Point de vue

L’école qui s’éloigne de la culture et de la langue locale fabriquera des chômeurs

21 mars 2012

De plus en plus de jeunes sortent du système scolaire sans aucun diplôme, pour prétendre obtenir un métier. L’éducation nationale déploie toutes les ressources nécessaires pour finir avec ce mal qui gangrène de plus en plus le pays au point de créer une catégorie, d’illettrés-analphabètes incapables de suivre une formation qualifiante. Certaines pistes restent néanmoins à exploiter, surtout, celle de la maîtrise de la langue locale pour mieux appréhender celle nationale d’enseignement qu’est le français.

Il semble que, face à l’hétérogénéité du langage des élèves dans la société réunionnaise, aborder la nécessité d’une étude de la langue créole, comme matière, en même temps que celle d’enseignement le français, entre l’âge de la maternelle et le cours moyen, serait une passerelle pour arriver à une parfaite maitrise du français. Il est sans doute, nécessaire de reconnaitre que la prise en compte de l’enseignement de la culture et de la langue maternelle créole, apporterait une solution à passer aisément d’un code linguistique à l’autre. La confusion serait épargnée, puisque le jeune qui aurait l’opportunité de penser, de rêver, de compter et d’analyser, dans sa langue première, pourrait mieux raisonner, juger et traduire ses sentiments dans une seconde langue, qu’il acquerra facilement. Car il aura développé sa capacité de distinguer, ce qui est de la lexie et de la structure de sa langue maternelle et de ce qui ne l’est pas. C’est par ce biais, qu’il éliminera les possibles confusions de sens et d’homonymies ou de syntaxes. Dans ce sens, ce serait le lieu d’encourager et de hâter les travaux de recherche qui mèneront par consensus et volonté politique, à dégager une grammaire du créole, accessible à tous, et qui respectera en même temps les divers usages locaux.

Les anciens s’étonnent de la difficulté des jeunes à lire, à compter et à écrire facilement en français, mais les temps sont révolus. C’était vrai, avec la complicité des parents, qui avaient compris que l’école accroit l’ascension sociale. Ils se rendaient complices de l’éducation nationale, qui obligeait tous les enfants,- même des pays francophones d’Afrique - à se détacher de leur langue maternelle pour apprendre et n’utiliser que le français comme langue de culture. Mais, même en Afrique francophone - on le voit de nos jours - avec le relâchement de la rigueur et de l’autorité parentale, on découvre la nécessité d’apprendre, comme matière enseignée, la langue maternelle dans laquelle l’enfant commence à penser et raisonner, pour pouvoir assimiler une seconde langue comme le français. Le manque de courage des uns et les résistances farouches des autres ont fait osciller l’Education nationale entre la réaction et la démagogie. Pour n’avoir pas su lier, rigueur, exigence, justice, l’école s’est écartée de son bon rôle de distribution équitable du pouvoir linguistique. Or, c’est en considérant ces paramètres, qu’elle aurait pu éviter de laisser sur le bord du chemin de l’école, un grand nombre d’enfants sortis du collège, illettrés qui se retrouvent aujourd’hui sans formation et chômeurs. Tout ce qui permet d’affiner la pensée a disparu.

On se fait tort de penser que, même si, on ne peut pas devenir cadre, on peut faire un bon rempailleur, un bon menuisier ou un bon mécanicien. Or, il n’existe pas aujourd’hui, de métier aussi manuel soit-il, qui n’exige de solides capacités de lecture et d’écriture, comme le soulignait le linguiste Alain Bentolila.

La maîtrise et la pratique simultanée des deux langues complémentaires pratiquées dans la même sphère géographique sont nécessaires, pour ne pas couper les jeunes de ses cultures. Au contraire, c’est par ces mécanismes, qu’on pourra les faire étudier ce qui est dit et écrit de mieux au cours des siècles en littérature. Et désormais, ils sauront que dire et qu’en dire. Tant qu’on refusera de prendre en compte ce qui aux yeux de tous, aidera à lutter à la base, contre la pauvreté intellectuelle, le problème de chômage perdura et le risque majeur et néfaste, serait d’assister à la livraison des jeunes désœuvrés, à un monde dangereux dans lequel, ils ne sauront pas réfuter les explications simplistes et sectaires.

Bienvenu H. Diogo


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