Saint-André : production et consommation durable

De l’arbre aux meubles à l’ébénisterie Vencatachellum

4 avril 2008, par Edith Poulbassia

L’un des piliers du développement durable, c’est d’apprendre à utiliser à bon escient les ressources que nous offre la planète. L’ébénisterie Vencatachellum à Saint-André en est l’illustration parfaite. Cette entreprise familiale travaille en étroite collaboration avec l’ONF depuis 26 ans. Le bois de Tamarin est le matériau phare pour ces artisans. Ils invitent le public à venir “sentir” ce bois et à découvrir les espèces endémiques que l’ONF expose à l’ébénisterie cette semaine.

Stéphane Vencatachellum présente à Eric Fruteau un petit secrétaire très pratique pour ranger les papiers. (photo EP)

Les trois jeunes frères Vencatachellum, Stéphane, Jean-Noël et Bernard, ont hérité de la passion de leur père, fondateur de l’entreprise. Respectivement gérant, directeur commercial et responsable de création, ils produisent 95% de leurs meubles en bois de Tamarin. Et de ce bois précieux de nos forêts des Hauts, rien ne se perd, tout se transforme à l’ébénisterie Vencatachellum. Les trois frères ont fait le choix de la production et de la consommation durable, donc de la qualité, malgré la concurrence des meubles importés qui fait rage. L’ébénisterie fonctionne avec quatre salariés et ne cesse d’innover dans le cadre du développement durable.

Une initiative exemplaire

La Diren, l’ONF, la Mairie de Saint-André ont fait le déplacement hier pour “inaugurer” cette première porte-ouverte de l’ébénisterie Vencatachellum. Une opération jugée exemplaire par la Diren car ces artisans ont choisi de travailler un matériau local, qui limite d’emblée les émissions de gaz à effet de serre puisqu’il n’y a pas d’importation. Le maire de Saint-André Eric Fruteau, accompagné de Paul Abadie, adjoint chargé du développement durable, a salué ce mariage de l’entreprenariat et du développement durable. « Cela s’inscrit tout à fait dans la démarche de la commune. Notre objectif est de relever le défi de l’environnement. Il y a avait un manque d’ambition jusqu’à présent. Nous allons mettre en place un Office municipal de l’environnement avec la Cirest pour mener une campagne de mobilisation », a affirmé le maire de Saint-André et conseiller général, pour qui l’heure est venue de mener une démarche globale en ce sens pour La Réunion.

Innover dans le respect du bois

A son niveau, l’ébénisterie Vencatachellum a déjà fait un bon bout de chemin. Stéphane, le gérant de l’entreprise avoue qu’il existe très peu d’ébénisteries de ce type à La Réunion, contraintes à mettre la clé sous la porte à cause du manque de clientèle et surtout de la concurrence des meubles d’Asie. Pour garder sa place, il faut s’accrocher, confie-t-il. Les outils de l’atelier côtoient les ordinateurs high-tech de Bernard, chargé de la création. « L’âme de nos meubles visite les cultures lointaines qui ont formé La Réunion », c’est un des atouts de ces artisans. Ainsi, ils s’inspirent des meubles marins, de la malle au coffre, ou développement des collections métisses, remettant le cannage traditionnel au goût du jour. Ils sont par ailleurs prêts à valoriser d’autres bois de couleur, toujours en partenariat avec l’ONF.

Un meuble en tamarin vit cent ans

En dépit de ces efforts, le simple consommateur n’hésitera pas à demander à ce qu’on lui explique la différence avec les meubles d’Asie, moins onéreux. En passionné, Jean-Noël réplique immédiatement : « ces meubles importés sont responsables d’une forte déforestation. Le cycle de fabrication des meubles est très rapide, le bois n’est pas bien préparé, notamment le temps de séchage n’est pas respecté, et les gens qui produisent sont surexploités. Ici nous proposons un bois durable, grâce à notre action avec l’ONF ». La durée de vie minimum des meubles de l’ébénisterie Vencatachellum avoisine les 100 ans. On n’en dira pas autant des meubles importés tant les méthodes de fabrication sont soumises à un rythme industriel et à la pression de la demande. Les meubles en tamarin se transmettent de parents à enfants.

Les chutes et copeaux sont valorisés

Pour les frères Vencatachellum, la production durable ne s’arrête pas aux méthodes de fabrication et à la protection de la forêt. Les chutes et copeaux de bois de tamarin sont valorisés, et la préservation de la santé des salariés est une priorité. « En 2000, un partenariat a été signé avec la sécurité sociale afin d’améliorer les conditions de travail en atelier. Condition ergonomique, thermique, acoustique, sécurité des hommes, “respirabilité” de l’air, tout a été pensé. Un des choix s’est porté sur l’acquisition d’un groupe d’aspiration à débit variable nous permettant d’économiser l’électricité », explique Jean-Noël, le directeur commercial. Les copeaux sont aspirés à travers des tuyaux et atterrissent dans un silo. Les déchets trouvent aisément une nouvelle vie en dehors de l’ébénisterie. Les chutes sont valorisées par les artisans d’art qui en bénéficient gratuitement. « Les copeaux sont récupérés par le centre épique de Ravine-Creuse pour les litières de chevaux. Les pépiniéristes obtiennent ensuite de l’engrais, j’en ai même pour mon jardin », affirme Jean-Noël. Plus surprenant, les copeaux ou les chutes de bois non traité récupérés par les charcutiers pour boucaner la viande, ou par les vendeurs de poulets grillés. Le goût péï garanti.

Edith Poulbassia


La star de l’ébénisterie Vencatachellum

Le Tamarin des Hauts ou « chêne de Bourbon »

Il est particulièrement choyé par l’Office National des Forêts le tamarin des Hauts. Ce bois unique au monde, arbre au feuillage bleuté et au couvert léger, au tronc noueux et court, doit faire l’objet d’une valorisation optimale. « Ses qualités en font un bois apte aux usages nobles (ébénisterie, menuiserie fine, marqueterie, bardeaux). La mission de l’ONF est de maintenir cette potentialité en assurant son renouvellement afin de permettre aux artisans locaux de poursuivre leur activité ». La sylviculture initiée par l’ONF garantit la préservation des milieux naturels réunionnais ainsi que l’activité artisanale locale. Le Tamarin est doté « d’une régénération naturelle aisée, une forte croissance juvénile, une forte longévité, une aptitude au traitement en futaie régulière et une résistance au cyclone qui permet d’assurer une production et un renouvellement des peuplements dans le cadre d’une gestion durable ». Pour obtenir un tamarin adulte, il faut 85 ans au minimum. Les meubles de l’ébénisterie Vencatachellum ont une durée de vie minimum de 100 ans.
Présentent entre 1200 et 1800 mètres, les forêts couvent 4000 hectares sur l’île. On peut citer Bélouve, Bébour, la forêt des Bénares, la Plaine des Fougères, la Plaine des Tamarins à Mafate. « Certains massifs à Bélouve et dans les Hauts de l’Ouest contribuent sur environ 1700 hectares à la production de bois », précise l’ONF.

EP


Opération porte-ouverte jusqu’au 6 avril

Les frères Vencatachellum proposent au public de découvrir les étapes de fabrication des meubles et la valorisation du bois. Une exposition de l’ONF sur « le monde des feuilles, des fruits et des fleurs » accompagne la visite de l’atelier. A voir aussi la collection des outils du “Musée dan’tan lontan” de Saint-André, exposés pour l’occasion. L’ébénisterie a enfin invité des entreprises amies, artisans d’art, à participer à la porte-ouverte. Jet d’Art Création, créateur de luminaires en cocotier et en bois ; Le Tabou, créateur d’objets et de bijoux en écaille de tortue, laqués, ciselés et incrustés ; Babouk Kréation, créateur de sculptures en métal et en bois.

EP

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