Le « détour », la polysémie du mot expliquée en dix questions (2/2)

13 juin 2013

La mondialisation a-t-elle multiplié les détours ?

Les biens de consommation et les objets envahissent notre vie. Naguère fabriqués et vendus sur place, les produits que nous consommons aujourd’hui viennent du monde entier. Ils sont importés et distribués à la fin de longs périples qui font de chaque achat le résultat de complexes voyages au long cours. La mondialisation, qui fait voyager les choses et les personnes, s’appuie sur le détour.

Les médias, qui fournissent des informations venues du monde entier, colonisent les esprits qui voient la planète par le détour de la télévision, des journaux, des images. Tant dans nos achats que dans nos pensées, nous sommes tributaires des intermédiaires, des médiations qui parasitent toute relation directe.

Le détour attise-t-il le désir ?

Mon désir n’est pas vraiment le mien : je désire ce qui est désiré par autrui, je désire ce qui est enviable. La publicité cultive la séduction, manie avec art le détour pour conditionner les désirs d’emprunt, les « désirs mimétiques » des clients potentiels, et les pousser à acheter sans cesse des moyens de distraction, des divertissements qui les détournent d’eux-mêmes.

Le détour est-il un comportement social ?

Parmi les autres, nous sommes tous des acteurs, tous en scène, tous en représentation. Ne pas vouloir jouer le jeu, c’est s’exclure. Raison pour laquelle la pratique du masque, du mensonge, du détour est absolument générale dans la vie en société. Nos tenues, notre visage, nos gestes, nos mots, etc. entrent dans la composition de rôles que nous devons tenir si nous voulons être acceptés, tolérés.

A travers le langage, pratique-t-on le détour ?

L’Homme est un « animal social » et un animal qui apprend à parler, à maîtriser les codes du langage. En société, rares sont les conversations entre égaux, dans des situations informelles où l’on discute pour le plaisir de discuter. Le plus souvent, les dialogues mettent en présence des acteurs de statut différent, dans des conditions plus ou moins tenues, officielles. Pour éviter les conflits, il y a des règles de politesse, un arsenal de moyens linguistiques qui voilent les rapports de force, qui permettent d’atténuer l’expression directe, de dire sans dire.

La parole directe est une illusion à perdre, la transparence absolue une utopie.

La pratique du détour permet-elle de progresser ?

Tout compte fait, le détour est partout : dans le domaine des sciences qui progressent par le biais de nouvelles théories ; dans l’éducation où la socialisation de l’enfant passe par la canalisation, la déviation de désirs qui doivent être sublimés pour être acceptables ; dans la société des loisirs où les divertissements sont rois ; dans le monde des lettres, des arts, de la culture où l’expression emprunte des voies le plus souvent obliques.

Mais le détour, qui implique la prise en compte du temps, se retrouve aussi dans les choix personnels de la vie : à l’heure où la course à la consommation met en danger la planète, la pratique du détour relève d’une véritable morale de survie, témoigne d’une prise de conscience des dangers du progrès.

Bibliographie :

Françoise Gadet, “Saussure, une science de la langue”, éd. PUF, 1987 (une initiation)

Marc Baratin et Claude Moussy, “Conceptions latines du sens et de la signification”, Centre Alfred Ernout, 1999.


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