L’évêque de La Réunion a bien raison de souligner qu’il n’entend pas « être manipulé, surtout pas par un avocat »…

22 novembre 2010

Une dame que je connais bien me confiait, dans une colère difficilement contenue, combien elle s’était sentie blessée par les propos d’un avocat qu’elle avait entendu à la télévision et qui disait en substance qu’il « ne faudrait pas que Monseigneur Aubry se croit au catéchisme quand il est appelé à témoigner ».
Je n’ai pas ce soir là regardé la télé. Mais j’ai lu la presse. D’où ma réaction. De quoi s’agit-il ?
Le Tribunal correctionnel de Saint-Pierre vient d’examiner une affaire qui, si elle n’avait pas eu pour cadre un groupe de prières, serait non pas banale, ni courante, mais simplement révélatrice de la possibilité pour certains de nos compatriotes de dévier un jour, jusqu’à virer dans le sordide dès lors qu’ils ont un certain pouvoir sur d’autres.
Il n’est pas dans notre intention de juger ici l’homme pour lequel un tribunal a été saisi. Le prévenu, les victimes, les avocats de la défense et les parties civiles se sont exprimés. La presse en a largement parlé et jugement sera rendu dans une vingtaine de jours. Et il bon pour la Justice que, devant certains commentaires lancés et qui visaient ostensiblement (histoire de conditionner l’opinion ?) à annoncer qu’il sera bien évidemment fait appel dudit jugement, la présidente du tribunal ait tenu à préciser qu’elle veillerait à ce que, dans cette affaire, l’on ne se laisse pas influencer par les scandales des prêtres pédophiles qui ont éclaté ces derniers temps ici et ailleurs. De même, il est bon que le substitut du procureur ait tenu à dire dans son réquisitoire qu’il n’entendait pas « sombrer dans le remugle nauséabond » et que le prévenu sera jugé sur des faits qui se rapportent à sa personne et non sur ceux qui appartiennent à l’Histoire de l’Église.
Dans cette affaire, un évêque est amené à remettre au procureur des informations qu’il a en sa possession à la suite de plaintes qu’il a reçues et qui concernent quelqu’un dont les actes, sous couvert de prières devant déboucher sur la guérison de jeunes adultes ou de mineurs, finissent en agressions sexuelles. Pardonnez mon esprit vieux jeu : je trouve cela absolument normal. J’en aurai fait autant. J’ai été éducateur et père de famille.
Que tel avocat, chargé de la défense, considérant et déclarant dans la presse que nous sommes ici « au carrefour du laïc et du religieux... », « ... que ce groupe de prières n’a pas la reconnaissance de l’Église »… et que, « pourtant, c’est Mgr Aubry qui dénonce les faits »… alors qu’« une vérité religieuse n’est pas une vérité judiciaire » et qu’en conséquence, il va axer sa « défense sur la séparation de l’Église et de l’État de notre chère République », permettez que je trouve l’argumentaire quelque peu simpliste et pour le moins fort peu convaincant. En tout cas, j’aurais été le prévenu, j’aurai demandé à mon avocat qu’il me défende d’une tout autre façon ! Un évêque ne serait point pleinement citoyen ? Un “guérisseur” aurait-il le pouvoir d’abuser de la crédulité de ceux qu’il séduit ? Il n’est pas ici nécessaire, je crois, d’insister.
Me revient à l’esprit cette parole d’un avocat du Barreau de Saint-Denis à un journaliste qui l’interrogeait après un procès particulièrement difficile : « Pour être mauvais, il suffirait que je mente… » .
Trois ans et trois mois plus tard, en décembre 1996, j’écrivais à cet avocat une lettre dans laquelle je lui disais : « … J’ai apprécié la simplicité et la capacité d’identification avec lesquelles vous avez soutenu mon ami (…) devant le TGI. Je vous ai à cette occasion trouvé du talent, de la sensibilité et de la sincérité ; d’autre part, j’ai aimé que, dans la défense de Madame (…), vos propos n’aient point été outranciers et que vous n’avez pas cherché à noircir ses victimes pour blanchir votre cliente… Je sais désormais que beaucoup d’affection peut vous lier à ceux dont vous avez accepté d’assurer la défense. Partant, même si vous ne convainquez pas forcément les juges, vous réalisez l’essentiel : réconforter, dans l’étouffante ambiance du prétoire, ceux que l’opinion déshabille, dissèque et mutile. Vous m’avez donné une bonne image de l’avocat et de vous-même… ». Dois-je le préciser ? J’étais à la barre du tribunal face à la dame que défendait alors Maître Raymond Cazal et contre laquelle j’avais déposé plainte.
Pour revenir à l’affaire qu’a eu à juger le TGI de Saint-Pierre, Monseigneur Aubry a bien raison de rappeler que, depuis qu’il est évêque, il a « déjà fait cinq signalements de ce genre dont trois pour des prêtres », qu’il ne veut pas « polémiquer avec qui que ce soit », mais qu’il veut bien dire qu’il « n’entend pas être manipulé, surtout pas par un avocat pour (le) faire défendre ce qui est condamnable ».
Il est bien que de simples vérités soient parfois rappelées. Sans précaution de langage. Cela donne toute son humanité à la charge qui relève de l’engagement d’un évêque. Un évêque de La Réunion dont Guy Gilbert, le célèbre prêtre-éducateur bien connu pour son engagement à côté des loubards de France, a écrit qu’il est « un mec bien »

Raymond Lauret


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