Les 24 heures de Narendra Modi à Maurice

Vers la relance d’un accord préférentiel pour les produits mauriciens en Inde

12 mars 2015, par Céline Tabou

Arrivé mercredi 11 mars à l’île Maurice, le Premier ministre indien, Narendra Modi, pour une visite de 24 heures, durant lesquelles, il va changer le prisme des relations bilatérales. Les autorités mauriciennes attendent beaucoup de la visite du chef du gouvernement de l’un des plus importants pays émergents.

Sucre mauricien exporté aux États-Unis. L’accord prévu entre l’Inde et Maurice permettra aux Mauriciens d’écouler 15.000 tonnes de sucres spéciaux en Inde. Après Cristal Union en France et British Sugar, c’est un nouveau débouché pour l’après 2017.

Le nouveau Premier ministre mauricien, Anerood Jugnauth souhaite relancer la « Comprehensive Economic Cooperation and Partnership Agreement » (CECPA). Cette instance de coopération a débuté ses premières négociations en 2004. Cette entente de partenariat économique vise, à terme, la création d’un accord de libre-échange économique entre les deux pays.

Reprendre les négociations

L’instance de coopération économique (CECPA) devrait préparer un accord commercial préférentiel, selon le quotidien mauricien L’Express. Cet accord de libre-échange devrait permettre à Maurice d’exporter, hors taxes, près de trois millions de pièces de textile-habillement, 15.000 tonnes de sucres spéciaux et 50.000 litres de rhum vers l’Inde. Cet accord est négocié depuis une dizaine d’années, mais il n’avait pas abouti, en raison des freins imposés par l’Organisation Mondiale du Commerce, qui ont obligé New Delhi à contourner les règles.

Ainsi, l’Inde a recours à des traités de libre-échange et d’échange préférentiels avec les Etats avec lesquels elle veut commercer. Un contournement obligé pour les pays émergents, étranglés par les règles de l’OMC. Si l’accord est signé, l’Inde représentera le plus grand marché pour les exportateurs mauriciens, particulièrement dans les secteurs des produits textiles, des boissons alcoolisées et des sucres spéciaux.

Cependant, en contrepartie, les exportateurs devront confectionner avec des matières premières importées d’un pays tiers alors que le reste des pièces devra être fait avec des matières premières provenant exclusivement de la Grande Péninsule, selon L’Express. Malgré cela, la balance commerciale entre les deux pays restera déséquilibrée, car Maurice exporte plus que son cousin indien. Cela représente 37 milliards de roupies d’exportation vers Maurice, contre 509 millions d’importations.
Pour Mahmood Cheeroo, économiste et ex-secrétaire de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice, « il faudra compter sur la visite du Premier ministre indien pour dégager une nouvelle stratégie et prendre avantage de la politique d’ouverture engagée par le nouveau gouvernement depuis neuf mois ».

D’autant plus que l’Inde tente de rattraper son retard face à son voisin chinois. Pour cela, New Delhi met l’accent sur une politique d’internationalisation des affaires. Cela a pu être constaté lors de sa visite aux Etats-Unis, mais aussi en Chine, et vis-à-vis des échanges qu’il entretient avec ses homologues des pays émergents.
Mahmood Cheeroo a estimé dans L’Express, qu’il faudra « trouver des secteurs où il existe une complémentarité pour positionner les industries phares de notre économie. (…) Il y va de l’intérêt des deux pays d’exploiter les atouts communs pour développer une situation où les deux parties sortent gagnantes ».

Question de volonté politique

L’engagement vis-à-vis de l’île Maurice ne parait pas vain pour l’Inde. La Grande Péninsule est l’un des rares pays de la zone océan indien et d’Afrique à avoir relancé son économie durant la crise économique et financière internationale, grâce notamment aux bons résultats des secteurs des services financiers, des technologies de l’information et de la communication (TIC) et des produits de la mer.

De son côté, Anil Gujadhur, ancien directeur du management de la Banque de Maurice et ex-membre du comité technique sur CECPA, « les opérateurs peuvent également compter sur la nouvelle position de Narendra Modi pour utiliser la plateforme indienne afin d’assurer une grande visibilité de leurs produits dans des pays asiatiques ».
Mais pour cela, il faut de la volonté politique : « Pour cela, il est impérieux que nos décideurs apportent le drive nécessaire à nos opérateurs et qu’ils leur fassent comprendre que l’Inde représente aujourd’hui une terre d’opportunités. Et qu’il ne faut surtout pas se contenter du marché local. Il faut avoir de l’audace et partir à la conquête des marchés émergents ».

Au-delà de cet accord de libre échange, Narendra Modi et le Premier ministre mauricien, Sir Anerood Jugnauth vont échanger sur la volonté de l’Inde de renégocier le traité sur lequel le secteur offshore mauricien [1] Il a bâti sa croissance dès les années 1990. « L’Inde représente presque deux tiers des activités du Global Business à Maurice, qui emploie directement 10.000 personnes et contribue à 5 % du Produit intérieur brut (PIB)" a expliqué à L’Express, le directeur d’International Financial Services, Couldip Lala.

Pour ce dernier, « plus largement, le secteur financier contribue jusqu’à 15 % du PIB. Il n’y a pas que des employés des Management Companies qui sont concernés. Mais également les banquiers, auditeurs et autres employés des hôtels et chauffeurs de taxi ». Depuis sa nomination, Narendra Modi lutte contre l’évasion fiscale, qui fait perdre à son pays plusieurs milliards de roupies indiennes. Même si le projet de loi indien visant à combattre l’évasion fiscale des sociétés indiennes passant par l’offshore mauricien pour investir en Inde a été repoussé, l’inquiétude grandie.

Freiner Pékin en Afrique


L’Inde a pris conscience des enjeux politiques et géopolitiques dans la région. Face à l’influence chinoise et son implication dans l’économie de plusieurs pays africains, l’Inde tente de s’assurer une présence en Afrique, en passant par l’île Maurice. Une position qui ravit les Etats-Unis qui tentent de déstabiliser la Chine dans la région et en Afrique.

La visite de Narendra Modi sera l’occasion de marquer sa volonté de développer ses relations économiques et commerciales avec les Etats insulaires de l’Océan Indien, comme les Maldives, les Seychelles et le Sri Lanka, mais également avec l’Afrique, connectée à ces Etats.

L’Inde devra faire mieux que son voisin chinois, d’autant que les exportations de la Chine vers l’Afrique sont près de trois fois plus importantes (72,7 milliards de dollars) que celles de l’Inde, (26,4 milliards dollars). De même, les importations sont deux fois plus importantes vers la Chine, à hauteur de 79,8 milliards dollars, contre 39,2 milliards dollars entre l’Afrique et l’Inde.

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