47e anniversaire de l’indépendance des Comores -3-

Les Comores à l’ONU : « La France reconnaissait le fait inaliénable que Mayotte et les autres îles constituaient une seule entité indivisible »

8 juillet 2022

Dans la deuxième partie de son discours prononcé au nom des Comores à l’ONU en janvier 1976, quelques semaines avant le scrutin illégal organisé par la France le 8 février à Mayotte, Foundi Muigni Baraka Sayyid Omar revenait sur l’évolution de l’administration française des Comores à partir du moment où Mayotte et ses habitants furent vendus à la France en 1841 contre une rente de 1000 piastres par an pour empêcher le Sultan d’Anjouan d’exercer sa suzeraineté sur l’île aux Parfums. Il soulignait qu’après plusieurs tentatives de séparer administrativement Mayotte des autres îles de l’archipel, la France dut se rendre à l’évidence et confirmer l’union des 4 îles dans une seule entité depuis un décret de 1889 reconnaissant « Mayotte et de ses dépendances ». Depuis, « la République française n’a jamais remis en question l’unité de l’Archipel »… jusqu’au résultat du référendum d’autodétermination de 1974 où 95 % des citoyens des 4 îles ont voté pour l’indépendance.

Mutsamudu, plus grande ville d’Anjouan (photo Peioma, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/license...> , via Wikimedia Commons)

« Depuis des temps immémoriaux, ces îles y ont toujours vécu ensemble, fonctionnant comme des organes d’un même corps. Personne ne peut nier cela, car il est impossible qu’il puisse en être autrement du fait de la proximité des îles les unes par rapport aux autres, chacune dépendant de sa sœur pour toutes ses affaires. La géographie, la nature, les mariages et les besoins humains de toutes sortes les ont unies, tout comme tout autre endroit du monde considéré comme une unité. S’il y eut des différences d’autorité dans ces îles, c’est à l’instar de ce qui s’est passé dans d’autres pays comme la France elle-même. Tout comme la France ne permettra pas la division de ce noble pays, ainsi en va-t-il avec le gouvernement des Comores. Il n’acceptera jamais une division, de quelque nature que ce soit, dans son jeune État. »

Unies avant le colonialisme, pendant et après

« En fait, l’unité de Mayotte avec les autres îles est démontrée par un fait historique : en 1513, un certain Mohamed Ben Hassan, sultan d’Anjouan devint sultan de Mayotte à la suite de son mariage avec la reine de cette île. La conséquence de l’unité naturelle de ces îles est que la France découvrit qu’elle n’avait pas d’autre choix que de regrouper ces quatre îles ensemble sous un seul gouvernement.
En 1841, la France essaya en vain de séparer Mayotte de ses sœurs. En 1843, elle fit de Mayotte une dépendance de l’île Bourbon, actuellement appelée Réunion. Par la suite, elle découvrit que cela n’était pas pratique, et en conséquence entre 1843 et 1844, elle rattacha Mayotte à Nosy Be, une île au large de Madagascar. Là encore, elle découvrit qu’une telle combinaison était artificielle et ne marchait pas. Un tel mariage ne pouvait réussir et c’est ainsi qu’elle renversa la situation et plaça Nosy Be sous Mayotte de 1844 à 1878. L’expérience n’enseigna que cela ne pouvait marcher non plus, et la France dut rattacher Mayotte à Madagascar. Ceci ne servant à rien, la France fut contrainte de retourner à la réalité en 1912 et reconnut que Mayotte ne pouvait être séparée de ses sœurs. La France regroupa par conséquent toutes les quatre îles pour former une colonie sous la direction du gouvernement de Madagascar, situation qui dura jusqu’au 1946.
C’est alors que des faits contraignirent la France à séparer l’Archipel de Madagascar, radicalement et définitivement. Il est pertinent de rappeler ici que Mayotte était en fait la base pour l’extension de l’autorité politique et administrative dans toutes les îles, comme le révèle le décret de 1889 qui parlait de Mayotte et de ses dépendances. Par cet acte, la France reconnaissait le fait inaliénable que Mayotte et les autres îles constituaient une seule entité indivisible. Elles avaient toujours été ainsi et elles le sont demeurées. Elles étaient comme ça avant le colonialisme. Elles demeurèrent ainsi dans cette situation naturelle, au temps du colonialisme et elles resteront ainsi après le colonialisme. »

« La République française n’a jamais remis en question l’unité de l’Archipel »

« C’est très important que la République française n’a jamais remis en question l’unité de l’Archipel, et qu’elle fit connaître au monde que les quatre îles constituaient toutes un seul pays sous direction française. Dans ces circonstances, le gouvernement français et la chambre des Députés des Comores convinrent le 5 juin 1973 que le pays était à faire pour accélérer l’accession des îles à l’indépendance.
Le Président Giscard d’Estaing lui-même suivit ces pas avec intérêt et ne prononça jamais un mot susceptible d’être interprété comme repoussant l’unité des îles. En fait, il fit même bien comprendre le 24 octobre 1974 que les Comores étaient indivisibles, comme elles l’avaient toujours été. C’était donc tout naturel qu’elles demeurent ainsi et que leur sort soit commun. Telles sont les paroles du Président français.
Dans cet esprit, un travail sérieux commença à la fin de 1974 pour accélérer l’application de l’article 53 de la constitution française. Cet article saluait le fait que les habitants de ces îles voulaient un référendum, que ce serait global, pour montrer si oui ou non elles voulaient l’indépendance. Le vote global eut lieu et la réponse fut positive. Ceci n’était pas le fruit d’un accident. L’unité des îles comme précédemment souligné, était un fait indéniable reconnu par les Français eux-mêmes. Et le premier texte qui révélait cela, était celui du 9 septembre 1889 déclarant qu’il devrait y avoir une unité politique et administrative dans l’Archipel des Comores. Cet article ne fut jamais abrogé par aucun autre texte malgré une série de déclarations faites ultérieurement en rapport avec divers sujets concernant les îles Comores. »

(à suivre)

Propos traduits par Ismail Ibouroi
Source : Sur les traces de la culture comorienne

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Messages

  • ce que l’article ne dit pas est que les Comores ont été, aussi, surnommées :" Les iles des sultans batailleurs". ceci en dit long sur les rapports entre les 4 îles.
    lors du premier référendum ; Mayotte a largement voté pour rester dans le giron français.
    Bien sur plusieurs raisons à cela. Mais la principale est "la peur de la grande Comores". M^me le front démocratique, qui milite pour le rattachement aux Comores , ne veut pas du gouvernement Comorien actuel.
    Depuis d’autres référendums ont montré,clairement, que les Mahorais ne veulent pas des Comores.
    Ensuite, depuis la déclaration d’indépendance ; n’oublions pas qu’l y a eu 3 révoltes d’Anjouan et de Mohéli , contre la grande Comores. Dans certaines il y a eu des morts des 2 cotés. Pour l’une d’entre elle il a fallu faire intervenir des soldats sous l’égide de l’OUA.
    Pourquoi mépriser l’avis du peuple mahorais ? Cela malgré la situation difficile de Mayotte ; du moins dans certains endroits

  • L’article est la seconde partie d’un discours prononcé à l’ONU en 1976, et traite de la période suivant la vente de Mayotte et ses habitants à la France. Concernant la période pré-coloniale, elle fait l’objet de la première partie publiée à cette adresse : Quand le risque imaginaire de persécutions des chrétiens vivant aux Comores était prétexte à maintenir Mayotte sous « protection de la France »
    Concernant l’expression de "sultans batailleurs", elle vient de la langue du colonisateur et visait à justifier la colonisation de ce pays, car au 19e et jusqu’au milieu du 20e siècle, il était question de la "mission civilisatrice" de la France qui n’était autre qu’une extension du capitalisme français en Afrique et en Asie pour élargir son marché et obtenir des matières premières à bas coût par le travail forcé imposé aux peuples colonisés.
    Avant son unité politique par l’annexion progressive au Domaine royal de toutes les seigneuries laïques et ecclésiastiques jusqu’au 17e siècle, la France n’était-elle pas un pays de "Sultans batailleurs" avec des guerres incessantes entre chefs locaux pour se disputer des fiefs ? Faut-il rappeler la violence de la conquête du Comté de Toulouse par l’aristocratie de la France du Nord, la Croisade des Albigeois, ainsi que les exactions durant la période qui suivit ?
    Suivant le même raisonnement, sur la base des conflits entre les "Sultans batailleurs" de l’Ancien régime en France, l’expression "ceci en dit long sur les rapports entre ces régions" s’applique. Ceci n’a pas empêché la construction de la France qui se fit sur la base de rapports suzerains-vassaux à l’intérieur d’une frontière floue entre le Royaume de France et les territoires voisins. Un même rapport suzerain-vassal existait entre Anjouan et Mayotte, le sultan d’Anjouan était le suzerain de celui de Mayotte.
    Ces conflits passés entre chefs locaux ne sont pas utilisés par un Etat étranger à la France pour remettre en cause l’unité de ce pays.
    Concernant le résultat du référendum de 1974, en admettant qu’il se soit déroulé dans des conditions sereines avec un résultat sincère - compte tenu de la pratique répandue de la fraude électorale massive outre-mer à l’époque -, la circonscription était clairement définie par la France : les 4 îles des Comores.
    Lors de l’élection présidentielle française, c’est également une circonscription unique. Il ne fut pas rare qu’à La Réunion, ce fut un autre candidat que celui qui devint président de la République qui arriva en tête du suffrage, comme cette année. Pour autant, aucun Etat étranger ne vote une loi décidant de refaire cette élection sur le territoire de la République en considérant le résultat région par région, ou n’utilise ce fait pour demander la séparation de La Réunion de la République et encore moins pour y installer son administration.
    Les révoltes que vous évoquées ne résultent-elles pas d’une instabilité politique causée par les multiples coups d’Etat par d’anciens membres de l’armée française ? Sans cette instabilité politique, un développement n’aurait-il pas permis d’éviter ses révoltes ?
    Enfin, si vous lisez bien le texte de cette intervention du représentant des Comores à l’ONU en janvier 1976, il est loin d’être question de "mépriser l’avis du peuple mahorais" mais de rappeler comment fut organisée la partition d’un pays au profit des intérêts d’une minorités de capitalistes qui avaient peur de la remise en cause de leurs privilèges à l’intérieur d’un Etat dirigé par les représentants de son peuple.
    C’est en réalité le peuple comorien dans son ensemble qui a été méprisé par le refus de respecter le résultat du référendum de 1974. Mais comme la plupart des Mahorais n’étaient pas nés en 1974, ils n’ont pas vécu cette époque et il est donc facile d’imposer une vision de l’histoire qui ne correspond pas à la réalité.

  • Merci à Témoignages de m’avoir répondu... a défaut de m’avoir convaincu.


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