Inquiétante révélation de ’Marianne’

« Retraites : Moody’s menace, Sarkozy et Fillon s’exécutent »

20 août 2010

« Nicolas Sarkozy a convoqué de façon spectaculaire François Fillon et deux autres ministres pour une réunion sur les finances du pays. La veille, l’agence Moody’s avait quasiment menacé de menacer la note de la France si la réforme des retraites n’était pas adoptée. Triple scandale. »

Le couperet est tombé mardi 17 août. Sous forme de déni ou d’insinuation. L’Agence de notation Moody’s affirme que les États unis, l’Angleterre, l’Allemagne et la France restent « bien positionnées ». Mais, car il y a un mais, l’Agence note que « ces pays se sont malgré tout rapprochés de la note de dégradation ». Quelques heures plus tard, les radios annoncent une réunion exceptionnelle à Bregançon du président de la République et de trois ministres en charge des finances du pays : le Premier ministre François Fillon, la ministre des Finances Christine Lagarde et le secrétaire d’État au Budget François Barouin.

Certes, l’Élysée a pris bien soin de faire savoir que le principe de cette réunion avait été arrêté au début du mois d’août. Mais la mise en scène de sa convocation la thématique de la réforme de la retraite exigée par Moody’s donne l’impression que la politique ne se fait même plus à la corbeille mais dans les salles des agences de notation, ce qui ne marque pas forcément un progrès, le marché financier étant légèrement plus divers que le « triopole » de la notation mondiale.

Cette annonce est trois fois insupportable.
Un, il ne revient pas à Moody’s ou à Fitch de décider comment la France entend faire des économies, si elle doit en faire. La réforme de la retraite est une option parmi d’autres. Elle relève en principe d’un choix politique, celui du gouvernement élu ou des électeurs eux-mêmes.

Deux, l’annonce de Moody’s procède d’un chantage doucereux, qui était autrefois l’apanage du FMI, qui possède, au moins, d’un vernis de légitimité d’une institution publique inter-étatique. En quoi les agences financières qui se sont avérées incapables d’anticiper la crise des subprimes — donc d’apprécier le manque de crédibilité de nombre de banques et d’états — sont crédibles en matière de gestion d’un pays ?

Trois, les arguments économiques déployés par Moody’s sont juste risibles : « Partir plus tard à la retraite augmentera le revenu disponible des salariés, réduira donc leur épargne, ce qui stimulera la consommation donc la croissance », rapporte ainsi “le Figaro” citant l’Agence. Un raisonnement hautement fragile. Croit-on que les entreprises si soucieuses de leur gestion, vont conserver des salariés âgés, qui coûtent plus cher pour une efficacité réputée moindre, pour faire plaisir à un gouvernement qui recule l’âge de la retraite ? In fine, le recul de l’âge de la retraite prolongera surtout l’activité des fonctionnaires. Mais du coup il coûtera plus cher à l’État — le salaire étant plus cher qu’une pension — et pèsera donc davantage sur les comptes publics. Sans parler, bien entendu, des conséquences pour les plus jeunes, puisque, à périmètre d’emploi égal, une retraite plus tardive retarde aussi mécaniquement l’entrée des jeunes dans l’emploi.

Nul ne contestera la nécessité d’équilibrer les comptes publics ou celle de faire évoluer le système de retraite par répartition. Mais la vision de Moody’s relève d’un aveuglement évident sur les économies modernes. Les « agenciers » sont effrayés par l’endettement public, alors que c’est bien l’endettement individuel privé — que les agences ignorent superbement — qui a provoqué la dernière crise financière mondiale.

Mais les Agences de notation ne seraient pas grand chose sans le blanc-seing que leur octroient les gouvernements. En convoquant Fillon et Lagarde à Brégançon en plein mois d’août, Sarkozy montre que sa communication n’est pas seulement organisée en fonction des électeurs lépénistes mais aussi des monde de la finance et de ses représentants les plus pervers et les plus irresponsables qui, après avoir encouru les foudres de la régulation, sont plus intouchables que jamais.

Philippe Cohen - "Marianne"


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