Développer le tourisme ?

Questions de méthode et de stratégie

12 septembre 2008

Aujourd’hui s’ouvrent au Cinépalme (Sainte-Marie) les Assises régionales du Tourisme. Pierre Vergès, président de Ile Réunion Tourisme, invité hier matin des Matinales de RFO, dans “Réunion publique”, s’est expliqué sur les attentes des acteurs réunionnais. « Le tourisme, ce n’est pas seulement l’affaire des professionnels, c’est aussi l’image de La Réunion ». Ces assises nous concernent tous.

Si le rapport présenté sur le tourisme à La Réunion - une commande de l’Etat - s’est attiré des remarques des acteurs locaux, c’est essentiellement parce qu’il ne pose pas les problèmes avec la hauteur de vues attendue et qu’il se trompe tant sur la stratégie que sur la méthode. C’est du moins ce qui ressort de l’interview que Pierre Vergès, président de l’IRT, a donnée hier matin lors des Matinales de RFO.
La première divergence de fond porte sur la méthode : « Le linge sale se lave en famille » a rappelé Pierre Vergès, en indiquant que les Assises régionales ne sont pas le lieu d’un déballage de critiques faites aux acteurs et partenaires de La Réunion, devant des invités de l’océan Indien.
Le président de l’IRT estime aussi que la Charte proposée par le gouvernement engage beaucoup de monde, sans laisser le temps de ce débat. Voilà pourquoi, de prime abord, les choses sont mal engagées.
« On ne peut pas aboutir à une relance véritable, et une prise de conscience par toutes les collectivités, de l’importance du tourisme, en ne les associant pas ! Ce n’est pas crédible ! » a-t-il déclaré pour expliquer le fond du désaccord entre Paris et La Réunion sur ce dossier.

Ne pas nous « réduire à l’Europe »

Il y a aussi une forte divergence sur la stratégie.
Le projet du gouvernement est de mettre La Réunion à la remorque de l’île Maurice. Nos voisins, sur la base des relations aériennes directes qu’ils ont avec plusieurs capitales européennes, accueillent 595.000 touristes européens - dont 240.000 Français et 255.000 touristes en provenance des autres pays européens. Mais les touristes en provenance du reste du monde, dans l’île sœur, représentent 310.000 visiteurs annuels - dont 210.000 Africains, 70.000 Asiatiques (dont les Indiens). « Ces chiffres montrent que Maurice ne se cantonnent pas à l’Europe. Pourquoi La Réunion devrait-elle se refermer sur les seuls touristes européens ? » a poursuivi le président de l’IRT.
La stratégie de La Réunion, à l’inverse de celle de l’Etat, est celle d’une ouverture sur le monde - comme le font déjà nos voisins.
C’est un peu triste à constater, mais la vision de nos gouvernants n’a pas beaucoup évolué depuis l’époque où le Gouvernement général était installé à l’Ile de France, vers laquelle convergeaient toutes les attentions d’une métropole obnubilée par la concurrence de l’Angleterre, tandis que ces “bouseux de Réunionnais” étaient laissés à leur sort. Le monde a changé depuis et il est assez navrant de voir des schémas aussi surannés refaire surface de façon aussi inappropriée. Fin de la parenthèse historique.

Concertation, ouverture et transparence

Le président de l’IRT a également expliqué que cette politique d’ouverture est un levier puissant pour la mobilisation des acteurs réunionnais : pour la mise à disposition du foncier, pour les investissements dans des structures haut de gamme et autres, pour obtenir de tous les partenaires - collectivités locales et territoriales - qu’ils s’impliquent entièrement dans une politique du tourisme préalablement définie avec eux.
« Personne ne peut imposer une stratégie en matière d’orientation touristique. Il faut en débattre, mais pas devant des invités étrangers » estime le président de l’IRT en rappelant que la base des discussions à avoir avec l’Etat consiste en une ouverture de la politique des visas. « Le tourisme n’est pas qu’affaire de professionnels. C’est aussi l’image de La Réunion, avec son métissage, son intraculturalité, sa tolérance cultuelle... Tout ceci n’est pas porté seulement par les professionnels et ce n’est pas qu’un problème de capitaux. C’est l’image de La Réunion qui est en jeu et cela concerne aussi les élus » !
Autre exigence : la transparence. Seule une politique claire permettra de mettre en œuvre les dispositifs d’accompagnement rattachés à la mobilisation des fonds publics, qu’il s’agisse des moyens inscrits au Programme d’orientation européen 2007-2013 ou de la défiscalisation. Les collectivités aussi peuvent conforter des dispositifs importants, mais sur des bases et des orientations claires. « Quand on veut nous enfermer dans une clientèle européenne captive et faire de nous des “obligés” de l’Ile Maurice, cela ne peut pas participer de la volonté d’entraîner et de mobiliser l’ensemble des élus sur les aspects fonciers ou d’équipements ».

Que l’Etat donne l’exemple

Pour améliorer la politique du tourisme à La Réunion, il faut engager un gros travail de rénovation des infrastructures existantes, s’engager fortement dans une politique linguistique plus ouverte - notamment sur l’anglais - améliorer la qualité des prestations, diversifier les produits... La question se pose de savoir pourquoi il faudrait réserver ces améliorations à la seule clientèle européenne, avant d’avoir - peut-être - le droit d’accueillir le reste du monde.
Que l’Etat de son côté s’engage clairement sur des délais, fixant l’échéance de cette ouverture et tout sera plus clair pour tout le monde, obligeant toutes les collectivités à préciser elles aussi leurs engagements, dans l’échéance fixée. En clair, c’est à l’Etat de donner l’exemple, plutôt que de distribuer des bons et des mauvais points dans la cour de récréation. Pandan s’tan, kabri i manz salad... é Morisyen i avans !
En conclusion, le souhait du président de l’IRT - et derrière lui, d’une grande partie des acteurs locaux - est qu’on prenne ces Assises comme le « point de départ » d’une concertation massive auprès des communes, des intercommunalités, des collectivités territoriales, et des professionnels, pour déterminer le niveau d’exigence où l’on veut voir placer la politique du tourisme dans notre île. Le tout, dans la transparence.


P. David

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Messages

  • MOi je veux bien tout ce que vous voulez, mais j’ai l’impression que la quasi totalité des réunionnais ne veut du tourisme. On nous amuse avec ça. Il y a toujours un prétexte pour ne pas faire. Les infrastructures touristiques sont a minima. Où loger les futurs nouveaux touristes ? Sous des tentes ? A la belle étoile ? La formation professionnelle est aussi du domaine de la Région . Quid pour le tourisme ? Les réunionnais sont ils prêts aussi à accueillir , avec le sourire en prime, chez eux les touristes , cad dans des gites ou chambres d’hôtes ? Aucun terrain de camping dignes de ce nom ? Pas de prévisions de nouvelles implantations ? En fait , et c’est dommage, j’ai l’impression que pour la Réunion, toute tendance confondue, on pleurniche pour avoir des subventions et c’est tout. Ma colère est justifiée et va au service de la Réunion. Aide toi le ciel t’aidera.....
    Dans un précédent forum sur le tourisme, seulement 13 ou 14 contributions ? Ca veut tout dire.


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