
La Plateforme réunionnaise transmet au chef de l’Etat un nouveau manifeste
23 avrilAu cours d’un entretien dans la soirée du 22 avrils entre le Président de la République, Emmanuel Macron et la maire de Saint-Denis, Éricka (…)
Le drame des populations déportées des îles Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon - 4 -
22 octobre 2004
Avec André Oraison, professeur de droit public à l’Université de La Réunion, nous avons expliqué dans nos précédentes éditions comment les Chagossiens ont été évacués de leurs terres natales pour permettre la militarisation par les États-Unis de l’atoll de Diego Garcia. Aujourd’hui, avant-dernier volet : comment le droit international coutumier est bafoué en toute impunité.
Ils ont agi conformément à l’accord secret anglo-américain conclu en 1961 entre Harold MacMillan et John Fitzgerald Kennedy. Le gouvernement de Londres a tout mis en œuvre pour “amputer” les Chagos de la colonie anglaise de Maurice avant son accession à la souveraineté et pour les dépeupler sans l’assentiment de leurs habitants.
Réalisée moins de trois ans avant l’indépendance de Maurice, proclamée le 12 mars 1968, l’excision des Chagos est certes conforme au droit interne anglais : le décret-loi du 8 novembre 1965 a en effet été édicté en application du “Colonial Bounderies Act” de 1895.
Mais ce texte réglementaire méconnaît le droit international public de la décolonisation et notamment le principe coutumier de l’intangibilité des frontières coloniales ainsi que le "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes", tel qu’il est inscrit dans la Charte des Nations-unies. Cette violation des règles les plus élémentaires du droit international au détriment des Chagossiens et des Mauriciens est, par ailleurs, périodiquement dénoncée par le gouvernement de Port-Louis (1).
Le Premier ministre mauricien, Sir Anerood Jugnauth, a une nouvelle fois revendiqué, le 11 novembre 2001, à l’assemblée générale de l’Organisation mondiale, le groupe des Chagos, en invoquant le droit international de la décolonisation.
Avant d’insister sur la situation particulièrement critique des Chagossiens : "Nous nous préoccupons également des souffrances de tous ces Mauriciens que l’on appelle "Îlois" et qui, en violation flagrante de leurs droits fondamentaux, ont été évincés de force (c’est nous qui soulignons) par la puissance coloniale des îles qui forment l’archipel. Nous appuyons leur revendication légitime pour que des mesures appropriées soient prises (2)".
Étrangers au monde de la géopolitique, les Chagossiens ont bien été les premières victimes des desseins stratégiques des puissances occidentales dans l’océan Indien et, plus généralement, de la rivalité idéologique Est-Ouest dans cette partie du monde.
Comment auraient-ils pu imaginer qu’un jour leur modeste et paisible archipel perdu au cœur de l’océan Indien serait conduit à abriter la plus importante base militaire aéronavale occidentale dans cette partie du monde ?
Le sort de ces insulaires a été pendant longtemps tragique. L’hospitalité mauricienne a fait défaut : aucune structure digne de ce nom n’a été mise en place pour les accueillir à Port-Louis. La totale désinvolture des autorités locales peut surprendre.
Si les Mauriciens ont obtenu leur indépendance de manière pacifique et démocratique en 1968, c’est en grande partie à la suite du sacrifice imposé aux Chagossiens par les Britanniques avec la complicité des autorités mauriciennes, ces dernières ayant abandonné avec légèreté en 1965 leur souveraineté sur les Chagos.
Exilés dans un pays relativement lointain, plutôt pauvre à l’époque et déjà surpeuplé - ceux qu’on a parfois appelés, dans la presse progressiste des Mascareignes, les "Palestiniens de l’océan Indien" - ont été purement et simplement "dispatchés" dans les bas-quartiers de Port-Louis - notamment dans les bidonvilles de Baie du Tombeau, de Cassis, de Pointe aux Sables et Roche Bois - et abandonnés à leur sort le jour même de leur arrivée à Maurice !
Très nombreux sont ceux qui, pendant longtemps, n’ont pas trouvé de travail, ont souffert de malnutrition et de sous-nutrition ou ont sombré dans l’alcoolisme, la délinquance, la prostitution ou la toxicomanie quand ce n’est pas dans le désespoir, la violence, la démence ou le suicide.
Presque tous ont connu l’exclusion sociale ou le mépris de la population mauricienne ou ont eu des difficultés considérables à s’insérer dans une société pourtant réputée "arc-en-ciel", multiraciale et multiculturelle.
En outre, le passage d’une économie de troc statique à une économie monétarisée et déjà dynamique a certainement pesé très lourd sur la vie quotidienne des Chagossiens à Maurice.
Sur un autre plan, un épais mystère a entouré le sort de la première compensation financière de 650.000 livres sterling versée le 28 octobre 1972 au gouvernement de Port-Louis par la Grande-Bretagne à la suite d’un accord anglo-mauricien dans le but de faciliter la "réinsertion" des Chagossiens à Maurice.
Pendant plus de cinq ans, ces derniers n’ont rien reçu. Philippe Leymarie fait observer que les dirigeants mauriciens ont même tenté de justifier la rétention des indemnités allouées par le gouvernement de Londres : "il faut du temps pour s’assurer que l’argent sera dépensé comme il faut" a, par exemple, déclaré Sir Veerasamy Ringadoo en sa qualité de Premier ministre adjoint et ministre des Finances.
Celui-ci aurait même soutenu, non sans un certain cynisme, qu’"il serait stupide de distribuer cet argent brusquement à des gens simples qui ont jusqu’ici vécu dans un monde où l’argent n’avait pas de valeur et qui ne sauraient comment le dépenser" (3).
C’est seulement à la suite du rapport Prosser, publié en 1976, que les exilés ont perçu, le 10 mars 1978, une indemnité de 7.590 roupies mauriciennes, c’est-à-dire une somme d’autant plus dérisoire - à peine suffisante pour remplacer leur modeste garde-robe ! - qu’ils avaient été obligés de tout abandonner aux Chagos (maisons, meubles, emplois, jardins, animaux de compagnie, volailles, bétail, récoltes, écoles, églises, cimetières).
Mais certains d’entre eux, 250 environ, se sont plaints du fait qu’ils n’avaient bénéficié d’aucune compensation tandis que d’autres, qui avaient pourtant reçu des dédommagements, ont réclamé une somme additionnelle afin de tenir compte d’une inflation hyper-galopante à l’île Maurice.
Pour l’obtenir, les Chagossiens unanimes ont alors déclenché des meetings de protestation avec l’appui du Front national de soutien aux Îlois (FNSI), créé en 1980.
Finalement, dans un esprit de bonne volonté, la Grande-Bretagne leur a attribué une compensation supplémentaire de 4 millions de livres sterling - "pour solde de tout compte" ("in full and final discharge") - en vertu d’un nouvel accord anglo-mauricien signé à Port-Louis le 7 juillet 1982, tout en écartant par ailleurs le principe de la souveraineté de Maurice sur les îles Chagos (4).
Pour compléter cette aide britannique, les autorités mauriciennes ont pour leur part octroyé, la même année, aux Chagossiens un million de livres sterling sous forme de lopins de terre.
Enfin, lors d’une visite officielle effectuée à Port-Louis en août 1982, en tant que Premier ministre de l’Inde, Indira Gandhi leur a fait don d’un million de roupies indiennes. Avec ces diverses indemnités, plutôt modestes, la plupart des Chagossiens ont finalement opté pour l’acquisition de maisonnettes dont la construction - toujours à la périphérie immédiate de Port-Louis - a été achevée en 1986.
En tant que président du Groupe Réfugiés Chagos (GRC), fondé en 1983, et qui apparaît aujourd’hui comme le principal représentant de la communauté chagossienne à Maurice, Olivier Bancoult n’entend pas prendre parti dans le conflit territorial anglo-mauricien proprement dit sur les Chagos.
En revanche, il a formulé une série de nouvelles revendications auprès du gouvernement de Londres. Il a revendiqué au profit des Chagossiens de souche - auxquels il convient d’ajouter leurs conjoints et leurs descendants directs (enfants et petits-enfants) nés à Maurice, soit 8.500 personnes recensées en 2004 - la nationalité britannique à part entière tout en conservant la nationalité mauricienne.
Il a également demandé une troisième et très forte compensation financière de la part de la Grande-Bretagne et des États-Unis et le versement d’une pension à vie pour réparer les préjudices de toute nature, causés par la déportation des Chagossiens dans l’intérêt des puissances occidentales ; ainsi qu’un "droit de retour définitif" de ces populations sur toutes les îles qui composent l’archipel et le droit d’y travailler.
Sur ce dernier point, la Haute Cour de justice britannique a déjà donné raison aux membres du GRC qui l’avaient saisie. Dans sa décision du 3 novembre 2000, la Haute instance juridictionnelle considère en effet illégale l’“Immigration Ordinance” édictée le 16 avril 1971 par le commissaire du British indian ocean territory (BIOT) en vue de déclarer “persona non grata” sur leurs propres terres natales les habitants des "Zîles-là-haut" (5) !
Par ailleurs, le gouvernement de Londres a récemment accordé aux habitants de 14 territoires d’outre-mer dépendants de la Grande-Bretagne la citoyenneté britannique à part entière. Cette démarche fait suite au vote définitif par le Parlement de Londres du “British overseas territories act”(BOTA) qui pose le principe de l’octroi de la pleine citoyenneté britannique à tous les citoyens des territoires d’outre-mer qui en font la demande (6).
Applicable depuis le 21 mai 2002, cette loi vise toutes les personnes nées dans l’archipel des Chagos avant leur expulsion vers l’île Maurice et leurs enfants nés à Maurice de père chagossien ou de mère chagossienne. Elle est importante dans la mesure où elle les dispense de visa pour se rendre, à titre touristique ou professionnel, sur le territoire des pays membres de l’Union européenne dont la Grande-Bretagne - y compris en théorie les îles du BIOT - et la France - y compris le département de La Réunion qui est le plus accessible en raison de sa proximité géographique, linguistique et culturelle.
Mais les États-Unis ont fait savoir qu’ils s’opposeraient catégoriquement au retour des Chagossiens à Diego Garcia aussi longtemps que ce territoire insulaire serait utile aux intérêts des puissances occidentales et d’abord aux leurs bien compris.
De surcroît, le gouvernement de Londres vient d’édicter le 10 juin 2004 un nouveau décret-loi interdisant aux Chagossiens “déplacés” à Maurice et aux Seychelles de retourner sur leurs terres natales pour une période indéterminée (7).
Ainsi, les Chagossiens se retrouvent-ils à la case départ après avoir constaté une légère embellie à leur situation. Beaucoup parmi eux sont déjà morts en exil à Maurice ou aux Seychelles et parmi les survivants - nés aux Chagos - combien peuvent raisonnablement espérer revoir les lieux de leur enfance avant de mourir ? Il est difficile de répondre et on ne peut qu’être pessimiste même si "l’espoir au cœur humain est toujours vivace".
(à suivre)
André Oraison
(1) Voir tout particulièrement Oraison (A.), "Le différend anglo-mauricien sur l’archipel des Chagos à la lumière de la théorie des vices du consentement (Le consentement des dirigeants mauriciens a-t-il été entaché par les vices de violence, de dol et de lésion en 1965 lors de la cession à la Grande-Bretagne des îles de Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon ?)", RRJDP, 2003/4, pp. 2837-2865.
(2) Voir A/56/PV. 46, p. 17.
(3) Voir "Île Maurice. Le "Diego-Garcia Case", Océan Indien Actuel, juillet 1978, n° 8, p. 18.
(4) Voir Cmnd. 8785 et Treaty Series, n° 6, 1983.
(5) Voir Balmond (L.), "Chronique des faits internationaux", RGDIP, 2001/1, p. 186.
(6) Voir "Un passeport britannique et européen pour les Chagossiens. God save the Chagos", “Le Quotidien de La Réunion”, 23 mai 2002, p. 18.
(7) Voir notamment "Archipel des Chagos. Toutes les îles interdites d’accès aux Chagossiens", “Le Mauricien”, mercredi 16 juin 2004, p. 5.
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