Mouvements sociaux et inflation galopante

Crise en gestation ?

3 juin 2004, par Bernard Yves

La multiplication de faits révélateurs et la politique budgétaire du gouvernement suscitent des commentaires de la part des observateurs.

La grande Île a de nouveau été sous les feux de l’actualité internationale, par l’annonce faite par les médias français le vendredi 28 Mai, de la prise en otage par les réservistes des membres de l’Assemblée nationale.
Même si exagération il y eut, le fait est que des "réservistes" en grand nombre se sont rendus au Palais de Tsimbazaza (siège de l’Assemblée nationale) pour demander audience auprès des instances dirigeantes de cette Institution. La sécurité de l’Assemblée, paniquée, a fermé les entrées menant à l’enceinte du Palais, et les rumeurs se sont aussitôt propagées, sur "une prise en otage du président de l’Assemblée".
Les réservistes, qui ont finalement été reçus par deux vice-présidents de l’Assemblée, ont réitéré leurs exigences déjà formulées depuis plusieurs mois. Ils rappellent à ce propos la publication des décrets de 2002 et 2003 afférents à leur mobilisation, et prolongeant leur mission jusqu’à fin 2003. Ils demandent de bénéficier des mêmes avantages que leurs “frères” de l’armée régulière, en n’omettant pas de souligner que c’est grâce a leur engagement durant la “pacification”, qui a d’ailleurs causé la mort de 38 d’entre eux, que Marc Ravalomanana est devenu président.

Signes inquiétants

Cet incident, largement commenté par les médias, n’est pourtant qu’un élément qu’illustre le malaise de plus en plus visible, qui pèse actuellement sur l’ensemble de la société malgache. En effet, ce sont :
o le descente aux enfers du franc malgache, qui perd quotidiennement de sa valeur, et s’échangeait le 27 mai, à 14.600 FMG contre un euro, et à 11.000 FMG contre un dollars US
o L’inflation galopante, qui pénalise, les simples gens, sans épargner la classe moyenne.
o La grève illimitée annoncée par les fonctionnaires qui revendiquent que le salaire mensuel minimum pour les agents de la Fonction Publique soit fixé à 1.349.000 FMG
o La poursuite de la grève des enseignants-chercheurs à l’Université.
o La grève d’avertissement es magistrats, pour la promulgation des textes régissant leur statut.
o L’augmentation de 50% du ticket d’autobus annoncée pour le 5 juin prochain par les transporteurs, soit 1.500 FMG au lieu de 1.000 FMG
À cette avalanche d’événements, qui sont les signes d’une crise larvée, viennent d’ajouter les vifs débats surgis autour du projet de loi relatif à la mise en place des régions.

Réforme contestée

Ce projet de loi gouvernemental fixe à 22 le nombre des régions, et apporte des modifications quant au siège du chef lieu de certaines régions. Pour le cas particulier de la région Sava, la ville d’Antalaha, capitale de la vanille qui, depuis plusieurs décennies, a été reconnue comme chef-lieu de région par les régimes successifs, a été échangée contre Sambava.
Il est encore trop tôt pour évoquer les dessous de ce changement. Mais, cette décision gouvernementale, en dépit de l’adoption par la Chambre basse du projet de loi, a soulevé une vive émotion dans la région. Des milliers de manifestants, appuyés par les partis politiques toutes tendances confondues, ont sillonné les principales artères de la ville d’Antahala, pour protester contre cette décision. De leur côté, les notables de Sambava ont eu la même réaction pour soutenir le projet du gouvernement. Le Sénat a d’ailleurs rejeté le projet, proposant entre autres la création de 28 Régions.
Mais les observateurs, sont surtout préoccupés par les méthodes de gouvernance actuelle. Le récent communiqué, rendu public le 14 mai dernier par une composante de la société civile dénommée “Observatoire de la vie publique” ou SEFAFI à ce sujet, est édifiant à cet égard (voir encadré).

Bernard Yves


Lutte contre la pauvreté ou lutte contre les pauvres ?

Le SEFAFI, ou “Observatoire de la vie publique”, analyse les entorses aux pratiques budgétaires. Il s’intéresse à l’usage de l’argent public et note à ce propos ce qui suit :
o En 2003 le montant des dépenses hors budget se serait élevé à 283 milliards de FMG. Ces dépenses qui ont défrayé la chronique concernaient l’achat de 160 4x4 pour les députés, de camions et autres véhicules militaires pour l’armée, l’acquisition de l’avion présidentiel "Force One"
o Le SEFAFI rappelle également les exonérations fiscales, soulignant notamment que le groupe Tiko aurait bénéficié pendant cinq ans d’une exonération considérable reconduite en 2003. Le montant cumulé des exonérations aurait causé une perte de 1.000 milliards de FMG à l’État.
o La gestion peu transparente des entreprises et marchés publics, les procédures illégales concernant les privatisations.
Le SEFAFI estime que la loi des finances 2004 a franchi un premier pas vers la maîtrise des dépenses hors budget, citant, entre autres, l’inscription dans ce budget 2004, des fonds spéciaux alloués à la présidence de la République, à l’Assemblée nationale, à la Primature, à la Haute Cour Constitutionnelle, qui atteignent un montant total se chiffrant à 60 milliards 513 millions de francs malgaches. "Il est évident", ajoute le SEFAFI, "que les sommes mentionnées ici, ne correspondent qu’à une infime part des dépenses réelles. Il suffit de les comparer avec les largesses dont font preuve les chefs d’institution concernés pour s’en convaincre".
Les promesses des dirigeants du pays, annonçant une prochaine amélioration du niveau de vie de la population engendrée par l’application de l’IPPTE qui prévoit que Madagascar attendrait le "point d’achèvement" en juillet prochain, sont loin de convaincre les simples citoyens qui ignorent tous des détails sur la dette malgache, et encore moins les économistes qui savent pertinemment que, malgré l’allègement de la dette extérieure malgache (4 milliards de dollars) de l’ordre de 62 millions de dollars par an, le pays devra rembourser 85,9 millions de dollars en 2006, et une moyenne de 148,3 millions de dollars en 2010-2019.
Cette situation préoccupante fait dire aux observateurs, que la lutte contre la pauvreté s’est transformée en une lutte contre les pauvres qui constituent les 75% de la population malgache.

Bernard Yves


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