Élections municipales

La victoire de l’expression démocratique

20 mars 2008, par Manuel Marchal

Les victoires symboliques obtenues à Saint-André et à Saint-Paul marquent la fin d’une époque malgré les nombreux cas de fraude constatés lors des dernières élections à La Réunion. C’est une période marquée par un demi-siècle de luttes de tous les démocrates pour que le suffrage universel soit une réalité partout à La Réunion. 49 ans après la fin brutale de la municipalité d’Evenor Lucas à Saint-Paul, et 50 ans après la dissolution de celle de Saint-André peu après la mort du Docteur Raymond Vergès, ces succès ouvrent la voie à la réconciliation du peuple réunionnais.

Lors des législatives de 1956, la liste communiste conduite par Paul Vergès et Raymond Mondon recueille la majorité des suffrages et obtient l’élection de deux députés. Ce scrutin avait lieu dix ans après le vote de la loi abolissant le statut colonial à La Réunion. Cette loi était encore loin d’être appliquée, comme en témoigne le grave sous-développement que connaît le pays à ce moment-là. Le peuple veut en finir avec cette structure archaïque et vote massivement pour la liste qui milite pour la décolonisation de La Réunion, condition du développement du pays.

Sainte-Marie : le 20 juillet 1958, la fraude l’emporte au lendemain du départ de la Commission d’enquête parlementaire.

Pour le gouvernement et pour ses soutiens locaux qui refusent aux Réunionnais l’application de la loi du 19 mars 1946, c’en est trop. Jean Perreau Pradier est nommé par le Ministre de l’Intérieur de l’époque, François Mitterrand, Préfet de La Réunion. Il dirigera les forces de répression. Il pourra s’appuyer sur la complicité active des conservateurs de l’époque, qui refusent l’abolition effective du statut colonial à La Réunion.

Pour accomplir cette basse besogne, les colonialistes ne reculèrent devant aucun procédé. Ils décident de mettre à mal toute expression démocratique afin de tenter de figer La Réunion dans sa vieille structure coloniale.

Le front des colonialistes

La stratégie se met en place. Elle vise à dissoudre les municipalités démocratiques par la force, et à imposer des Conseils municipaux conservateurs par la fraude. Saint-André, Sainte-Marie, Bras-Panon, Saint-Leu, Saint-Paul... Peu à peu, toutes les mairies dirigées par des maires favorables à une départementalisation progressiste, solution pour remettre en cause la structure coloniale de la société, sont soumises à la violence et la fraude.

L’arrivée de Michel Debré à La Réunion ne fera qu’amplifier la violence de la répression menée par les forces opposées au changement. Ces dernières ne se limitaient pas à des membres de partis politiques appartenant à la droite française.

Saint-Paul : le 20 février 1959, la liste d’Union des républicains et des démocrates de Saint-Paul conduite par le maire Evenor Lucas lance un appel pour l’expression démocratique. Quelques jours plus tard, la fraude désigne le socialiste Serveaux maire de la commune.

Elles étaient soutenues par les socialistes, comme par exemple Roger Serveaux, Maire désigné par la fraude à Saint-Paul en 1959. Les élections municipales de mars 1959 se déroulent d’ailleurs dans un climat de violence généralisée. « Les colonialistes s’attribuent toutes les "voix" », rappelle "Témoignages" du lundi 9 mars.
La résistance à ces injustices est une des raisons qui expliquent la création du Parti Communiste Réunionnais deux mois plus tard, le 18 mai 1959.

A la fin des années 60, Jean-Paul Virapoullé apparaît comme l’héritier de Jean Perreau Pradier et Michel Debré, porteur d’une idéologie qui veut refuser tout changement. C’est une drôle de "démocratie", car elle ne veut pas admettre que le peuple puisse exprimer sa volonté.
Pourtant, à la même époque, en France le peuple pouvait s’exprimer au sein d’un pays développé, en plein boom économique. Pourquoi refuser ce droit aux Réunionnais ?

50 ans de luttes

Dimanche dernier, l’expression démocratique a pu librement décider du changement à Saint-André et à Saint-Paul. Cette victoire est l’occasion de saluer la mémoire des générations de militants qui ont lutté pour que le suffrage universel puisse être une réalité partout à La Réunion.
Ces militants ont bravé les violences et les intimidations quand ils allaient tenir les bureaux de vote, d’autres ont perdu leur emploi, d’autres sont morts. Ce grand combat collectif pour la démocratie permet à La Réunion de franchir une étape de plus au bout de 50 ans.
La lutte victorieuse à Saint-André et à Saint-Paul est là pour rappeler que ceux qui s’opposent à la volonté populaire finissent toujours par être battus. Lors du demi-siècle qui vient de s’écouler, ils se sont heurtés à la résistance d’un PCR qui s’est renforcé au fil des années pour que finalement, le peuple réunionnais puisse enfin décider librement de reprendre le fil de son Histoire.

Manuel Marchal


Saint-André et Saint-Paul : 50 ans de lutte

Au lendemain de la mort du Docteur Raymond Vergès, c’est Saint-André qui est la première ville touchée par la stratégie mise en œuvre par le pouvoir parisien et les colonialistes locaux. Le 15 septembre 1957, les "élections" débouchent sur une fraude massive et violente.
L’arrivée à La Réunion d’une Commission d’enquête parlementaire au premier semestre 1958 freine quelque peu l’ardeur des fraudeurs. Mais juste après son départ, la violence contre le droit du peuple à s’exprimer démocratiquement reprend de plus belle. Sainte-Marie, Saint-Leu... Peu à peu les mairies dirigées par les forces progressistes sont arrachées au peuple.
En 1959, deux événements retiennent l’attention. C’est tout d’abord la dissolution du Conseil municipal de Saint-Paul par le gouvernement à trois semaines des Municipales. Lors de ce scrutin, c’est le socialiste Serveaux qui est désigné nouveau maire de Saint-Paul par la fraude.
Ce sont ensuite les violences meurtrières contre les démocrates à Saint-Denis le jour des élections. Eliard Laude est assassiné par des nervis, et Antoine Baïkom recevait un coup de fusil dans la poitrine pour avoir crié « A bas la fraude ! Vive Vergès ! ». Quant à Paul Vergès, tête de liste de l’Union contre la fraude, il était laissé pour mort sur un trottoir de Saint-Denis pendant que les fraudeurs inversaient les résultats de l’élection, offrant la mairie de Saint-Denis à Macé.
Le Port fut la dernière ville communiste à tomber. Après la mort de Léon de Lépervanche, les "élections" organisées par le pouvoir avaient été marquées par le déploiement massif de forces de répression afin d’empêcher l’expression démocratique des Portois. Après ce coup de force, la totalité des municipalités étaient sous le contrôle des colonialistes. Cette situation allait durer jusqu’en 1971 pour Le Port, La Possession et Saint-Louis. Mais il a fallu cinquante ans de bataille pour qu’enfin Saint-André et Saint-Paul soient libérées.

Saint-Leu : 19 août 1958, les fraudeurs s’accaparent 98,5% des suffrages et prennent possession de la Mairie.
Le résultat des élections municipales de 1965 montre que l’expression démocratique est baillonnée. Les candidats de la fraude s’attribuent souvent près de 100% des "voix" !
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