Fannie Mae et Freddie Mac : quand les ultra-libéraux transgressent les règles qu’ils veulent imposer au monde

200 milliards de dollars pour sauver deux banques

11 septembre 2008, par Manuel Marchal

Dimanche, l’administration des Etats-Unis a annoncé qu’elle était prête à verser 200 milliards de dollars pour sauver Fannie Mae et Freddie Mac, deux banques menacées par les conséquences de la crise des subprimes. Le gouvernement américain s’apprête à injecter l’équivalent de trois fois le déficit de l’Etat français, plutôt que de laisser faire la ’main invisible’ du marché. Quel peut être alors le crédit de ces ultra-libéraux qui transgressent allègrement les règles qu’ils veulent imposer au reste du monde ?

Depuis dimanche, un Etat a annoncé qu’il allait injecter 200 millions de dollars pour maintenir deux banques en vie. Autrement dit, c’est une nationalisation de fait, imposée alors que des parlementaires et des économistes.
La particularité de cet événement est qu’il se déroule aux Etats-Unis, et qu’il est le résultat d’une décision du gouvernement de ce pays. Or, chacun sait que le credo des gouvernements US qui se succèdent est l’ultra-libéralisme.
C’est ce même ultra-libéralisme qui est devenu la ligne de conduite de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dirigée par le socialiste Pascal Lamy. Elle s’étend également au Fonds monétaire international (FMI), dirigé par un autre socialiste, Dominique Strauss-Kahn.
En effet, ces organisations internationales ont comme point commun de s’aligner idéologiquement sur le gouvernement américain. Ainsi, en échange de l’aide du FMI, de nombreux pays ont dû faire des plans de "réajustement" qui étaient des privatisations massives de leurs secteurs publics. Quant à l’OMC, elle fait la chasse aux entorses à la "concurrence libre et non faussée", tout comme l’Union européenne co-dirigée par les socialistes et le PPE.
Or, la décision du gouvernement américain entre en totale contradiction avec l’idéologie ultra-libérale que ce dernier tente d’imposer au monde, en s’appuyant notamment sur l’OMC, le FMI et les anciennes puissances coloniales rassemblées au sein de l’Union européenne.

Trois fois le déficit public de la France

Les sommes en jeu sont considérables : 200 milliards de dollars, cela représente le triple du déficit public de la France estimé au 31 juillet dernier. Cela équivaut à 10 fois le montant du paquet fiscal, les 15 milliards d’euros d’économie accordés aux plus riches votés dans la loi TEPA.
Mais ce n’est qu’une partie de la dette publique des Etats-Unis.
Mais cet exemple est loin d’être isolé. Dans un autre pays, la Grande-Bretagne, où l’ultralibéralisme est l’idéologie des gouvernements qui se succèdent depuis des années, l’Etat a acquis la totalité du capital d’une banque menacée de faillite à cause de la crise des subprimes. Au total, la banque d’Angleterre a investi des dizaines de milliards de dollars pour que les banques de ce pays réussissent à survivre à la crise.
En première ligne de l’ultralibéralisme dans l’Union européenne, la Banque centrale européenne n’a pas hésité à verser aux marchés financiers 200 milliards d’euros au mois d’août 2007. Et ce n’était qu’un début. Quant au gouvernement américain, en août 2007, il avait injecté via la réserve fédérale 100 milliards de dollars. Sans compter la nationalisation de deux banques pour le prix de 200 milliards de dollars, un des principaux foyers idéologiques de la mondialisation ultra-libérale a donc versé en un an près de 500 milliards de dollars pour soutenir la "main invisible" du marché. Autrement dit, en un an, quelques banques centrales dans le monde ont injecté sans doute plus de 1.000 milliards de dollars pour soutenir les marchés financiers. C’est dire l’ampleur de la crise du capitalisme dans le monde.

Sans précédent depuis 1929

Quant à l’argument du gouvernement américain pour justifier cette nouvelle intervention, il se résume en un nombre que l’on a du mal à imaginer : 5.000 milliards de dollars seraient en jeu en cas de faillite des deux banques. Car ces dernières détiennent 40% des prêts immobiliers des Etats-Unis.
Pour de nombreux observateurs, la crise financière est sans précédent depuis celle de 1929. D’ailleurs, depuis cette époque, jamais la Maison-Blanche n’était intervenue de la sorte dans l’économie.
Mais alors, quels sont aujourd’hui les arguments des partisans l’ultra-libéralisme pour justifier leur volonté de voir leur idéologie dominer la planète ? Car au cœur du système, des décisions totalement en contradiction avec cette idéologie sont prises, pour maintenir la mondialisation ultra-libérale à flot. Ceci montre que même les dirigeants soutenant le plus fermement ce "modèle" ne croient pas qu’il est capable de régler le problème, car ils n’hésitent pas à marcher allègrement sur les règles qu’ils ont eux-mêmes fixées et qu’ils veulent voir appliquer partout dans le monde.
Cela laisse à penser que la promotion de cette orientation économique n’a qu’un seul but : maintenir à tout prix la domination des dirigeants de 20% de la population mondiale sur tous les autres peuples de la planète.

Manuel Marchal


40% des prêts immobiliers des Etats-Unis détenus par deux banques

De leurs vrais noms Federal National Mortgage Association (Fannie Mae) et Federal Home Loan Mortgage Corporation (Freddie Mac), les deux établissements sont des sociétés privées, qui ne sont pas liées formellement à l’Etat américain, mais disposent d’une ligne de crédit garantie par ce dernier.
Cette facilité leur permet d’emprunter de l’argent sur le marché à des taux bien plus faibles qu’une banque.
En jouant de leur capacité à se refinancer à bon compte, Fannie Mae et Freddie Mac achètent aux banques les prêts immobiliers qu’elles ont consentis aux particuliers et les revendent ensuite à des investisseurs institutionnels. Les banques dégagent ainsi des liquidités qui leurs permettent d’effectuer de nouveaux prêts, contribuant ainsi au dynamisme du marché immobilier.
Fannie Mae et Freddie Mac détiennent ou garantissent plus de 40% des prêts immobiliers accordés aux Etats-Unis.


28 millions d’années de RMI

Pour sauver deux banques, le gouvernement américain veut injecter 200 milliards de dollars.
Cela représente 200 fois le montant des minima sociaux versés en 2006 à La Réunion, ou 400 fois la somme que se sont partagés en 2006 70.000 travailleurs contraints de survivre avec le RMI. Lorsque l’on multiplie ces deux derniers nombres, on arrive à 28 millions d’années d’allocation de RMI (valeur 2006). Quand il est question de sauver la mondialisation ultra-libérale de la crise qu’elle a elle-même provoquée, il n’est donc pas question de compter la dépense.

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Messages

  • Texte très clair illustrant parfaitement que ce qui guide certaines nations (y compris la nôtre)depuis toujours est la domination et cela par tous les moyens possibles. Les argentins peuvent être perplexes car ce que leur a été interdit catégoriquement par le FMI ( et la Banque Mondiale) vient d’être autorisé aux USA, Royaume-Uni et Union Européenne.
    Maintenant, halte à l’angélisme, l’argent que le monde civilisé post-industrialisé a prêté à l’Argentine ne s’est pas volatilisé, il est sagement entreposé sur les comptes suisses des dirigeants argentins (dixit un représentant de la Banque Mondiale).
    Ce que ne comprennent pas les citoyens des pays où règnent les pseudo-démocraties c’est que la lutte n’est jamais terminée. Que ce soit aux USA ou en France, la lutte contre un pouvoir obscène est un combat de tous les jours. Combat qui peut paraitre futile à beaucoup mais qui parfois à la longue finit dans certains cas par payer : peut-être la fin d’une guerre d’occupation en Irak (non pas par la protestation irakienne ou celle de l’Europe mais par celle d’une partie de la population américaine qui ne "gobe" tout ce qu’on leur fait avaler en longueur de journée), en France un fichier injuste allait se mettre en place sous la nonchalance de l’opposition politique sans l’alerte de deux organisations (Ligue des droits de l’Homme et Syndicat de la Magistrature). C’est ça la démocratie, quand les puissants et leurs clans pensent que tout est réglé il s’avère qu’il y a toujours une voix discordante qui s’élève et finit par réveiller l’opinion publique, puis le pouvoir en place commande un petit sondage privé, fait son analyse coût-bénéfice et prend sa décision.


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