Rencontre avec les 47 candidats de la liste Alliance - VIII -

La question de la coopération régionale

16 mars 2004

Depuis plusieurs jours, ’Témoignages’ donne la parole à chacune et chacun des 47 membres de la liste de l’Alliance, sur des compétences actuellement détenues par le Conseil régional, ou sur des sujets importants de société. Aujourd’hui : la coopération régionale.

• Qu’est-ce qui, dans la politique de la Région (1988-2004), vous a paru le plus important ?

Wilfrid Bertile : La Région s’est vraiment attachée à ce qui est son rôle majeur, à savoir préparer l’avenir : le lancement d’un Agenda 21 local pour le développement durable, les Assisses de la recherche, la mise en œuvre d’équipements structurants comme la route des Tamarins, le "tram-train" ou la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise. Tout cela dénote une vision à moyen et à long termes que porte, ainsi que chacun le reconnaît, le président de Région.
Le présent n’a cependant pas été oublié, avec un lycée construit chaque année, et toutes les actions menées dans les domaines de la formation professionnelle, de la mobilité, de l’enseignement supérieur, des sports, de la coopération régionale, du développement économique. La rénovation du bâti scolaire, financée par la Région bien que relevant des communes, a été une action exemplaire puisqu’elle a soutenu l’activité économique tout en améliorant les conditions d’accueil des élèves

Martine Sueur : Le plus important, dans la politique de la Région a été, sans hésitation, les énergies renouvelables. S’engager pour le développement durable, signifie lutter contre l’effet de serre, et toutes les formes de pollution, les chambres froides et leurs gaz, les batteries jetées au coin des chemins, les pesticides, les insecticides, engrais utilisés à tout va.

• Dans le domaine de la coopération régionale, quelle appréciation portez-vous sur la politique du gouvernement Raffarin ?

Wilfrid Bertile : Comme je suis encore, pour quelques semaines, secrétaire général de la Commission de l’océan Indien que la France préside cette année, chacun comprendra que je sois, au moins dans ce domaine, tenu à l’obligation de réserve.

Martine Sueur : Je pense que le gouvernement Raffarin ne mesure pas la distance qui nous sépare du reste de la France et du monde à tous les niveaux. La Réunion est unique, à part, notre insularité nous pénalise pour tous les actes au quotidien, échanger, communiquer, se déplacer. Nous sommes en constant décalage... pour tout. Nous flottons dans le temps et dans l’espace. On ne peut appliquer des mesures identiques à la région Réunion et la région Île-de-France ou Corse. Nous sommes coupés du monde à la moindre tempête ; la moindre grève, manifestation, paralyse l’économie. La moindre braise peut enflammer. Il faut que l’on cesse de porter ce regard lourd de préjugés sur La Réunion, nous classant parmi les nantis, les assistés et fainéants qui se la coulent douce au soleil. Nous sommes un microcosme qui s’est construit depuis trois siècles avec ses différentes cultures, tous différents mais unis dans nos combats. Nous méritons plus de respect et de compréhension. De la vision, de la réponse du gouvernement dépend la conception, dépend notre implication, dépend notre action. La souffrance la plus difficile à supporter, est celle dont on peut comprendre le sens. La vie la plus difficile à supporter est celle à laquelle on ne peut donner un sens. Le Réunionnais vit le malaise d’une vie non accomplie, du fait de son isolement. Dire et laisser croire que les Réunionnais sont des enfants gâtés et qu’ils ne veulent pas donner un sens à leur vie, c’est se dégager de toutes responsabilités.

• En quoi la Région peut-elle mener une action capable de relever les défis ?

Wilfrid Bertile : Le défi, en matière de coopération régionale, est de mettre en œuvre une politique de co-développement durable entre La Réunion d’une part, les peuples frères des îles de l’océan Indien et les pays d’origine du peuplement de notre île (Afrique australe, Inde, Chine, Europe) d’autre part.

La Région doit être le fer de lance de la mise en œuvre des dispositions de la loi d’orientation pour l’outre-mer dans le domaine des relations internationales. Elle peut représenter l’État lors de rencontres internationales. Elle peut aussi passer des accords avec des gouvernements, en respectant certaines procédures.
Il y a aussi et surtout la coopération décentralisée, avec d’autres collectivités locales ou gouvernements régionaux mondiaux. Le Sommet mondial du développement durable de septembre 2002 a lancé le réseau mondial des "régions" que La Réunion est chargée de structurer au niveau du Sud-Ouest de l’océan Indien. Dans le respect de la souveraineté des États, le développement de la coopération décentralisée avec les provinces malgaches, les îles autonomes des Comores, Rodrigues…, comme c’est le cas avec le Kwazulu Natal, est porteur de grandes espérances pour le développement et la lutte contre la pauvreté.

Enfin, il convient de porter une attention particulière à nos relations avec Mayotte, tant au niveau des échanges de populations que des partenariats économiques. S’il n’y a pas respect de la dignité des hommes, il faut s’attendre à de sérieux problèmes.

Martine Sueur : Pour intensifier les échanges avec ses partenaires, il faut que la région Réunion ait, en plus du budget, une volonté forte, axée sur la formation, qu’elle redonne confiance aux Réunionnais.

• Dans ce même domaine de la coopération régionale, quelle(s) idée(s) voudriez-vous faire avancer ?

Wilfrid Bertile : Dans ce domaine, il est important de passer de l’action de la France et de l’Europe dans l’océan Indien, ce qui est le cas, en méconnaissant les intérêts de La Réunion, à une politique de la France et de l’Europe de l’océan Indien, dans laquelle nous serions partie prenante. Actuellement, les intérêts de La Réunion pèsent peu face aux enjeux diplomatiques, stratégiques et économiques de la France et de l’Union européenne dans cette région du monde. Pour certains diplomates, La Réunion apparaît comme une "gêne" et beaucoup d’arrangements se font sur son dos. À Paris comme à Bruxelles, les mentalités et les réflexes doivent changer.

Tout le monde s’accorde pour dire que le développement de La Réunion passe par son ouverture au monde, que face au chômage endémique qu’elle connaît, son économie doit changer d’échelle en faisant appel aux investisseurs et aux débouchés extérieurs. C’est donc toute une stratégie internationale que La Réunion doit élaborer, en concertation avec l’État.

Martine Sueur : La Région a fait de la coopération régionale un atout majeur au service du développement durable et solidaire de l’île et de ses partenaires. Elle a souhaité optimiser la double appartenance de La Réunion à l’Union européenne et à l’océan Indien, à l’Afrique australe, visant à intensifier les échanges avec les pays de la zone, donnant la priorité à la recherche, au développement, à la pêche, à l’aquaculture, à l’environnement marin, à l’éducation, à la formation, à l’emploi.

• Comment pensez-vous apporter votre pierre à la mise en œuvre du développement durable (Agenda 21 de La Réunion) ?

Wilfrid Bertile : La Conférence de Rio, en 1992, a établi un guide de mise en œuvre du développement durable pour le 21ème siècle appelé Agenda 21. La Région Réunion a établi un tel document pour notre île. C’est même un des acquis essentiels de la mandature qui s’achève. La plate-forme de l’Alliance pour la prochaine mandature prévoit la tenue d’États généraux du développement solidaire et durable. Il faudra les réussir puisque la Région, en vertu de la décentralisation, a compétence à mettre en œuvre un projet de développement, dont la traduction territoriale est le Schéma d’aménagement régional qui doit être révisé l’an prochain. En tant qu’élu et universitaire, je participerai à la mise au point de ces documents fondamentaux, puis à leur mise en œuvre. C’est du devenir de La Réunion qu’il s’agit.

Martine Sueur : Mes expériences, lors de mon mandat d’adjoint au maire de Saint-Denis au sein d’associations telles que Saint-Denis Jeunes et le zoo du Chaudron, m’ont appris que le meilleur moyen est de sensibiliser, d’éduquer nos enfants dès leur plus jeune âge. Trop de jeunes Réunionnais connaissent encore peu la faune ou la flore de leur île. Les associations contribuant à l’apprentissage de l’éco-citoyenneté et la sensibilisation à la maîtrise de l’énergie ont besoin de soutien, afin de préparer l’avenir de nos enfants dans le respect de la "nature vivante". Notre île est exceptionnelle, nous ne pouvons nous permettre de créer le chaos et le désordre en pratiquant une politique fondée uniquement sur la vanité, sur le spectacle, pour des passions éphémères, pour des réalisations matérielles de programmes fixés. L’Homme a toujours tendance à écouter le bruit assourdissant de l’ignorance, du fanatisme, de l’ambition. Comment apprendre à nos enfants à être en harmonie avec un monde confus qui nous façonne et nous utilise ? L’étrange particularité du règne humain par rapport au règne minéral, végétal et animal, semble être son absence de programmation pour s’intégrer automatiquement à son univers. N’attendons pas que notre île devienne un "Mont Saint-Michel", classée patrimoine mondial de l’UNESCO.


Instantané : Wilfrid Bertile

Je suis un pur produit de l’école républicaine. Il en a fallu, de la chance et de la volonté, quand on est fils de pêcheur du Tremblet, au pied du Volcan, pour devenir agrégé, professeur des Universités, député, parlementaire en mission, secrétaire général (avec rang d’ambassadeur) d’une organisation internationale inter étatique, la Commission de l’océan Indien….
C’est avec les "petites gens" comme on dit que je me sens le plus en phase. Je n’oublie jamais d’où je viens. C’est pourquoi, aussi bien comme universitaire que comme élu, je me suis mis au service des plus démunis. Chercheur, j’ai participé à une meilleure connaissance de La Réunion et de ses problèmes. Avec d’autres, j’ai implanté ici le socialisme dans le sillage de François Mitterrand. Député de La Réunion et maire de Saint-Philippe, j’ai œuvré pour l’île et la commune qui m’ont vu naître.
J’ai gardé de mon enfance - elle s’est passée pauvrement au milieu de champs de vanille entre mer, forêt et ravines - des goûts simples et romantiques. Je lis tout ce qui me passe sous les yeux, journaux, études et rapports et quand je veux m’aérer l’esprit, je relis les poètes et les romanciers du XIXème siècle. Je m’instruis en naviguant sur le web. J’aime écouter certains ségas et maloyas, les chansons françaises rétro et plus particulièrement celles des "sixties". J’apprécie beaucoup le palmiste, le poisson et le poulet pays de Saint-Philippe. Je suis un vrai Réunionnais du Sud sauvage.


Instantané : Martine Sueur

J’ai 38 ans, je suis le cadette d’une fratrie de 5 frères, née d’un père artisan frigoriste et chauffagiste et d’une mère brocanteuse. J’ai été déléguée de classe durant toute ma scolarité, jusqu’au lycée. Mes premiers pas en politique se sont faits au côté de mon père, conseiller municipal d’une ville de la Somme, militant communiste. Il m’a sensibilisée très tôt aux technologies nouvelles et à la protection de l’environnement. J’ai fait des études de sciences médico-sociales, j’ai fait de la comptabilité et de la gestion dans l’entreprise familiale, puis j’ai été commerciale dans la grande distribution. J’ai suivi, à mes frais, une formation à l’institut des métiers de la décoration à Paris, en peintre décorateur. J’y ai rencontré des Réunionnais, des jeunes Domiens, des enfants d’émigrés. J’ai pu alors me rendre compte que la mobilité était parfois quelque chose de forcé ; j’ai sympathisé avec un jeune Réunionnais, qu’on avait envoyé à la même école que moi. Mais il n’était pas fait pour cela. Et pire, il n’avait pas la possibilité physique de le faire : il avait une très mauvaise vue, et ne pouvait donc, pour des raisons de sécurité, monter sur des échafaudages. Mais personne ne l’avait remarqué. En discutant avec son chef d’équipe, il m’a confirmé qu’il serait très difficile voire impossible que ce jeune parvienne à s’établir dans cette profession. Cette expérience que j’ai eue, à travers ce jeune Réunionnais, de la mobilité forcée m’a profondément marquée.
Je suis passionnée d’histoire, je préfère l’histoire médiévale, je suis aussi passionnée par l’empire mongol et Gengis Khan. Côté musique, j’écoute Loreena Mackennit, de la musique celtique et de la musique classique. Je suis mère célibataire et mon fils a 13 ans.


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