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Le drame des populations déportées des îles Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon - 2 -
20 octobre 2004
Alors que la délégation du groupe de réfugiés des Chagos vient d’arriver dans notre île, nous continuons aujourd’hui à évoquer leur histoire avec André Oraison, professeur de droit public à l’Université de La Réunion, et notamment le processus de création du BIOT, le Territoire britannique de l’océan Indien, abordé dans notre édition d’hier. Demain, nous retracerons les étapes relatives à la militarisation par les États-Unis de l’atoll de Diego Garcia.
Descendants pour la plupart d’esclaves d’origine africaine, notamment malgache et mozambicaine, qui reçurent le nom de "Noirs des îles" - comme le souligne l’historien Auguste Toussaint - et dont les premiers occupants viennent de La Réunion et de Maurice à la fin du XVIIIème siècle, les Chagossiens sont alors en majorité analphabètes, catholiques romains et monolingues créoles.
Avant le déplacement forcé de l’intégralité de ses habitants vers les colonies anglaises des Seychelles et de Maurice afin de faciliter l’établissement d’une base militaire américaine aéronavale à Diego Garcia, l’archipel des Chagos était peu peuplé. Selon un rapport Prosser publié en 1976, il comptait quelque 1.400 personnes réparties en 426 familles, vivant quasiment en régime autarcique depuis quatre ou cinq générations et s’adonnant aux cultures vivrières, au maraîchage, à la pêche côtière artisanale, à l’élevage d’animaux de basse-cour et au ramassage des noix de coco selon un mode de vie qui était resté - jusqu’à la date de leur exil - celui du temps de la marine à voile et des lampes à huile (1). Les seules îles habitées étaient celles de Diego Garcia (en fait la plus grande et la plus peuplée), de Peros Banhos et de Salomon.
Mais quand et comment les Chagossiens ont-ils été “déplacés” vers Maurice et les Seychelles ? Leur “rapatriement” s’est étalé entre 1967 et 1973. Mais il faudra attendre 1975, avec les débats ouverts au Congrès des États-Unis sur l’engagement croissant du Pentagone dans la région de l’océan Indien, pour que l’opinion publique internationale découvre à la fois le sort tragique des Chagossiens, l’incurie des autorités mauriciennes à les accueillir décemment et le cynisme de la diplomatie anglo-américaine à propos de l’implantation de la base militaire de Diego Garcia.
De violentes critiques se sont alors élevées dans la presse américaine (2) : dans son éditorial du 11 septembre 1975, intitulé "The Diego Garcians", le “Washington Post” n’hésite pas à écrire, par exemple, que les Chagossiens avaient été traités d’une manière honteuse ("in a shameful way") (3). De son côté, la presse mauricienne a été unanime à décrire le malheur des "Îlois" - nom donné aux habitants des Chagos par les autorités administratives de Port-Louis - et à tenter d’y remédier.
De fait, la méthode utilisée pour les obliger à s’exiler est révoltante. Pour la blâmer, il faut savoir que le cocotier, plus encore qu’aux Seychelles, a conditionné pendant longtemps l’économie des îles Chagos. En vérité, en raison de leur coprah, on les a souvent appelées les "Îles à huile" (“Oil Islands”). C’est ainsi qu’elles étaient désignées à partir de 1875 dans les actes administratifs de la colonie anglaise de Maurice. L’exploitation du coprah remonte à la fin du XIXème siècle comme le révèle Auguste Toussaint :
"En 1883 prit naissance ce qui est apparemment la première société assez bien organisée pour l’administration desdites "Îles à huile" : la Société huilière de Diego et Peros... En 1941, cette société fut remplacée par une autre sous le nom de Diego Limited qui, elle-même, vendit ses droits à une troisième société dénommée Chagos, Agalega Limited en 1962" (4). C’est à cette société que le commissaire du British indian ocean territory (BIOT) a racheté, le 3 avril 1967, les plantations de cocotiers qu’elle exploitait aux Chagos pour la somme de 660.000 livres sterling. Prise pour le compte de la Couronne britannique, la première décision d’importance a eu pour effet immédiat de mettre un terme à l’exploitation du coprah dans l’archipel et de laisser sans emploi la plupart des "Îlois" (5).
Par la suite et afin de se conformer à l’une des deux conditions posées par les Américains en 1961 au Gouvernement de Londres, les Chagossiens ont été obligés d’abandonner leurs terres natales sans exception et sans espoir de retour en application directe d’une “Immigration Ordinance”. Édicté 16 avril 1971 par le commissaire du BIOT, cet étrange document est ainsi rédigé, dans sa section 4 : "Aucune personne ne peut pénétrer sur le Territoire ou, si elle se trouve sur le Territoire, ne peut y être présente ou y rester, à moins d’être en possession d’un permis ou à moins que son nom ne soit porté sur un permis".
Parallèlement, les caboteurs mauriciens qui visitaient régulièrement jusqu’en 1967 les îles Chagos pour les ravitailler en produits divers de première nécessité (farine, lait, riz, sel, sucre), vêtements, médicaments et courrier - notamment le “Nordvaer” - cessèrent graduellement par la suite, voyage après voyage, de leur apporter les approvisionnements nécessaires. À la même époque, les centres administratifs, les écoles et les dispensaires des Chagos sont progressivement fermés. Ces multiples défaillances “volontaires” de la part des Britanniques, assorties de menaces d’expulsion - et même de bombardement à partir de 1971 - obligèrent en 1973 les derniers Chagossiens récalcitrants, encore réfugiés à Peros Banhos, à quitter à jamais les îles où ils étaient nés et où ils avaient grandi (6).
Désormais privée de sa population "autochtone", cette mini-colonie de la Couronne britannique ne fait plus partie, à partir de 1973, de la “Franconésie”. Ce néologisme a été forgé par l’historien Auguste Toussaint pour désigner l’ensemble des petites îles et mini-archipels créolophones et francophones de la région occidentale de l’océan Indien dispersés à l’Est et au Nord-Est de Madagascar, c’est-à-dire principalement les Seychelles, les Mascareignes (La Réunion, Maurice, Rodrigues) et le groupe des Chagos (7). Depuis le 29 juin 1976, la gestion administrative du BIOT est confiée à un commissaire agissant au nom de la Couronne britannique dont le siège est désormais fixé à Londres, plus exactement au “Foreign and Commonwealth Office”, tandis que sa représentation sur place, sur l’atoll de Diego Garcia, est assurée par un officier de liaison de la “Royal Navy”.
Quelles sont alors les caractéristiques physiques des Chagos dont la superficie totale est dérisoire - à peine 50 kilomètres carrés de terres émergées - et qui restent seules intégrées dans le BIOT à partir du 29 juin 1976 ? D’abord, on peut dire avec Auguste Toussaint que "le volcanisme n’a eu aucune part à leur formation". Isolées à 1.200 milles nautiques au Nord-Est de Maurice et à 700 milles marins au Sud des Maldives, ces îles madréporiques (constituées d’organismes favorisant la formation de corail - NDLR) sont fixées entre les parallèles 04°41’ et 07°39’ Sud et les méridiens 70°47’ et 72°41’ Est. C’est dire qu’elles sont à une distance sensiblement équivalente des côtes de l’Afrique orientale, des grands archipels indonésiens, de l’Australie, du territoire irakien - occupé par les Américains depuis avril 2003 - et du Proche-Orient - où se poursuit le conflit israélo-arabe dans lequel sont impliqués, par le biais des menaces terroristes islamistes, les États-Unis en raison de leur collaboration politique pérenne avec l’État d’Israël. Les îles Chagos sont enfin ancrées à proximité de l’Asie du Sud où perdure une rivalité de plus en plus préoccupante entre le Pakistan et l’Inde à propos du Cachemire, province indienne à majorité musulmane revendiquée par les autorités d’Islamabad.
Les Chagos sont presque à égale distance des routes maritimes traditionnelles, vitales pour les puissances industrialisées. Elles sont presque à mi-chemin du canal de Mozambique, qui est un bras de mer entre l’Afrique orientale et Madagascar, et du détroit d’Ormuz, qui sert de voie de passage obligée entre le golfe Persique - d’où est extrait l’"or noir" - et la mer d’Oman. Les Chagos sont encore situées à proximité du détroit de Bab El-Mandeb ("La Porte des Pleurs") qui met en communication la mer Rouge et l’océan Indien. Le groupe des Chagos est enfin ancré dans le voisinage des goulots malais et indonésiens - notamment les détroits de Lombok, de Malacca et de la Sonde - qui comptent parmi les principaux "verrous" de cette partie du monde dès lors qu’ils assurent le passage de tous les navires en provenance ou à destination des pays de l’Extrême-Orient et des Philippines entre l’océan Indien et le Pacifique, via la mer de Chine méridionale et la mer de Célèbes. C’est dire l’importance de ces îles sur le double plan géopolitique et géostratégique pour les États-Unis, désormais capables d’intervenir - à partir de la décennie "70" - dans les moindres délais et dans tous les recoins de cette partie du monde.
Recouverts d’une végétation où dominent les filaos (casuarinas) et les cocotiers, une soixantaine d’atolls et d’écueils coralliens émergent de quelques mètres à peine au-dessus des flots. Ils sont rassemblés en six composantes principales, elles-mêmes éparpillées autour du grand banc des Chagos qui s’étend sur 180 kilomètres d’Est en Ouest et de 120 kilomètres du Nord au Sud. Auguste Toussaint précise qu’à l’exception de quelques récifs, ce banc est principalement un atoll immergé "d’une forme ovale irrégulière" dont la couronne, "très accore (escarpée)vers le large", est couverte par 7 à 20 mètres d’eau tandis qu’à l’intérieur, les profondeurs peuvent croître jusqu’à 90 mètres (8).
En les mentionnant du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, voici les différents éléments du groupe des Chagos. Dans la partie septentrionale et l’extérieur du banc se détachent deux mini-archipels : les îles Salomon ou Onze-Îles à l’est et Peros Banhos (27 îlots) à l’Ouest. Sont également postés en sentinelles mais sur la bordure immédiate du banc, des îlots qui ont été toujours inhabités : au Nord, l’île Nelson ; à l’Ouest, les Trois-Frères, l’île de l’Aigle, flanquée de l’île aux Vaches marines, et l’île Danger. Il faut encore mentionner au Sud-Ouest le groupe des îles Egmont. Enfin, dans la partie la plus méridionale de l’archipel mais très nettement à l’extérieur du banc, par 07°19’ de latitude Sud et 72°29’ de longitude Est - c’est-à-dire pratiquement au cœur de l’océan Indien - émerge la plate-forme la plus vaste de l’archipel des Chagos par sa superficie (45 kilomètres carrés) et celle qui fut la plus peuplée jusqu’en 1971 : l’île de Diego Garcia.
C’est bien à l’origine dans le cadre de la compétition idéologique Est-Ouest et de la "chasse aux îles" dans la région de l’océan Indien qu’une base américaine aéronavale a été implantée sur l’atoll de Diego Garcia. Par suite, les Chagossiens ont bien été les premières victimes - au début de la décennie "60" - de la confrontation des grandes Puissances maritimes et nucléaires dans l’océan Indien.
Considérée en ce début de XXIème siècle, par tous les observateurs avertis, comme un super "porte-avions avancé" destiné à assurer la sécurité des intérêts des Puissances anglo-américaines et, par ricochet, la défense des pays alliés traditionnels comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, la base militaire de Diego Garcia est aujourd’hui placée en "alerte rouge". En coopération avec les autres forces militaires américaines et alliées déjà prépositionnées sur le pourtour de la péninsule Arabique, elle est pleinement opérationnelle et prête, en conséquence, à être utilisée en cas de menaces directes contre les intérêts occidentaux dans l’océan Indien.
On sait maintenant quand a commencé le drame des Chagossiens. Mais pourquoi ne peuvent-ils pas revenir aujourd’hui sur leurs terres natales ? En vérité, l’excision des îles Chagos de la colonie mauricienne a permis - pour une période indéterminée - l’implantation par les États-Unis d’une base militaire aéronavale de premier plan à Diego Garcia, l’île principale des Chagos.
(à suivre)
André Oraison
(1) Voir Rapport Prosser (conseiller pour les questions sociales au ministère britannique du département d’outre-mer) in “Mauritius-Resettlement of persons transferred from Chagos Archipelago”, september 1976, Government Printer, Port-Louis, île Maurice (7 pages).
(2) Au moment d’obtenir les crédits indispensables à l’aménagement de la base militaire de Diego Garcia, le gouvernement de Washington avait osé affirmer devant le Congrès, en septembre 1975, que l’atoll était à l’époque inhabité, oubliant de dire que la "déportation" des Chagossiens réalisée par les Britanniques - à son initiative (dès 1961) - venait tout juste d’être achevée ! Voir Rousseau (Ch.), "Chronique des faits internationaux", RGDIP, 1976/1, pp. 253-256.
(3) Voir Franceschini (P.-J.), "La grande misère des déportés de Diego Garcia", “Le Monde”, 26 septembre 1975, p.6.
(4) Voir Toussaint (A.), “Histoire des Îles Mascareignes”, 1972, Éditions Berger-Levrault, Paris, p. 273, note 1.
(5) Voir Rousseau (Ch.), "Chronique des faits internationaux", RGDIP, 1967/4, p. 1100.
(6) Plus précisément, l’atoll de Diego Garcia a été complètement évacué le 15 octobre 1971, l’archipel des Salomon le 31 octobre 1972 et le groupe des Peros Banhos le 27 avril 1973. Voir Toussaint (J.), "Chagos : État des lieux", Le Mauricien, samedi 27 septembre 1997, p. 5 et Malaisé (H.), "Exil forcé loin de Diego Garcia", Le Monde Diplomatique, décembre 2001, p. 21.
(7) Voir Toussaint (A.), “L’Océan Indien au XVIIIème siècle”, 1974, Éditions Flammarion, Paris, pp. 57-58.
(8) Voir Toussaint (A.), “Histoire des îles Mascareignes”, 1972, Éditions Berger-Levrault, Paris, pp. 16-17.
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