La famine ou le business de la guerre dans la Corne de l’Afrique

24 août 2011

Depuis près de soixante ans, la Corne de l’Afrique ploie sous le poids de la sécheresse et de la guerre. Comme la maladie du paludisme, aucune bonne volonté n’a pu trouver le remède efficace pour combattre le mal qui décime des milliers d’âmes sur cet espace africain. N’empêche, cependant, que les bons sentiments riment avec les bons intérêts. Jacques Diouf, le directeur général de l’Organisation de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture, s’indigne et trouve « inadmissible qu’à notre époque, avec les ressources financières, les technologies et l’expertise à notre disposition, plus de 12 millions de personnes risquent aujourd’hui de mourir de faim ».

Tout le monde tire profit de l’horreur de la guerre et de la famine, que ce soit en Somalie, au Kenya, en Éthiopie ou à Djibouti. Nul n’a intérêt à voir se stabiliser la région. Si la guerre dure, ce n’est pas que les Somaliens s’y complaisent, mais c’est parce que ceux qui les organisent et s’affrontent s’emploient pour qu’elle ne cesse jamais.

Dans ce monde ouvert, de libre échange, la fabrique et la vente d’armes sont des business très porteurs. Aujourd’hui, plus rien ne vaut plus que les intérêts personnels. La protection de la personne humaine est reléguée au second plan. La liberté et les droits de l’Homme peuvent être aisément bafoués en toute impunité. La liberté concerne en réalité les biens et rarement les personnes. Les Somaliens vivent à leurs dépens ces situations. Des forces extérieures aident les Chebab à enfermer ce peuple dans ce conflit où seuls les plus aisés, voire les plus chanceux, peuvent encore échapper au drame du siècle, et se réfugier soit au Kenya, soit au Yémen, soit en Éthiopie. Pendant ce temps, les politiques de bons sentiments se font valoir. On montre sa compassion envers les réfugiés. Le Sud de la Somalie est un endroit où la mort fait son lit, non pas parce que la nourriture se fait rare, mais parce qu’il y a entente permanente entre tous les belligérants afin de gérer le conflit à leurs avantages. On se mobilise pour soigner les symptômes, mais jamais on ne veut s’attaquer aux causes réelles et profondes de cette horreur du 21ème siècle, qui fait la honte de l’humanité. Dans cette mise en scène de manifestations de bonnes intentions, par laquelle des pays riches qui viennent au chevet de la Somalie se montrent troublés devant ce drame de notre temps. Des dons généreux sont envoyés, pour détourner les regards et les esprits de ceux qui s’inquiètent de la permanence du fléau, pour faire oublier la responsabilité des pays donateurs. Les motivations de ceux qui médiatisent la crise devant sa chronicité sont tout autres.

La famine est la conséquence de la crise hydrique aggravée par le chaos politique somalien. Les dirigeants sont incapables d’arrêter l’action des Chebab, ces jeunes armés, qui font la loi en interdisant l’accès des camps de réfugiés aux humanitaires. Comme des chefs de guerre, ce sont eux qui, non pas par humanité, mais par pouvoir, commandent le territoire, organisent le transport, le stockage des dons et la distribution de l’eau, à leur profit, au nez et à la barbe de ceux qui sont censés gouverner le pays. Où sont donc passés ces États défendeurs et protecteurs des droits et des libertés, qui savent intervenir en Côte-d’Ivoire, en Afghanistan ou en Libye ? Cette guerre et cette famine ne valent-elles pas celles défendues ailleurs ou défendables ? Aujourd’hui, et aujourd’hui seulement, les “grands” de ce monde se rendent compte de la chronicité de la famine et la médiatisent ! Ce qui se joue là est bien grave et suscite nos inquiétudes quant aux sorts réservés à ces populations. Aujourd’hui, on se rend compte que les efforts du gouvernement transitoire fédéral (TFG) n’ont pas abouti à instaurer la paix, ni des processus de transition du pouvoir. Le coût du maintien de la force Atalande revient plus cher que le fonds débloqué pour sauver la Somalie de la famine. La force Amisom, force de maintien de la paix de l’Union africaine, est privée de ses prérogatives et est consignée dans la villa Somalie, alors qu’elle était là pour protéger les peuples. On s’étonne que, malgré le déploiement des drones américains pour sécuriser la frontière somalo-kényane, les Chebab restent unis et continuent de faire en toute impunité leurs lois.

La guerre et la famine, en Somalie comme dans la Corne de l’Afrique, ne sont pas une malédiction, mais des manœuvres de ceux qui, au nom de bons sentiments, ont toujours souci de voir pérenniser leur hégémonie impérialiste. Les violences inhumaines organisées et gérées par les puissants n’ont qu’un dessein, diviser pour mieux affamer et dominer dans le seul but de profiter de l’horreur. L’accaparement des terres agricoles par les multinationales de l’agrobusiness n’est pas anodin. Le maintien et l’armement des Chebab sur le territoire servent au pouvoir de l’argent, à la domination idéologique et religieuse. L’horreur et la souffrance, en Somalie comme dans la Corne de l’Afrique, ne doivent plus choquer personne, surtout les puissants. Ce n’est que l’expression de ce qu’ils avaient espéré, conçu et préparé pour leur mieux-être. La famine ou la guerre, dans la Corne de l’Afrique, ne sont que des fabriques des puissances de l’argent pour mieux vivre et pour ne pas être inquiétés dans leur paradis doré.

Bienvenu H. Diogo

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