Ouvrons des écoles, fermons les prisons

14 octobre 2008

Cette semaine, le nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis va être inauguré. À grand renfort d’élus, avec force ministres et personnalités, la République triomphante va rompre le cordon tricolore et montrer aux citoyens sa puissance. En réalité, l’État ne va que nous démontrer qu’il a failli dans sa mission d’éducation et que la transformation de petits d’hommes en délinquants n’est que la conséquence de ses errements. À l’heure où il est coutume de fustiger notre école publique et laïque, on glorifie la naissance d’une prison. Souvenons-nous de cette sage maxime du grand Victor Hugo : « Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison ». Alors je suis en colère, non pas de voir une prison vétuste et innommable remplacée par une cité d’oubli flambant neuf, oh non ! mais parce que le temps où se dégradaient les vieux murs du centre pénitentiaire de la rue Juliette Dodu n’a pas suffi, la leçon n’a pas porté ses fruits, et au lieu d’éloigner le forçat de l’ignorance, on lui ouvre les portes d’une nouvelle cage ultra-moderne, et de cela, le monde qui se croit bien pensant gonfle le jabot. Champagne ! Derrière de hauts murs, on va se protéger de la misère et de tous ces misérables qui lorgnent sur nos biens ! Mais en quoi ces biens nous appartiennent plus qu’à d’autres ? Ah, c’est vrai, le travail ! Mais réfléchissons plutôt à nos turpitudes et pensons au nombre d’entre nous qui devraient, selon les critères de notre République "Une et Indivisible", rejoindre de leur plein gré les cellules de Domenjod ! Il y a sans aucun doute plus d’innocentes victimes et moins de coupables en prison que de grands voleurs dans les plus hautes sphères de notre société, et qui peut dire que demain, parmi ceux qui inaugureront cet infâme endroit, avec pour certains une rosette à la boutonnière, qu’il n’y aura pas quelques malandrins ? Cette semaine sera triste, l’Homme aura failli à son humanitude ! Bandes d’imbéciles, la décence aurait voulu que cette nouvelle prison soit ouverte sans tambours, ni trompettes, car il n’y a vraiment pas de quoi être fiers. N’avez-vous donc pas honte de parader pour une infamie ?
Demain, après-demain, dans les jours qui suivent, notre gouvernement va injecter dans les banques au bord de la faillite des milliards d’euros parce que des banquiers inconséquents (le mot est faible) se sont servis et rétribués grassement.
Demain, après-demain, dans les jours qui suivent, notre gouvernement va poursuivre le démantèlement des services publics, la casse de l’école publique, la diminution des postes d’enseignants, la fermeture des classes, la fermeture des hôpitaux, au nom des économies.
Demain, après-demain, dans les jours qui suivent, notre gouvernement va inaugurer à grands coups de milliards des prisons, des centres de rétention, des études sur la délinquance, des palais d’injustices.
Demain, après-demain, dans les jours qui suivent, on va inaugurer "Domenjod" ! On va faire de la place pour les voleurs de cerises, ceux qui ont flashé sur un beau scooter, les voleurs du minimum, certes superflu, mais dérisoire. Dormez tranquilles, braves gens, les petites frappes seront derrière de hauts murs et les grosses frappes mènent grand train.
Victor, mon vieux Victor, vois les Réunionnais, vois les Français, vois les humains, c’était bien la peine de te faire entrer au Panthéon ! Ils te vénèrent alors qu’ils ne t’ont pas lu, s’ils l’avaient fait, ils sauraient que c’est en nous que réside le substrat de l’intolérance, de l’intolérable, et que nous sommes tous des assassins !
Alors demain, après-demain, dans les jours qui suivent, je serai triste parce que vous avez préféré ouvrir une prison plutôt que d’enseigner ! Ouvrons les écoles aux adultes et fermons les prisons aux condamnés, l’école n’est pas là pour apprendre un métier, elle est là pour ouvrir la pensée aux autres. Demain, je tournerai le dos à Domenjod, blessé de ne pas avoir su et mort de savoir.
« On regardera le crime comme une maladie et cette maladie aura ses médecins qui remplaceront vos juges, ses hôpitaux qui remplaceront vos bagnes ». (Victor Hugo, "Le dernier jour d’un condamné").

Guy Ratane-Dufour. Parti Radical de Gauche

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