L’urgence de la solidarité avec la Bolivie

9 mai 2008

Parmi toutes les expériences progressistes en cours en Amérique Latine, qui découlent des victoires électorales des forces les plus à gauche, c’est celle de la Bolivie qui court aujourd’hui le plus grand risque de retour en arrière. Selon de nombreux analystes, le pays voisin du Brésil serait au bord de la guerre civile. L’oligarchie raciste, qui n’a toujours pas digéré l’élection historique du leader paysan et indigène Evo Morales, s’emploie de toutes ses forces, par le biais d’un mouvement séparatiste de type fasciste, à faire éclater la nation. Le “référendum sur l’autonomie” du riche département de Santa Cruz, du 4 mai risque de constituer le point culminant de l’affrontement.

À l’origine de cette initiative illégale, contraire à la Constitution et à l’unité nationale, Rubén Costa, gouverneur de l’Etat et chef des séparatistes, prétend que ce référendum sera le premier pas vers la scission du pays. Trois autres départements (Pando, Tarija e Beni) menacent de suivre le même chemin. Depuis la prise de fonctions d’Evo Morales, en janvier 2006, la bourgeoisie bolivienne prépare ce coup de force, qui vise à séparer la partie orientale, la “Media Luna”, la plus industrialisée et la plus riche en ressources naturelles, de la partie occidentale - plus pauvre et où la population indienne prédomine. Et pour imposer cette partition, elle peut compter sur l’appui déclaré des U.S.A. et a commencé à recruter des mercenaires en vue d’un probable conflit armé.

L’ambassadeur séparatiste

L’interventionnisme du Président-terroriste George Bush est flagrant. La nomination comme ambassadeur en Bolivie du redoutable Philip Goldberg apparaît comme une claire provocation. Cet agent de l’impérialisme s’est notamment distingué dans ses actions de soutien au séparatisme dans les Balkans, au sein de la dénommée “Mission Kosovo”. Comme le rappelle Stella Calloni, dans un texte intitulé “contre-insurrection et putschisme”, « Goldberg est un expert reconnu dans l’exacerbation des conflits ethniques et raciaux et par son action et son expérience dans les luttes ethniques en Bosnie et jusqu’à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie ». Ses états de service “diplomatiques” comprennent aussi le putsch en Haïti qui a provoqué la chute de Jean Aristides et la militarisation du Plan Colombie.
Selon elle, « il ne fait aucun doute que l’action de Goldberg est derrière le processus séparatiste à Santa Cruz de la Sierra », qui a débuté juste après la prise de fonctions de Morales et qui a déjà provoqué des sabotages et des victimes. « Lors de son arrivée en Bolivie, les patrons croates de Santa Cruz (ses vieux amis) ont structuré le mouvement ‘Nación Camba’. Un des principaux leaders du mouvement, qui dispose aussi d’intérêts au Chili, Branco MARINKOVIC, est un des premiers instigateurs des mesures de déstabilisation, qui ont eu des répercussions sur l’ensemble de la Media Luna », et dispose de liens solides avec l’ambassadeur yankee.

Les manœuvres militaires dans la région

Lors du 17ème sommet Ibéro-américain, qui s’est tenu l’an dernier au Chili, le Président Evo Morales a présenté aux chefs d’Etat participants plusieurs photos montrant l’ambassadeur Goldberg tout sourire aux côtés du chef mafieux et paramilitaire colombien Jairo Vanegas. D’ailleurs même les fonctionnaires de l’ambassade des U.S.A à La Paz reconnaissent que George BUSH considérait la victoire de Morales comme “une menace pour la sécurité de la Région” en raison de son “populisme radical” et de ses liens avec Hugo Chavez et Fidel Castro. L’ex-secrétaire à la Défense des U.S.A., Donald Rumsfeld, a même précisé que “la Bolivie faisait dorénavant partie de l’axe du mal”.
Dans une autre action d’intimidation, les troupes yankees ont réalisé des exercices militaires chez les voisins du Paraguay dès la fin de 2005, lorsque la victoire du leader indien apparaissait comme plus que probable. « Des Forces spéciales des U.S.A. continuent à opérer dans la zone frontière dans des pseudos manœuvres civiques, une vieille tactique contre-insurrectionnelle », dénonce-t-elle. Les Escadrons Opérationnels Avancés (EOA) peuvent s’appuyer sur une forte infrastructure dans ce pays voisin, dont une piste aérienne de 3,8 km sur la base de Mariscal Estigarribia, construite à l’époque de la dictature d’Alfredo Stroessner. L’arrivée de Fernando Lugo à la présidence du Paraguay menace la permanence de ces accords militaires, ce qui pourrait accélérer le risque d’une aventure militaire en Bolivie.

Groupes fascistes et mercenaires

Ulcérée par les changements progressifs mis en œuvre par le gouvernement Morales, mais forte du soutien affiché des U.S.A., l’oligarchie raciste s’arme en vue d’un conflit. Manfred Reis, ex-militaire à l’époque de la dictature de Hugo Banzer et autonomiste influent à Cochabamba, a mis sur pied des groupes de jeunes fascistes responsables de violents affrontements qui ont provoqué des morts et des blessés. Il est aujourd’hui réfugié à Santa Cruz. En novembre 2006, l’agence de presse Erbol a révélé qu’un groupe de patrons est parti en Espagne pour recruter des mercenaires. Des propriétaires d’entreprises de “sécurité” ont confirmé ce juteux marché. L’un d’eux a même précisé avoir fourni 650 « combattants, anciens membres des “unités d’élite”, qui sont déjà en action dans les zones limitrophes de la Bolivie ».
Les putschistes peuvent aussi compter sur le riche soutien financier de l’Usaid et de la NED, organismes des U.S.A. qui financent des organisations non-gouvernementales d’opposition à Morales. Les services de renseignement gouvernementaux ont récemment établi que des millions de dollars avaient été versés aux leaders séparatistes, à des organisations estudiantines ainsi qu’à des journalistes lors de la campagne contre l’Assemblée Constituante. Ce sont ces financements qui ont alimenté les “opérations civiques de ville morte” et les violents blocus sur les routes. En 2007, le consulat du Venezuela et la résidence d’un médecin cubain ont été la cible d’attentats et une fonctionnaire de l’ambassade des U.S.A. a été arrêtée en possession d’armes et de munitions. Dans ce processus, « les médias constituent des soutiens majeurs de la contre-insurrection, appelant à l’affrontement intérieur et à l’intervention extérieure », dénonce Calloni.

Internationalisme actif et pression

Les manœuvres séparatistes de l’oligarchie bolivienne, qui risquent de prendre une nouvelle dimension après le référendum de mai à Santa Cruz, ont pourtant été condamnées de toutes parts. Même l’Organisation des Etats Américains (OEA), pourtant réputée pour son passé servile au service des U.S.A., a condamné les intrigues putschistes. Lors d’une session extraordinaire tenue à Washington, le 26 avril, l’OEA a apporté son soutien aux institutions démocratiques et au respect de la Constitution et a appelé au dialogue les dirigeants politiques de la Media Luna. Des intellectuels de renom ainsi que des personnalités politiques, sociales et religieuses - entre autres, Pérez Esquivel, Noam Chomsky, Eduardo Galeano et les Brésiliens Frei Betto, Oscar Niemeyer et Fernando Morais - ont rendu public un manifeste de solidarité :
« Le processus de changement en cours en Bolivie risque de se voir brutalement interrompu. L’accession au pouvoir d’un Président indigène, ses programmes sociaux et sa volonté de recouvrer la maîtrise des ressources naturelles se heurtent depuis le début à des conspirations oligarchiques et à l’ingérence impériale. Ces derniers jours, l’escalade de la conspiration a atteint son niveau le plus élevé. Les actions subversives et anticonstitutionnelles par lesquelles les groupes oligarchiques prétendent diviser la nation bolivienne illustrent la mentalité fasciste et élitiste de ces secteurs... Face à cette grave situation, nous tenons à exprimer notre soutien le plus résolu au Président Evo Morales. Nous condamnons également le statut d’autonomie de Santa Cruz, pour son caractère inconstitutionnel et parce qu’il porte atteinte à l’unité d’une nation de notre Amérique ».
La grave situation bolivienne, qui constitue un danger pour toute la vague progressiste en cours en Amérique Latine, exige la solidarité active de toutes les forces démocratiques et populaires du continent et du monde. Il est urgent de dénoncer la stratégie séparatiste et putschiste de l’oligarchie bolivienne, appuyée par les U.S.A. en mobilisant les travailleurs, les parlementaires et élus, les média progressistes. Il faut faire pression sur l’O.E.A. et sur le gouvernement Lula afin qu’ils adoptent des positions plus actives et concrètes face à ce risque de retour en arrière dans la région.

Altamiro Borges
Journaliste, membre du Comité Central du PC do B (Parti communiste du Brésil).
Traduction Pedro Da Nobrega


Soutenir Evo Morales

La situation en Bolivie est de plus en plus grave. Il est nécessaire de soutenir le Président Evo Morales, en signant et en faisant circuler cet appel déjà signé par Noam Chomsky (USA) ; Oscar Niemeyer (Brésil) ; Ignacio Ramonet (Espagne/France) ; Manu Chao (France/Espagne)... .
Exprimez votre soutien à [email protected] ou à [email protected].



En Bolivie, le processus de changements pour les majorités court le risque d’être brutalement restreint. L’arrivée au pouvoir d’un président indigène, élu avec un soutien sans précédent dans ce pays, et ses programmes de bénéfice populaire et de récupération des ressources naturelles, ont dû affronter dès les premiers moments les conspirations oligarchiques et l’ingérence impériale. 
Récemment, l’escalade conspirative a atteint ses niveaux maximaux. Les actions subversives et anticonstitutionnelles avec lesquelles les groupes oligarchiques prétendent diviser la nation bolivienne, reflètent la mentalité raciste et élitiste de ces secteurs et constituent un très dangereux précédent, non seulement pour l’intégrité de ce pays, mais aussi pour celle d’autres pays de notre région. L’histoire montre avec une grande éloquence les terribles conséquences que les processus divisionnistes et séparatistes induits et approuvés par de puissants intérêts étrangers ont eu pour l’humanité sur tous les terrains. 
Devant cette situation nous, les signataires, voulons exprimer notre soutien au gouvernement du Président Evo Morales Ayma, à ses politiques de changement et au processus constitutif souverain du peuple bolivien. De même, nous rejetons l’appelé Statut autonome de Santa Cruz pour son caractère inconstitutionnel et pour attenter contre l’unité d’une nation de notre Amérique.
Nous appelons toutes les personnes de bonne volonté pour qu’elles unissent leurs voix pour dénoncer, par toutes les voies possibles, cette manoeuvre divisionniste et déstabilisatrice dans une heure historique pour l’Amérique Latine.

Aura Piña Rodríguez, 
Ministerio del Poder Popular para la Cultura, 
República Bolivariana de Venezuela

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