Laïcité

D’autres problèmes sont plus urgents

Un large consensus à La Réunion contre la volonté du gouvernement de nuire à la cohésion de notre pays

9 janvier 2004

L’annonce d’une loi visant à interdire le port d’insignes religieux qualifiés d’ostensibles suscite de nombreuses réactions à La Réunion. Dans un dossier qu’il a consacré hier à ce débat, le "Journal de l’île" donne la parole à des responsables politiques et à des représentants de la société civile.
Car depuis quelques jours que constate-t-on ? Mis à part quelques personnes qui semblent totalement coupées de la réalité réunionnaise, comme par exemple le rédacteur en chef du "Quotidien" dans son éditorial sur cette question, ou d’autres qui semblent avoir du mal à comprendre notre société, les réactions convergent : si elle était votée dans les termes connus actuellement, la loi créerait « des problèmes là où il n’en existe pas », comme le résume le président du Conseil régional, dirigeant de la première collectivité réunionnaise à rappeler au gouvernement les réalités de notre pays dans le domaine de la cohésion sociale.
Des possibilités existent toujours pour éviter l’application d’une telle loi dans notre île comme en France, et il est encourageant de voir que des propositions dans ce sens se font entendre de la part de responsables politiques de sensibilités très diverses.

Des propositions

Ainsi, des amendements peuvent être déposés dans le cadre du débat parlementaire. On peut également compter sur une large mobilisation de la société réunionnaise pour faire entendre sa voix. Et même si les amendements prévisibles des parlementaires réunionnais sont repoussés par la majorité et le gouvernement, la loi peut très bien exister en théorie et ne pas être appliquée dans les faits.
Les Réunionnais se rappellent en effet qu’au sujet de l’égalité des droits sociaux, ils ont dû lutter des dizaines d’années pour que la loi s’applique dans leur pays.
C’était notamment le cas pour le montant du SMIC, des allocations familiales, des minima sociaux, toujours inférieurs à La Réunion. Ce qui apparemment ne dérangeait pas les gouvernements qui se sont succédé entre le vote de la loi faisant de La Réunion un département d’outre-mer et la conquête de l’égalité sociale par les Réunionnais.
Sachant cela, en quoi la non-application dans les faits du texte qui pose problème aujourd’hui gênerait-il Paris ? D’autant plus que cela ne nuirait pas à la société réunionnaise, bien au contraire.

Que fera le gouvernement ?

En tout état de cause, le débat lancé par cette loi apporte plusieurs enseignements. Tout d’abord, il semble montrer que le gouvernement cherche à détourner l’attention de l’opinion des questions essentielles à l’approche des échéances de mars prochain. D’ailleurs, on peut constater l’attitude de plusieurs hauts responsables de l’UMP qui veulent encore compliquer le débat (voir encadré).
D’autres problèmes sont bien réels et demandent des réponses urgentes. C’est notamment le cas des chômeurs privés d’indemnités, des personnes sous contrat "aidés" qui vivent dans l’incertitude du lendemain. (voir en page 2) Et si l’on se limite à l’enseignement, l’attention du gouvernement devrait plutôt porter sur les moyens à donner aux Réunionnais pour que l’école puisse remplir son rôle de service public, en garantissant notamment des taux d’encadrement satisfaisants, ce qui est loin d’être le cas et qui est une compétence de l’État.
Ensuite, il sera intéressant de voir si le gouvernement prendra en considération le point de vue de la société réunionnaise, des communautés religieuses, de la plupart des élus et des parlementaires de La Réunion. Persistera-t-il à ne pas écouter et à vouloir passer en force ?

Des dirigeants de l’U.M.P. veulent aller plus loin
Dans un article paru dans son édition d’hier, "Le Monde" se fait l’écho de la volonté de plusieurs hauts responsables de l’UMP d’alourdir encore le texte du projet de loi gouvernemental sur la laïcité en y incluant les signes d’appartenances politiques. On lira ci-après des extraits de cet article.

Faut-il interdire à l’école les signes politiques au même titre que les signes religieux ? L’avant-projet de loi sur la laïcité rédigé par le ministre de l’Éducation nationale, Luc Ferry, et transmis lundi 5 janvier au Conseil d’État, s’en tient aux « signes et tenues qui manifestent ostensiblement l’appartenance religieuse des élèves ». (...)

À l’UMP, certains la jugent trop restrictive et poussent à réintroduire dans le texte la prohibition des signes politiques. Mardi, à l’Assemblée nationale, le sujet a été évoqué lors de la réunion du bureau du groupe. Hervé Mariton, député de la Drôme, a suggéré d’ajouter par voie d’amendement la notion de « convictions politiques ». Il a reçu une approbation de poids : celle du président de l’UMP, Alain Juppé, qui ne verrait « pas de raison » à ce que cette disposition ne soit pas incluse dans le texte. Le projet de loi, a annoncé le chef de l’État mardi, sera présenté le 28 janvier au conseil des ministres et viendra à l’Assemblée en février.

Pour M. Mariton, il s’agit de réaffirmer que « l’école est un lieu de neutralité ». En cela, il vise les signes d’appartenance politique, tels que les badges, autocollants ou pin’s de parti ou mouvement politique, mais surtout « le foulard ou le keffieh » : « Le foulard n’est ni uniquement ni principalement un signe religieux », explique le député de la Drôme, « mais un signe politique, comme l’ont démontré les auditions menées dans le cadre de la mission Debré ». La mission spéciale mise sur pied à l’initiative du président de l’Assemblée nationale avait conclu, le 4 décembre 2003, à la nécessité d’une disposition législative « posant le principe de l’interdiction du port visible de tout signe religieux et politique dans l’enceinte des établissements scolaires ». (...)

Plusieurs responsables de l’UMP jugent inapproprié de relancer la discussion. Pour Renaud Donnedieu de Vabres (Indre-et-Loire), porte-parole de l’UMP, « il faut s’en tenir à l’équilibre décidé par l’Élysée, point, on arrête là ». Eric Woerth (Oise) estime lui aussi qu’« il faut tourner rapidement la page » : « On a eu des débats, on ne va pas les refaire », affirme-t-il, écartant par là tout retour sur la qualification des signes « ostensibles ». Il nuance toutefois son propos : « Les signes politiques en plus, pourquoi pas ? »

Le vice-président du groupe UMP, Bernard Accoyer (Haute-Savoie), préférerait, lui aussi, s’en tenir à la « synthèse présidentielle ». « Il n’est pas souhaitable de la faire évoluer », estime-t-il, ajoutant aussitôt : « du moins sensiblement ». Cette variation témoigne du fait que certains à l’UMP, à commencer par M. Debré, n’ont pas renoncé à voir inscrit dans la loi le terme « visible », qu’ils jugent plus clair qu’« ostensible ». Mardi matin, en conférence des présidents, le président de l’Assemblée nationale a interpellé le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, Jean-François Copé, s’insurgeant du fait que les députés n’aient pas encore eu connaissance du texte. « Plusieurs amendements m’ont déjà été transmis », a-t-il lâché. « Certains se demandent s’il convient de parler d’"ostensiblement visible" ou de "visiblement ostensible" ».

M. Debré se fait ainsi l’écho de la grogne de certains députés de l’UMP. « Il aurait été normal que le groupe, après le travail fait à l’Assemblée, soit consulté sur l’écriture du texte », estime Nadine Morano (Meurthe-et-Moselle). « Si ce n’est pas le cas, il garde toute sa liberté d’amendement », ajoute-t-elle.

À ces motifs d’insatisfaction s’en ajoute un autre. L’application uniforme de la loi sur l’ensemble du territoire, y compris dans les départements et territoires d’outre-mer, commence à provoquer des réserves, voire des réactions négatives. Ainsi, la sénatrice (Union centriste) de La Réunion, Anne-Marie Payet, a-t-elle estimé, mardi, sa crainte que l’interdiction du foulard ne conduise à « exacerber le sentiment communautaire ».

Ces voix discordantes laissent mal augurer du consensus que continuent d’espérer M. Chirac et le chef du gouvernement, Jean-Pierre Raffarin. Les socialistes, qui avaient eux-mêmes déposé une proposition de loi visant à interdire les signes religieux et politiques, se montrent aujourd’hui sceptiques sur la portée du texte de M. Ferry. (...)

Pas question, toutefois, à l’Élysée comme à Matignon, de retoucher à l’avant-projet. « Le texte du président, rien que le texte du président », répète-t-on dans l’entourage de M. Raffarin. Le secrétaire général adjoint de l’Élysée, Frédéric Salat-Baroux, assure que le chef de l’État « n’a pas été convaincu de la menace que constituaient les signes politiques » et qu’il n’a « pas changé d’avis ». La commission Stasi, mise en place par M. Chirac, avait en effet recommandé de traiter également signes religieux et signes politiques. Le conseiller du président laisse cependant une porte ouverte : « Si des éléments nouveaux apparaissent, il faudra voir. Il n’y a pas de fermeture de principe ».


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