L’Allemagne a réalisé un véritable massacre en Namibie

Le génocide oublié des Hereros

23 août 2024

Plusieurs décennies avant l’Holocauste, l’Allemagne orchestré une tuerie ciblée envers un peuple : les Héréros, en Namibie, entre 1904 et 1908. Situé dans l’actuelle Namibie, les Héréros seront les premiers à faire l’expérience du travail forcé dans des camps de concentration.

Tout commence après l’établissement des frontières du Sud-Ouest africain allemand, en 1890. La région devient une colonie de peuplement, et les colons affluent, notamment dans les villes côtières, avant de rentrer davantage dans les terres pour se lancer dans l’élevage.

Or, ces terres étaient déjà occupées par des locaux, les peuples Héréros et des Nama. Au début, les échanges sont cordiaux et les Héréros se convertissent au christianisme et la présence allemande est relativement tolérée.

Cependant en secret, les Allemands signent des traités de protection avec les deux peuples, Nama et Héréros, qui s’entretuent progressivement, tout en perdant de l’influence et des terres au profit des colons.

Heinrich Goering, avocat et plus hauts dignitaires du Reich nazi, sera le premier gouverneur civil du Sud-Ouest africain allemand de 1885 à 1890.

Après une épidémie de peste bovine qui ruina les Héréros en 1897, les autorités coloniales allemandes lancent divers stratagèmes pour déposséder les Héréros de leur terre et de leur bétail, en dépit des accords passés. Les Allemands commencent à multiplier les actes de racisme et de discrimination, comme la condamnation minime d’un colon qui avait violé et assassiné la fille d’un leader Héréros.

En 1903, le territoire ne compte que 3700 colons et fonctionnaires, l’ordre impérial trouve rapidement ses marques, utilisant les rivalités tribales. La colonie est très riche en minerais : de l’or mais aussi des diamants.

Signant traité sur traité avec les Allemands, les élites locales leurs vendent des portions de plus en plus larges de terres hereros. Cette situation créer des ressentiments au sein de la population, qui ne peut plus utiliser ces terres pour ses troupeaux.

Au début de l’année 1904, la situation est explosive, et une importante révolte des guerriers Héréros éclate. Plus de 100 colons allemands sont tués. En riposte, le général Lothar von Trotha prend le commandement du Sud-Ouest africain la même année, et des milliers de soldats allemands sont envoyés sur le territoire. Les ordres du général sont d’exterminer les Héréros.

Le soulèvement de 1904 est perçu par les Allemands comme une aubaine leur donnant un prétexte pour se débarrasser d’une population qu’ils méprisent et qui les gêne. L’objectif impérial est de faire du Sud-Ouest africain une colonie de peuplement blanche. Les différentes tribus locales seraient alors parquées dans des réserves « protégées ».

Le conflit avec les Hereros devient racial, car l’empire allemand de Guillaume II voit l’idéologie « racialiste » du mouvement Völkisch battre son plein dans l’Allemagne wilhelmienne.

La guerre prend des allures d’un affrontement plus racial que colonial, où l’intention est de soumettre l’ennemi afin de l’exploiter économiquement et de l’éradiquer. Le 11 août 1904, lors de la bataille d’Hamakari Waterberg, le général en chef des forces allemandes, Lothar von Trotha, extermine les 5000 à 6000 combattants, ainsi que les quelque 20000 à 30000 civils qui les accompagnent.

Décimés et repoussés, les Hereros quittent le Hereroland pour le désert de Kalahari Omaheke, où leurs chances de survie sont d’autant plus minces car les Allemands ont empoisonné les principaux puits sur leur trajet : « Le blocus impitoyable des zones désertiques, pendant des mois, paracheva l’oeuvre d’élimination » , a écrit l’état-major général dans la chronique militaire officielle. Le désert se révèle fatal à quelque 30 000 Hereros.

Début 1905, la révolte est matée. La tribu herero autrefois florissante n’est plus que l’ombre d’elle-même. Sur les 80 000 personnes qu’elle comptait en 1904, il n’en demeure plus qu’une dizaine de milliers, réfugiées dans les colonies britanniques voisines, et quelques milliers ayant réussi à se fondre dans le bush la brousse.

La politique d’extermination systématique prend fin à la suite d’un soulèvement de la société civile et religieuse allemande, ainsi que certains partis politiques allemands et internationaux.

A la place, Berlin met en place une politique d’esclavage. Tout Herero qui se rend aux autorités ne devra plus être abattu mais astreint aux travaux forcés. Il sera marqué par des lettres GH pour Gefangene Herero , « Herero capturé ».

Les survivants du génocide, principalement des femmes, ne sont pas autorisés à repeupler le Hereroland, mais regroupés dans des camps de concentration dès janvier 1905. Les Allemands créent des camps de concentration et imposent le travail forcé pour les Hereros.

Plus de la moitié des internés hereros, soit 7862 personnes, périssent dès la première année de captivité en raison du travail forcé qui s’accompagne de sous-nutrition, de cris et insultes, de coups de fouet, de viols, de femmes et hommes épuisés ou blessés abattus le long de la voie ferrée.

Le témoignage de Traugott Tjienda, un chef herero local qui prend part à la construction de la voie ferrée d’Otavi, atteste que « Notre peuple qui sortait du bush fut astreint immédiatement au travail. Les hommes n’étaient plus que peau sur des os. Ils étaient si maigres qu’on pouvait voir à travers leurs os. Ils ressemblaient à des manches à balais » . L’équipe dont il est le contremaître comptera 148 morts sur un total de 528 travailleurs.

Berlin utilise les prisonniers de guerre hereros pour des expérimentations médicales. Des collections de crânes de Hereros préalablement nettoyés par des prisonnières de guerre à l’aide de tessons de verre sont envoyés afin d’être disséqués. De même que de nombreux corps de pendus hereros ou namas .

En août 1906, les députés socialistes, radicaux et centristes anticolonialistes ont bloqué les budgets coloniaux, entraînant le démantèlement des camps. Pour autant, les survivants ne sont pas autorisés à regagner leur territoire. Ils sont dispersés dans différentes fermes et doivent porter au cou un disque de métal où figure leur numéro de matricule.

En 1911, les autorités coloniales allemandes recensent 15 130 Hereros. Près de 64 000 Hereros, soit près de 80 % de la population d’origine, ont disparu en sept ans. Les Hereros ont cessé d’exister en tant que tribu. Aujourd’hui, les Hereros demandent réparation à l’Allemagne fédérale. Sans succès.

Cf. J. Bridgman et L. J. Worley, « Genocide of the Herero », S. Totten, W. Parsons, I. Char


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