait pour unique but de faire découvrir aux Québécois notre petit coin du Monde : l’Île de La Réunion. En ce sens, oui, j’ai réussi mon pari.
Mon amour pour le Québec ne date pas d’hier. Il a débuté au lycée où j’avais pour ami (David B...) fraîchement débarqué de Saint-Pierre et Miquelon et qui nous parlait de ses nombreux voyages au Québec pour visiter sa famille.
En juillet-août 1997, j’ai effectué un stage de deux mois à Montréal, au Québec donc, dans le cadre de ma Maîtrise en Gestion des entreprises à l’IAE de l’Université de La Réunion. Ce fût là mon premier voyage au Québec.
Par la suite, j’ai intégré le programme CRÉPUQ (Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec) permettant les échanges entre les Universités du Québec et celle de La Réunion. J’ai suivi un an d’études à Trois-Rivières qui m’ont permis de compléter mon DESS (dans le système français), ce qui équivaut à une Maîtrise au Québec. À la fin de cette année, on m’a proposé un poste à Montréal dans le domaine financier de gestion de portefeuille.

Tout est, semble-t-il, allé très vite. Est-ce dû à ce tempérament rebelle que l’on vous devine ?

- Je dirais que, au-delà du simple désir de vivre une expérience de un an à l’étranger, là où on parle le français, j’ai surtout saisi… allez, je vous l’accorde, mon tempérament disons rebelle m’a beaucoup aidé à me saisir des opportunités que la vie a mises sur ma route et qui me permettaient de me dépasser. Le fait que Montréal soit une ville francophone a énormément influencé mon choix. Le Québec représentait “l’exotisme” pour moi de la même façon qu’une île telle que La Réunion peut représenter “l’exotisme” pour les natifs d’un pays froid.
Quand j’ai la nostalgie de chez nous, de notre cuisine créole, il m’arrive d’aller au “Piton de la Fournaise”, le seul restaurant réunionnais du Québec, situé à Montréal, tenu par Jean-Pierre Charpentier, un Québécois qui a vécu plusieurs années sur l’île et dont la cuisine se rapproche beaucoup de celle de Maman.

La vie est-elle (plus) facile au Québec ? Quelles recommandations feriez-vous, au vu de votre expérience personnelle, à tout jeune Réunionnais qui serait attiré par la même aventure que vous ?

- S’expatrier est une expérience palpitante, une expérience qui vous offre de découvrir une nouvelle culture, de faire de nouvelles connaissances. S’expatrier dans un pays où l’on parle français était sans équivoque supposé me faciliter la tâche, moi dont l’anglais se résumait à « yes/no ». Mon désir de vivre un an à l’étranger s’est très vite transformé en un “projet de vie”  : celui de vivre au Québec et de devenir Québécoise, Canadienne. Tout cela ne s’est pas fait sans heurt, entre les retards dans les démarches administratives pour obtenir les visas (retard en dehors de mon contrôle), l’adaptation à une nouvelle culture, de nouvelles connaissances à lier. Il m’a fallu environ trois années avant de vraiment me sentir chez moi, ici au Québec. Trois années durant lesquelles je m’accrochais à mon “projet de vie”, mon but étant d’obtenir la citoyenneté canadienne et ensuite je déciderais d’y rester ou rentrer à La Réunion. Finalement, 12 ans après, je suis Canadienne, j’ai une famille ici. Quand il m’arrive de retourner en vacances à La Réunion, je me sens “touriste” dans mon île natale.

Vous avez donc pleinement réussi votre intégration. Quelle est la “recette” ?

- À mon sens, pour réussir son intégration, il faut être ouvert d’esprit, et donc prêt à de nouvelles rencontres avec des gens que nous croyons autres et leurs coutumes différentes des nôtres. Il faut apprendre à ne pas juger, seulement comparer et rester toujours disponible pour tout enregistrer de ce que la vie peut nous apprendre et nous apporter.

Mais l’hiver, le « Général Hiver » de là-bas, quand le thermomètre descend à moins 40 degrés ???

- Ce que je pensais être ma plus grande difficulté quant à mon intégration ici s’est avérée l’élément le plus facile. En effet, quand on arrive de La Réunion où on n’a que deux saisons : une très chaude et l’autre moitié de l’année moins chaude, on s’imagine que l’hiver au Québec dure six mois à moins 40 degrés. C’est faux : douze ans après, je suis toujours émerveillée aux premières neiges, j’ai toujours plaisir à déneiger après une “bordée de neige”, et comme tout Québécois de souche, au mois de février-mars, j’ai hâte au printemps. Bref, le bonheur ici, c’est le changement de saisons. Les paysages sont tellement différents à chaque saison et chacune d’elles à son charme. Il n’en demeure pas moins que si on veut réussir son intégration ici, il est fortement conseillé de ne pas arriver en plein mois de janvier, au cœur même de l’hiver, mais plus au printemps ou début de l’été afin que notre corps s’habitue au changement progressif de température.

Ouverture d’esprit, bonne appréhension de l’hiver… Est-ce tout ?

- Bien sûr que non. Notre réussite va dépendre également de la préparation de notre projet avant le départ. Il faut se renseigner, poser le plus de questions. Avec Internet, de nos jours, cela facilite grandement les réponses.
Je ne sais pas si la vie au Québec est plus facile qu’ailleurs. En ce qui me concerne, c’est le milieu que j’ai choisi pour y fonder ma famille, avec un mari natif du Québec et mes deux petites qui apprennent à leurs maîtresses et leurs camarades de garderie ou de maternelle ce que c’est qu’un « portail » ou un « barreau » lorsqu’elles reviennent de la Plaine des Palmistes où demeurent leur papy et leur mamie. Je pense que cela en dit long. Je peux par contre vous certifier que la vie au Québec offre beaucoup d’opportunités, de choix : les horizons sont ouverts à toutes celles et ceux qui sont prêts à se lancer dans une palpitante aventure. Je pense que le livre de Nathalie Mésère : “Quitter La Réunion pour le Canada” pourrait très bien servir de référence pour des futurs expatriés. Cependant, il faut garder en tête que chaque parcours est unique et ce que l’on va vivre va, quoi qu’il en soit, nous grandir, nous enrichir.

On vous prête le désir de “militer” pour qu’une compagnie aérienne assure une liaison entre La Réunion et Montréal. Quels sont les arguments que vous avancez pour cette autre audace ?

- Depuis plusieurs années maintenant, la Région prône la mobilité des jeunes Réunionnais vers des cieux plus cléments tels que le Québec. Il ne faut pas oublier que peu importe où l’on va, là où l’on va, on demeure Réunionnais dans son cœur et dans son âme. Il faut que l’on puisse venir se ressourcer dans notre terre natale… même douze ans après. Il faut — et de cela, je n’en doute pas — que la Région ait l’ambition de ses convictions, c’est-à-dire que les Réunionnais expatriés puissent revenir chez eux, en vacances, aussi souvent que possible. À mon sens, Air Austral, compagnie locale réunionnaise de renom international, serait effectivement une très bonne ambassadrice des couleurs de notre île sur le tarmac québécois.

Vous y croyez vraiment ?

- Oh que oui ! Depuis que je suis ici et que je parle de La Réunion, de nombreux Québécois rêvent d’y aller en vacances. Notre île a effectivement tous les attraits pour attirer le public québécois en mal de soleil, de chaleur, d’exotisme, de dépaysement. De la même façon, les familles des Réunionnais installés au Québec rêvent de venir les visiter. Le Québec est un pays francophone riche en activités, quelles que soient les saisons, pour les familles de nos compatriotes installés au pays des caribous.
Montréal est, je crois le savoir, la deuxième ville francophone en importance au monde. C’est une vitrine sur toute la planète et plus particulièrement sur le continent américain : l’aéroport de Montréal “Pierre-Éliot Trudeau” est un aéroport international. De plus, Montréal reçoit beaucoup de festivals reconnus internationalement : le festival de jazz, celui de “Juste pour rire”, sans oublier des évènements tel que la Formule 1.
Air Austral pourrait très bien y voir l’opportunité de développer de nouveaux marchés, des services tels que des voyages organisés par le biais de partenariats avec une compagnie locale telle que Air Transat. Bon nombre de touristes viennent au Québec pour faire du traîneau à chiens l’hiver, voir les “couleurs” à l’automne, visiter les cabanes à sucre le printemps et voir les baleines l’été.
Excusez mon enthousiasme, mais, oui, j’y crois vraiment…

(Propos recueillis par Raymond Lauret)


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