Gramoun...

18 novembre 2004

Maintenant que tu te reposes après une vie sacrément remplie, maintenant que je te devine entrain, tranquillement, de te repasser le film de tout ce que tu as légué à ton île, moi qui ne t’ai jamais rencontré, permets que je te consacre mon billet de ce jour.
Tu appartiens à cette race de Réunionnais qui, toute leur vie durant, ont eu à se battre pour exister. Tu as eu à te battre, tout d’abord “pour manger” comme on dit. Pour que l’on te respecte et que l’on ne te marche pas sur les pieds, que tu puisses être qui tu étais. J’ai lu, il y a deux ou trois jours, que tu avais été au Parti. Cela m’a fait chaud au cœur. Normal...
Tu as eu à te battre aussi pour affronter la mode des époques “surboum” où les disques de la chanson française étaient les seuls et rares supports matériels de la musique offerte à notre jeunesse. Tu ne pouvais pas l’ignorer et sans doute as-tu eu l’intelligence de vivre ton parcours, conscient que ton énergie devait être totalement consacrée à donner du corps à ce rythme qui s’enflait en ton âme et dont tu sentais qu’il était lave de volcan à la recherche du chemin où s’épancher.
Tu as eu à te battre alors pour oser t’exprimer, toi le descendant de ceux qui ont toujours été placés dessous, t’exprimer à haute voix, sous le chapeau qui te permettait parfois de te décoiffer pour saluer les autres. Te battre, toujours se battre...
Et lorsque tu avais su entraîner avec toi ton immense famille, le plus dur restait à faire : résister en haut d’une affiche qui était offerte aux autres belles musiques du monde, je veux parler de celles qui ont elles aussi une âme et que tu aimais toi aussi fredonner.
J’ai vu que Paul t’a adressé depuis Paris où il se trouvait quand tu as fermé les yeux, un mot plein de reconnaissance pour la dimension que tu as su donner à une bataille commencée et menée dans les menaces d’une époque dont certains ont oublié qu’elle fut répression et interdiction de ce qui était jugé subversif. C’est que tu t’initiais à la subversion, mon vieux !
Tu dus être rebelle pour y aller malgré tout et mériter aujourd’hui la une de nos journaux, des messages à gogo et l’église où résonnait mardi la chaude voix de Danyèl Waro.
Tu sus être rebelle. Et tu as gagné comme gagnent toujours ceux qui ne savent pas être conformistes et, je te le redis, choisissent d’être rebelles.
Rebelle ? Tiens, tu me fais penser à Laurent, rebelle lui aussi, rebelle qui se plaisait à toujours évoquer notre passé pour mieux mériter d’appartenir à notre avenir. Et si, au hasard d’un rythme qui, là où tu es, entraîne demain vos âmes, tu croises son chemin, je sais que tu seras comblé de pouvoir avec lui échanger.
Allez, adieu, Gramoun... et bonne et longue route.

Raymond Lauret


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