C’est la Fèt kaf

9 décembre 2010

Voici la suite et fin du point de vue de Bienvenu Henri Diogo de la page 4 de notre édition d’hier.

(… La société tout entière doit s’interroger : la famille, l’école, les associations, l’État et ses représentants ou les collectivités locales. La famille a sa part de responsabilité ou, du moins, elle se sent dessaisie de ses prérogatives. Là où on note l’absence d’autorité paternelle, la progéniture est abandonnée seule face à son destin. Il ne suffit de nourrir le corps d’un enfant. Il faut aussi lui nourrir l’âme. Dès la naissance, il deviendra ce que la famille est… L’école, qui ne donne plus de repères par le savoir et la culture, lâche comme un fauve le jeune dans la nature, après l’âge de seize ans comme l’autorise un système éducatif toujours confus…).

C’est tout de même à eux de veiller à l’éducation des jeunes Cafres. C’est bien à la famille de prendre le temps d’écouter et d’assurer l’avenir de sa progéniture ! Tout se perd, tout est perdu. « Nous sommes illettrés, nous sommes démunis », nous répondent les familles ! On ne fait pas l’effort nécessaire. La progéniture non plus. Et comment, dans pareil immobilisme familial, ne succomberait-on pas à la tentation de la facilité ? Avec, au bout du compte, une population carcérale à majorité Cafres !

En revanche, même si cette mise en cause des Cafres est « plus ou moins proche de la réalité », faudrait-il pour autant baisser les bras, se résigner à la fatalité ? Eh bien, non.

Car les Cafres, au lieu de les stigmatiser, de les discréditer ou de vouloir les jeter en pâture, il faut plutôt chercher à les connaître, à les situer par rapport à notre histoire de France. Tout porte à croire que nombreux sont encore ceux qui n’ont pas compris la portée de la loi Taubira du 21 mai 2001, loi par laquelle notre pays, la France, reconnaît que l’esclavage et les traites négrières constituent un crime contre l’humanité, et donc que la présence du groupe ethnoculturel Cafre n’est pas un hasard, mais un fait de cette traite négrière.

On s’acharne contre une des composantes de notre population, on nie son apport dans la construction des richesses de l’île. Qui, depuis 1848, des dirigeants locaux successifs se sont inquiétés des conditions de vie et d’être de ce groupe ethnoculturel ? Quel est le viatique dont on a doté ces Cafres ? Avaient-ils au départ les mêmes chances de s’en sortir socialement ou avaient-ils déjà dès le départ un handicap ? On remet systématiquement en cause leur génie créateur, on s’acharne à les dénigrer, on veut les voir moins que rien par l’usage continuel de termes péjoratifs et dévalorisants. Enfin, on veut les convaincre de l’inutilité du travail et de l’effort, par la coupable passion de ne voir qu’une seule chose : l’alcool dans la fête. Bref, on s’acharne comme autrefois à rendre obscur ce qui, auparavant, se concevait clairement, par discernement.

Non, ce n’est pas de cette manière que la France effacera sa dette vis-à-vis d’une des composantes de sa population. Au lieu d’encourager la violence dans le mal où règnent sans partage, et dans l’indifférence totale, les plus forts et les caïds, il serait souhaitable d’installer la violence pacifique qui aiderait à changer les mentalités et les ordres préétablis, afin de tendre vers une coexistence harmonieuse. Ne cédons pas aux apprentis sorciers qui voudraient dénaturer l’esprit “créole réunionnais”. C’est en voulant priver une classe ou un groupe de la population de ses valeurs qu’on crée des ghettos.

Chacun, à sa manière, doit lutter contre les préjugés et les discriminations. Dans les sociétés, dans toutes catégories humaines, il existe toujours des brebis galeuses, celles qui volent, celles qui cambriolent, celles qui tuent. Les Cafres et les jeunes ne sont pas les seuls français délinquants de l’île. Il y en a d’autres aussi. L’État et tous ceux qui ont connaissance de l’existence de ce fléau qui gangrène et handicape notre “Île, Patrimoine mondial de l’humanité”, doivent contribuer à protéger le groupe Cafre au sein des Réunionnais et prendre à bras le corps ses problèmes longtemps négligés et minimisés. Des mesures incitatives seraient souhaitables pour inciter toutes entreprises à prendre des initiatives dans les domaines de l’économique, du social ou du culturel pouvant renforcer la cohésion sociale.

Enfin, la Fête kaf du 20 décembre aurait une tout autre résonnance que celle qu’on entend aujourd’hui si, en outre et pour améliorer la vie des Créoles, on changeait une fois pour de bon l’École afin qu’y sortent enfin des “prêts-à-l’emploi”.

Bienvenu H. Diogo


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