Laurent Vergès, 1955-1988

Pour continuer la route...

31 mai 2008

Il y a vingt ans cette année, Laurent Vergès nous quittait après un violent accident routier qui l’arrachait à l’affection de sa famille, à ses très nombreux camarades et amis - dont faisait partie l’équipe du journal - et à tous ceux qui avaient eu l’occasion de faire, si court soit-il, un bout de chemin à ses côtés.
Pour tous ceux qui l’ont connu, aimé, accompagné voire combattu - au plan politique, il avait aussi des adversaires - le souvenir de Laurent est indélébile, inaltérable : il reste vingt ans après le jeune homme plein d’enthousiasme et d’idées, celui qui ne faisait jamais défaut.
Mais pour les jeunes d’aujourd’hui, qui n’ont de lui que quelques portraits photographiques et un livre de témoignages vieux de vingt ans : que peut-il bien représenter, au-delà d’une icône suspendue dans un temps révolu ?
En quoi peuvent-ils trouver dans son éternelle jeunesse, des réponses aux questions de leur temps ?
C’est ce que vont tenter de dire quelques-uns des camarades de Laurent, ce soir, sur l’esplanade de la Zac Avenir, dans un kabar Fonnkèr qui fera place à la musique, au Fonnkèr et aux témoignages sur ce que les uns et les autres gardent de Laurent Vergès.
Il y a tant à dire... Sans fébrilité, sans stress - du moins, apparent - Laurent était quelqu’un qui ne s’arrêtait jamais. Il avait toujours quelque chose à faire, quelqu’un à voir, avec qui parler. Il était capable de partager sa journée entre des discussions avec des jeunes du Chaudron, de Saint-André ou de n’importe où ailleurs, là où il les trouvait, souvent sur le bord’chemin ; puis d’animer une conférence du journal autour des thèmes politiques, ou de société, du moment ; de repartir pour des réunions avec tels ou tels professionnels en difficulté (artisans, planteurs...) ou, lorsqu’il a été lui-même élu, de passer un moment de travail avec d’autres élus, au conseil municipal de Saint-André ou au Conseil régional, avant de repasser au journal, jeter un coup d’œil fraternel à nos écrits, en laisser un de sa patte si un sujet l’interpellait - il y en avait toujours, et de toutes sortes... Il ne fallait pas le prier beaucoup pour qu’il finisse l’après-midi dans un kabar, avant de rentrer chez lui, où il trouvait encore souvent de temps de passer une partie de la nuit à lire... Nous en parlions le lendemain au journal. Et le lendemain, il recommençait... Il était toujours captivé par mille choses, des plus anodines, des plus quotidiennes, aux événements du monde qu’il commentait avec ce regard si particulier qui associait, à une analyse distanciée, sa passion de l’humanité. C’est avec lui que la rédaction du journal apprit la mort violente et incompréhensible, pour nous, de Thomas Sankara, le capitaine valeureux en qui, à l’époque, nous mettions tant d’espoirs pour l’Afrique.
Dans ses discussions avec la rédaction, il apportait le plus souvent un point de vue délibérément détaché des commentaires usuels - ceux que, tous, nous avions pu entendre à la radio ou dans la rue. Il recherchait l’angle inattendu, insolite, par lequel faire voir les choses comme étant tout sauf des évidences. « Quand tout est si évident, on ne cherche plus » disait-il. « On ne cherche même plus à comprendre ».
Son comportement avec nous était une incitation de chaque instant - face à des questions qui paraissaient insolubles, ou difficiles à comprendre et à analyser - à agencer autrement les termes du problème, jusqu’à créer chaque fois que possible une configuration nouvelle. Un peu comme ces scientifiques qui nous disent que “si un problème paraît être insoluble, c’est qu’il est mal posé”. Lors du premier “médiamétrie” fait à La Réunion - un sondage pour annonceurs qui mesure la complicité entre les milieux capitalistiques et médiatiques - "Témoignages" était évidemment loin, loin, loin dans des poussières de chiffre après la virgule. Laurent a relevé le nez, radieux : « Nous avons tout pour être satisfaits » - a-t-il dit. « Ces sondages nous indiquent que nous sommes le journal qui a la plus grande marge de progression ! » Et dans sa bouche, ce n’était pas seulement un pied de nez à une situation financièrement difficile. C’était un projet, une bataille pour mettre le journal au cœur de la société réunionnaise, avec ou sans la “bénédiction” des puissances d’argent. Il voulait que "Témoignages" soit le lieu permanent d’un questionnement de la société réunionnaise. Il le voulait « anticonformiste, corrosif, subversif ». C’était son projet, son rêve. Pour "Témoignages". Car des rêves de la sorte, il en avait plus d’un en tête.
Il rêvait surtout de faire de La Réunion un pôle de rayonnement dans sa région et pour le monde. Il aimait Cuba et disait souvent que la renommée d’un pays n’était pas proportionnée à sa taille réelle.
Ce rêve-là, cet amour de La Réunion, beaucoup de jeunes Réunionnais d’aujourd’hui l’ont aussi, même s’ils n’ont pas connu Laurent Vergès.
Le kabar de ce soir, à Saint-Louis, est l’occasion de venir découvrir le message d’un jeune qui renverra toujours chacun aux exigences de sa propre jeunesse et de celle, toujours renouvelée, de notre île.

P. David


Laurent, je garderai de toi...

... l’image d’un Réunionnais valeureux. Celui d’un combattant permanent contre les injustices de ce monde telle la misère qui a touché, touche et touchera malheureusement La Réunion et le monde. Tu restes pour moi un des artisans de la valorisation de l’homme Réunionnais pour son rayonnement et son affirmation chez lui et en dehors -même si le chemin est encore long.
Je garderai de toi l’image d’un homme déterminé et ambitieux pour le développement de notre île avec le cœur dans la main.

Jean-Fabrice Nativel

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Messages

  • Mr Verges m’a fait connaître la politique, la "vraie" politique,combat d’homme et de femme pour un monde meilleurs. Enfant, j’ai assisté au côté de mon père à des tas de réuinon politique. J’ai eu la fervente d’écouter Laurent Verges, jeune homme au côté de son père, fière de ce fils qui devait nous apporter tant ! avec sa mort, la politique n’était plus la même, j’ai encore ce goût amère quand je vois ce qu’est devenue la politique d’aujourd’hui.
    "Une étoile est venue un jour,dans un monde politique, rempli d’espoir, pour disparaître sans un aurevoir !"

    J’habite en France depuis 1985, avec "Témoignage" j’ai appri à lire.
    J’ai 47 ans, ce journal, je vais le plus possible à son contact, pour garder, mes racines et ne pas perdre de vu ce qui se passe sur mon Ile.


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