À propos du dernier roman de Mariella Righini

“Bonbon piment” : source ou ressource pour le drame des mineurs réunionnais déportés ?

17 avril 2004

Mariella Righini est journaliste au “Nouvel Observateur”. En tant qu’écrivain, elle a publié neuf livres, dont “Écoute ma différence” et “La Passion, Ginette”, chez Grasset, “Florentine” et “Cappuccino”, chez Flammarion.
Dans son dernier roman, “Bonbon piment”, publié aux éditions Grasset, Mariella Righini dépeint l’histoire d’Ava-Marie Constant, jeune journaliste, eurasienne originaire de la Creuse. Envoyée à La Réunion pour un reportage, elle rencontre, au cours de son séjour, un bel avocat réunionnais.
Ava-Marie Constant revient sur Paris avec un coup de soleil et... un coup de foudre. Nuit après nuit, au téléphone, la journaliste et l’avocat nouent une relation amoureuse.
Quelques semaines plus tard, un cyclone puis une éruption volcanique servent de prétexte à Ava-Marie pour un nouveau reportage à La Réunion. Les amoureux deviennent amants. Ces "part-time lovers" connaissent une histoire passionnée et tourmentée.
Voilà le cadre du roman ; sa part romantique. Or, se love dans cette histoire d’amour, un fond réaliste inspiré par l’épisode des mineurs réunionnais déportés en métropole dans les années 60 (voir “Témoignages” du 20 mars 2004 et le reportage diffusé par RFO le 10 avril dernier) dont Mariella Righini avait fait état dans un article du “Nouvel Observateur” (6 au 12 juin 2002).

Accroche réaliste

Pour faire le lien entre l’histoire d’amour et le drame historique, l’auteur de “Bonbon piment” conduit Ava-Marie Constant à écrire une suite à “Indiana”, le "roman réunionnais" de George Sand, qui aurait pour héroïne Zélinda, une Réunionnaise emblématique de l’entre-deux-guerres. Ava-Marie Constant rencontre ainsi les descendants de Zélinda qui lui racontent la vie de cette Réunionnaise au destin tellement contradictoire, tellement énigmatique, qu’elle en vient même un jour à abandonner ses enfants ! Voilà l’accroche réaliste de “Bonbon piment” !
L’auteur, qui parle à travers la bouche d’Ava-Marie Constant, explique au lecteur que dans les années 60-70, comme un millier de petits Réunionnais qui avaient entre 6 mois et 20 ans, les enfants de Zélinda ont été placés dans un foyer de la DDASS locale, puis expédiés en métropole, en direction de la Creuse. Ava-Marie Constant découvre qu’il s’agissait pour les autorités de l’époque de repeupler les départements désertés du centre de la France tout en “libérant” La Réunion de sa surpopulation et de sa misère. Elle investit alors les archives de La Réunion et de la Creuse et cherche à savoir ce que sont devenus ces mineurs "déportés".
Tout est bien qui finit bien, se dit-on alors, quand l’avocat réunionnais demande en mariage la belle journaliste. Or, Ava-Marie Constant doit donc se procurer ses papiers administratifs pour conclure l’acte de mariage. C’est ainsi qu’à la mairie de Guéret en Creuse, elle fait une découverte qui change le cours de sa vie...

Une belle histoire

Sans aller plus loin sur le dénouement du roman, on perçoit bien le parallèle établi par Mariella Righini entre ses talents d’écrivain et sa plume de journaliste. En effet, Ava-Marie Constant n’est-elle pas l’ombre romancée, fictionnelle, de la journaliste du “Nouvel Observateur” qui a mené une enquête solide sur le drame des Réunionnais de La Creuse ?
Mais qu’on ne s’y trompe toutefois pas. “Bonbon piment” n’est pas un "drama", un roman réaliste qui trouve sa source dans un drame réel (voir ci-après la lettre de la présidente d’Ankraké - NDLR) , mais bien une fiction. Sur les 359 pages que compte l’ouvrage, seules une trentaine sont consacrées à l’épisode des mineurs réunionnais "déportés".
Pour le dire autrement, le lecteur qui chercherait dans ce roman une réponse au drame des années 60 digérera mal le... bonbon piment. En revanche, ceux et celles qui aiment les histoires d’amour tourmentées dans une île de La Réunion racontée de manière réaliste ne doivent pas hésiter : c’est un beau roman, c’est une belle histoire...

Gabriel Leroy


Lu sur “réseauVoltaire.com”

Historiens sous influence

Un article de Paul Labarique paru la semaine dernière signale la parution récente d’un livre sur la Guerre Froide dont les échos sont plus que contemporains...
Les opérations d’ingérence culturelle conduites en France par les États-Unis, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale et tout au long de la Guerre froide, ont eu un impact fort sur la vie intellectuelle du pays.
Dans son dernier ouvrage (1), l’historienne Annie Lacroix-Riz dénonce la dérive de sa discipline, où des chercheurs - en quête de reconnaissance et de financements - acceptent de s’écarter de la vérité pour produire des travaux à usage politique.
Elle revient notamment sur la conversion de plusieurs universitaires, venus des rangs du PCF, à l’anticommunisme le plus primaire et sur la réécriture de leur histoire par des entreprises liées au Reich ou à la Collaboration.

(1) “Histoire contemporaine sous influence”, de Annie Lacroix-Riz, Éditeur : Le Temps Des Cerises (janvier 2004).
De la même auteure : “Industriels et banquiers français sous l’Occupation : La collaboration économique avec le Reich et Vichy” (éditeur : Armand Colin). “Le Vatican, l’Europe et le Reich : De la Première Guerre mondiale à la guerre froide” (éditeur : Armand Colin)


Un acte manqué

Le 7 février 2OO4, Télé Réunion avait programmé une soirée sur “les enfants de la Creuse”. Cette soirée thématique devait se composer de plusieurs parties : la diffusion du film “Le pays des enfants perdus”, la diffusion de deux documentaires, mais également la participation des représentants d’associations, dont Ankraké.
Deux à trois jours avant la diffusion de cette soirée, nous avons pu visionner sur Télé Réunion un extrait de cette émission (bande d’annonce), dont la partie où il y avait l’intervention d’un membre de notre association. Dans la presse écrite nous avons pu lire également cette programmation initiale. Mais à 23 heures, l’émission terminée, on pouvait se rendre compte qu’une partie de l’émission programmée manquait à l’appel.

Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur cette absence, est-ce encore une confiscation de la parole ? Quelle vérité veut-on cacher ?
Bien entendu, nous ne sommes pas au stade de l’accusation ni du procès d’intention, mais les membres de notre association sont en attente d’explications.
Nous estimons que Télé Réunion, à travers cette émission, voulait favoriser la liberté de parole afin d’enrichir le débat sur cette partie sombre de notre Histoire. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Nous réaffirmons notre engagement à soutenir les enfants réunionnais qui ont subi la déportation dans la Creuse. Nous continuerons à les accompagner dans leur démarche de recherche de vérité dans cette histoire dramatique, mais aussi dans leur long combat pour retrouver les différents membres de leur famille.
Nous savons qu’à l’heure d’aujourd’hui, beaucoup sont encore à la recherche de frères et sœurs. Les institutions - à l’exception d’une collectivité - restent encore très fébriles pour accompagner les familles dans leur démarche. Certaines institutions préfèrent se limiter à une réponse financière, en disant qu’elles n’ont pas de budget. D’autres orientent les familles vers des services qui n’ont pas lieu d’être. D’autres encore préfèrent ne pas répondre aux demandes.

Nous en profitons pour demander aux Réunionnais de soutenir les “enfants de la Creuse”. Cette souffrance infligée à tous ces enfants doit nous interpeller. Malgré 1848 , l’État français, par le biais d’un de ses députés, a continué à déporter des jeunes Réunionnais, soi-disant pour les sortir de la misère. Mais nous savons tous aujourd’hui que ces enfants ont servi de main-d’œuvre, gratuite pour la plupart. Ils étaient réduits à un état d’esclavage, soumis à un maître qui se prétendait être famille d’accueil. Le comble, c’est que les familles d’accueil en question étaient rémunérées.
Il ne faudrait pas que cette page de notre Histoire soit fermée sans qu’aucune réparation soit apportée. Car les blessures qui existent aujourd’hui ne se fermeront jamais, et c’est toute une génération brisée.
Nous espérons que la sagesse l’emportera sur tout sentiment de mensonge et de mépris...

Laurita Alendroit-Payet,
présidente de l’association Ankraké
ankraké@wanadoo.fr


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