Qui a la nationalité française ? Qui ne l’a pas ? Paris veut que le droit soit différent à Mayotte pour définir le citoyen

Le ministre de l’Intérieur veut donner à Mayotte « un sujet d’extraterritorialité » par la Constitution

3 février 2024, par Manuel Marchal

L’inscription d’un droit à la nationalité française spécifique à Mayotte dans la Constitution ne freinera pas l’immigration considérée comme illégale par les autorités administrant l’île. Cette mesure ne s’attaque pas aux multiples causes de ces entrées à Mayotte sans visa.
Donner à Mayotte « un sujet d’extraterritorialité » signifie que Mayotte n’est pas pleinement intégrée dans la République : le droit commun y est différent pour dire qui a la nationalité française et qui ne l’a pas, ce qui est un sujet fondamental.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir hâter l’application de l’égalité sociale ? L’inégalité en droits entre habitants de Mayotte et ceux des autres départements sera en effet actée dans la Constitution, et cela à la demande même d’élus mahorais. Paris pouvait-il rêver mieux ?

Ce 1er février, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a annoncé sa volonté de plaider pour une modification de la Constitution spécifique à Mayotte au sujet de l’acquisition de la nationalité française. Ce chapitre spécifique à Mayotte a une conséquence : cela signifie que le droit commun français ne s’appliquera pas à Mayotte. Ce changement touche en effet un des piliers de la République.
« Il faut dire que le droit du sol et du sang n’est pas le même à Mayotte que sur le reste du territoire national », a déclaré le ministre de l’Intérieur, « sans doute que nous changions la Constitution pour pouvoir donner à Mayotte un sujet, de façon sécurisée, d’extraterritorialité ».
A Mayotte, les modalités d’acquisition de la nationalité française seraient spécifiques à ce seul territoire. Une telle mesure n’irait pas dans le sens de l’égalité des droits entre les habitants de Mayotte et ceux des autres départements.
A Mayotte, le SMIC brut mensuel pour un travail à temps plein est à 1334 euros contre 1766 à La Réunion et en France. C’est 25 % de moins.
Pour le RSA, cette différence est de 50 %.
Selon le ministre de l’Intérieur, l’objectif est donc de sacraliser le « sujet d’extraterritorialité » de Mayotte dans la Constitution. N’est-ce pas vouloir dire que Mayotte ne sera jamais pleinement un territoire de la République ?

Gage donné aux autres États ?

En effet, il semble difficile d’imaginer que « l’extraterritorialité » de Mayotte dans la Constitution s’accompagnera d’une diminution significative des traversées clandestines entre Anjouan et Mayotte. Cette inscription dans le texte fondamental de la République ne changera rien puisqu’il ne s’attaque pas aux multiples causes de ces entrées à Mayotte sans visa.
Mais n’est-ce pas un moyen de montrer aux autres États que Paris ne compte pas pleinement intégrer Mayotte à la République, en y maintenant une législation d’exception qui serait inapplicable dans n’importe quel autre département. Ceci fixe la limite aux ambitions d’intégration des Mahorais : elle ne sera pas pleine et entière dans la République.
En effet, pourquoi Gérald Darmanin ne propose-t-il pas de faire évoluer le droit du sol et du sang pour tous les départements de la République et pas uniquement Mayotte ?
Puisque pour Paris, Mayotte aura un statut de « sujet d’extraterritorialité », l’inégalité entre les citoyens de Mayotte et ceux de la République sera consacrée également.
Dans ces conditions, Mayotte ne pourra être intégrée dans la République au même titre que La Réunion. L’inégalité du SMIC et des prestations sociales va perdurer.

Conséquence pour La Réunion

Une des conséquences de cette décision sera de favoriser l’arrivée d’habitants de Mayotte à La Réunion. Mayotte vit en effet une croissance démographique rapide sur fond de sécheresse. La violence des inégalités à Mayotte a fini par générer une insécurité se traduisant par des violences, alors que la tradition est celle d’un peuple pacifique, accueillant et hospitalier.
A deux heures d’avion, La Réunion est le département français le plus proche. C’est aussi une île de l’océan Indien, qui a toujours eu des relations importantes avec les îles de l’archipel des Comores. Les Comoriens ont contribué à former le peuple réunionnais, et ses liens n’ont jamais été rompus.
La Réunion, c’est un SMIC augmenté de 30 %, un RSA de 100 %, un coût de la vie équivalent, l’eau courante tous les jours, pas d’insécurité sur le chemin de l’école, pas de barrages sur les routes et la possibilité de maintenir de fortes attaches avec Mayotte.
Cela signifie que la composante de notre peuple originaire de l’aire swahilie va augmenter, tout comme sa part musulmane.

M.M.

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Messages

  • Le département de Mayotte n’est pas le seul département ou l’immigration clandestine pose des graves problèmes .Il y a aussi une importante immigration clandestine dans les autres départements et territoires d’outre mer et dans certains départements frontaliers en métropole .
    Si on accepte l’extraterritorialité pour Mayotte , il nous faudra aussi tôt ou tard accepter que cette mesure soit étendue aux autres départements concernés par les problèmes créés par une immigration clandestine trop importante par rapport à la moyenne nationale .
    Il faut trouver une autre solution à ce problème de l’immigration clandestine . Celle ci pourrait passer par une aggravation des sanctions pénales pour les immigrés en situation irrégulière et un renforcement des moyens de contrôler l’immigration clandestine. etcet ...

  • Il me semble que c’est déjà le cas pour certains mahorais , qui ont choisit de conserver leurs statut personnel, plutôt que le statut commun . Ceci en vertu de l’article 75 de la Constitution Française.
    je ne sais pas si ces personnes sont nombreuses dans ce cas.
    Squelqu’un a des infos plus précises ; merci.

  • Concernant la saisine du constitutionnel pour régler le problème de l’immigration clandestine de Mayotte . je pense que l’application des principes fondamentaux de notre droit constitutionnel ne nous permettent pas de créer une catégorie spéciale de citoyens qui n’auraient pas les mêmes droits que les autres citoyens Français .
    Les trois mots de notre devise nationale ,Liberté égalité fraternité , nous imposent une obligation de solidarité envers les citoyens des territoires les plus exposés socialement au lieu de réduire leurs droits pour ne pas pénaliser l’ensemble de la communauté nationale .
    Selon l’histoire officielle de nos anciennes colonies , l’île de Mayotte a été vendue à la France par le sultan de l’archipel des Comores en 1841 et elle peut être considérée comme française depuis cette date .
    Certes l’’île de Mayotte fait partie de l’archipel des Comores et selon l,ONU , la consultation électorale qui a permis aux comoriens d’obtenir leur indépendance en 1976 ne permettrait pas aux Mahorais de demander seuls de leur maintient dans la communauté françaises . Mais ils ont pris cette décisions et l’ont confirmé à plusieurs reprise presque à l’unanimité par la suite et sont maintenant des français à part entière . Si bien qu’il est difficile de de revenir sur leur décision. Et même si le conseil constitutionnel approuvait la proposition d’extraterritorialité , il faudrait logiquement leur demander leur approbation par un référendum avant de l’appliquer .

    Cette évolution juridique de l’île de Mayotte initiée par les autorités françaises crée des obligations pour la France et lui impose un devoir de solidarité envers tous les mahorais . Son devoir n’est plus de réduire l’étendue des droits applicables aux mahorais sur leur territoire , mais au contraire de les renforcer s’ils sont menacés .Et à mon avis le conseil constitutionnel devrait refuser de valider la proposition d’extraterritorialité pour Mayotte que le gouvernement envisage de lui soumettre prochainement car elle constituerait une violation de notre devise nationale .

    La solution au problème de l’immigration illégale à Mayotte passe par un renforcement des moyens de surveillance des frontières et une aggravation des sanctions des délinquants . Il faudrait peut être créer une milice spéciale dans laquelle les mahorais auraient une place plus importante pour surveiller leur territoire et prévoir une juridiction spéciale pour statuer rapidement sur le infractions constatées .

    Bien entendu le droit du sol pour l’obtention de la nationalité pourrait être modifié avec l’accord du conseil constitutionnel . On pourrait exiger la justification d’une résidence sur le territoire français en situation régulière de plusieurs années pour les parents étrangers de l’enfant né en France , mais cette législation devrait s’appliquer sur l’ensemble du territoire national et pas seulement sur les zones frontalières particulièrement touchée par l’immigration illégale .

    Enfin comme la plupart des migrants en situation irrégulière arrivent de l’île d’Anjouan , la France pourrait envisager des actions de coopération privilégiées sur l’ile d’Anjouan pour améliorer le sort des anjouanais et les inciter à rester chez eux et à développer leur île plutôt qu’à venir chercher un eldorado imaginaire à Mayotte .


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