Acte 3 de la décentralisation – Evoluer en adaptant pour tenir compte du passé. Et pourquoi pas ? — 1 —

14 mars 2013

Le débat sur l’acte 3 de la décentralisation a ceci de particulier à La Réunion est qu’il ne fait pas vraiment recette.

Et pourtant, il s’agit d’un débat de première importance, car des préconisations qui vont en découler auront un impact sur l’avenir de notre île.

Un sujet qui a déchainé les passions

Certes, c’est un sujet qui a tellement fait couler beaucoup d’encre, et surtout déchainé tant de passions, que nombre de politiques n’osent plus s’aventurer sur ce terrain.

Tentons d’œuvrer pour que le débat s’instaure avec apaisement, lucidité et courage.

Personne vraiment ne conteste qu’à la fin de la guerre, il fût légitime que la revendication d’égalité des droits aboutisse à l’approbation de l’évolution du statut de La Réunion de colonie en département.

Bien que le système d’intégration et d’assimilation ait apporté non sans luttes sociales de profondes améliorations du niveau de vie, il n’en demeure pas moins que cela s’est opéré avec le maintien de profondes inégalités et de curieuses adaptations, notamment au niveau de rémunérations dans la fonction publique, pour ne citer que ces aspects.

La nécessité d’adapter… toujours plus

La nécessité de prendre en compte notre situation particulière a abouti au fil du temps à adapter les dispositions prises tant au plan national qu’à l’échelle européenne.

Malgré ces aménagements à la règle, nous sommes aujourd’hui encore plus confrontés à la nécessité d’une évolution de notre réflexion sur la stratégie que nous devrions avoir et le positionnement que notre île devrait adopter, notamment par rapport à son environnement géographique en profonde mutation.

Quelles solutions d’organisation institutionnelles ?

Statu quo sans harmonisation des compétences, ou avec une nouvelle harmonisation des compétences sur la base de celles dont disposent actuellement la Région et le Département ?

Assemblée unique en lieu et place de la Région et du Département, avec les compétences actuelles des deux collectivités et de nouveaux pouvoirs, notamment fiscaux ?

Bi-départementalisation avec une Région aux pouvoirs renforcés ?

Et si nous ouvrions une autre voie, consistant à évoluer en adaptant pour tenir compte du passé ?

Des préalables à lever

D’abord, nous devons mesurer que cette évolution ne peut se faire sans que des préalables soient levés.

Il est en effet illusoire de croire que la solution est uniquement une évolution institutionnelle.

Il est indispensable de considérer la situation économique et sociale caractéristique de notre milieu insulaire.

Des repères indispensables à considérer

Je ne citerai que quelques repères :

- l’étroitesse de notre territoire contraint par un relief accentué ;

- un aménagement du territoire devant tenir compte de l’existant — entre autres la préservation des terres agricoles et les espaces naturels dont ceux du Parc national de La Réunion —, et de la nécessité de densifier l’habitat,

- sur une île dont le tour représente 207 km, “lacéré” de près de 500 ravines, qui impose de revoir la politique de déplacements avec un réseau routier engendrant un coût exorbitant à cause de ces ravines — la route des Tamarins, à 4 voies sur 33 km, avec plus d’une centaine d’ouvrages d’art (dont certains exceptionnels comme le pont de la Grande Ravine) a coûté plus d’1 milliard d’euros ;

- une progression démographique persistante nous conduisant au million d’habitants, malgré un nombre d’enfants moyen par femme qui se réduit, mais qui reste en 2009 de 2,38 par femme ;

- l’exigence de construire encore des équipements publics, du fait de notre retard par rapport à des territoires de même importance en France hexagonale, mais aussi de cette progression démographique ;

- un nombre de demandeurs d’emploi qui nous place au triste premier rang des régions européennes ;

- un nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, fixé par les autorités, qui nous place là encore tristement en tête du palmarès national ;

- une politique de revenus à « géométrie variable » selon que l’on soit dans le secteur public ou le secteur privé, et selon son statut à l’intérieur de ces secteurs ;

- un tissu économique fragile qui écarte toute perspective réelle de recettes fiscales supplémentaires, sans mettre à genoux ces entreprises, majoritairement des TPE ;

- une politique d’importation, et de relations économiques, essentiellement tournée vers l’Europe.

Un constat et des préconisations connus

Le constat est implacable : les marges de manœuvre sont étroites.

Plusieurs documents sont venus le rappeler depuis quelques décennies : Plan de développement actif (PDA), le Plan réunionnais de développement durable (PR2D), et d’autres documents, qui ont d’ailleurs confirmé cet état de fait, comme les Programmes opérationnels européens (POE) ou les Contrats de plan Etat-Région (CPER).

Je pourrai aussi citer les mesures issues de GERRI (document destiné à consacrer durablement notre île comme exemple dans le domaine des énergies renouvelables), du Conseil interministériel pour l’Outre-mer (CIOM), du Grenelle de l’environnement, ou encore le livre blanc de l’urgence sociale, et bientôt les cahiers de l’agriculture.

Le nœud administratif et financier

A chaque fois, le nœud inextricable est celui des contraintes administratives, du fait de l’application de mesures législatives et réglementaires, aggravées par l’insuffisance, quand ce n’est pas l’absence, des moyens financiers.

Ce qui a été constaté également, ce sont pourtant les efforts déployés par les acteurs réunionnais, institutionnels ou économiques. N’en déplaise à celles et ceux qui trouvent toujours à critiquer les “z’élus”, quand ce ne sont pas les “patrons” qui sont visés, alors que la majorité des entreprises ont très peu de salariés.

C’est pourquoi je me méfie de l’adage « aide-toi, la nation t’aidera ».

Ainsi, le préalable, me semble-t-il, est un inventaire exhaustif des handicaps permanents que doit supporter notre île, et ce faisant, au titre de la solidarité nationale et de l’égalité dans la République, la nation tout entière.

Un « Pacte de développement et de responsabilité » sur 15 ans

Alors, nous n’échapperons pas, à juste titre, à l’inventaire des handicaps non permanents, des blocages, peut-être “justifiés” par la période passée, afin de les lever, par le biais d’un « pacte de développement » entre l’État et La Réunion, conclu pour une période de 15 ans.

Pourquoi 15 ans ?

Parce que cela correspond à la période au terme de laquelle la population se stabilisera autour du million d’habitants, et que ce pacte de 15 ans devra permettre à notre île de passer le cap difficile que nous connaissons depuis plusieurs années.

Réformer alors les institutions dans un acte 3 de la décentralisation adapté aux réalités de notre île ? Oui.

De notre île, pas des Outre-mers, car la situation insulaire de La Réunion, dans son environnement géographique india-océanique, ne peut être comparée à celle des Outre-mers caribéens, guyanais ou mahorais.

(à suivre…)

Pierre Vergès


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