Les erreurs stratégiques de la direction d’Air Austral nommée par Didier Robert risquent de priver les Réunionnais de la maîtrise de leur désenclavement aérien

Desserte aérienne des départements d’Outre-mer confiée à Air France-KLM, Air Caraïbes-French Bee et Corsair-Air Austral : la vision de l’État

3 août 2022, par Manuel Marchal

Un article du « Monde » confirme que l’État est en position de force pour restructurer la desserte aérienne de la Caraïbe et de l’océan Indien depuis Paris autour de trois groupes pour maintenir une concurrence : Air France-KLM dont l’État est actionnaire, Air Caraïbes et sa filiale French Bee, et la fusion Corsair-Air Austral. Ce sont les erreurs stratégiques de la direction d’Air Austral voulue par Didier Robert qui ont placé l’État en position de force. Les graves difficultés d’Air Austral datent bien d’avant la pandémie de COVID-19, en témoignent les importantes ventes d’actifs et les injections de fonds publics via la SEMATRA sous la forme de prêts d’actionnaires et aides diverses, sans compter les bons de « continuité territoriale » dont plus de 30 % bénéficiaient à Air Austral, eu égard à sa part de marché de l’époque. C’est à cause des conséquences de cette gestion que l’État a la possibilité de retirer aux Réunionnais la maîtrise de leur désenclavement aérien en plaçant Air Austral dans une holding commune à Corsair. Si l’État impose sa vision, sera-t-il de nouveau possible de créer une compagnie aérienne réunionnaise ?

Photo Préfecture de La Réunion.

« Le Monde » a publié le 1er août un article faisant le point sur les discussions sur l’avenir d’Air Austral. Notre confrère indique que :
« La Commission européenne, qui, dans un premier temps, avait demandé à la France de lui notifier un plan de sauvetage avant la fin juin, s’impatiente. Mais la réunion censée clore le dossier, qui s’est tenue la semaine du 18 juillet au ministère de l’Économie et des finances, s’est soldée par un constat d’échec. »
« Lors de cette rencontre, les équipes de Bercy ont présenté un plan concocté sous l’égide du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle), passant par un rapprochement entre Air Austral et Corsair, sa cousine des Antilles. Ce montage, selon nos informations, consiste à placer les deux compagnies sous une holding commune dans laquelle 120 millions d’euros d’argent frais seraient injectés : 55 millions d’euros de capitaux réunionnais, 30 millions provenant d’investisseurs antillais et, enfin, 35 millions apportés par Equerre Capital Partners (...).
Le fonds serait aux manettes, l’Etat apportant son soutien en abandonnant 320 millions d’euros de créances portant essentiellement sur Air Austral. (...)
« En tout état de cause, concernant Air Austral, ce n’est pas Bruxelles qui va trancher entre les deux plans présentés. C’est au gouvernement français de choisir. Bercy estime que le rapprochement avec Corsair sous l’égide d’Equerre Capital Partners constitue la meilleure garantie de redressement. »

Restructuration de la desserte autour de 3 groupes

Cet extrait confirme la préférence de l’État pour la fusion de la compagnie guadeloupéenne Corsair avec la réunionnaise Air Austral, dans le but de constituer un groupe ayant une masse critique suffisante pour constituer une compagnie des Outre-mer, sur le modèle de la défunte AOM-Air Liberté.
L’État a fait un effort conséquent pour aider Air France-KLM dont il est l’actionnaire. Sa filiale Air France constitue un des porte-drapeaux de la France dans le monde, c’est pour Paris un symbole qui ne doit pas disparaître. C’est pourquoi Air France-KLM continuera de desservir quotidiennement les Antilles, la Guyane et La Réunion. Ceci étant fait, l’État ne veut manifestement plus aider des compagnies pour qu’ensuite elles se livrent à une guerre des prix qui les fragilisent à long terme. Corsair et Air Austral proposent une offre équivalente, et doivent faire face toutes deux à des difficultés. « Le Monde » rappelle que le sauvetage de Corsair a coûté 130 millions d’euros au contribuable. La prise en charge par l’État des dettes d’Air Austral coûtera encore plus cher, et seul l’État dispose des fonds suffisants pour y faire face. Il est donc en position de force pour imposer une restructuration de l’offre aérienne entre la France et la Caraïbe d’une part, et la France et l’océan Indien d’autre part. Cette restructuration se traduirait par la coexistence de trois groupes afin de maintenir une concurrence : Air France-KLM, Air Caraïbes et Corsair-Air Austral. Pour Paris, cela clarifierait la situation et le problème de la desserte de ces territoires depuis Orly et Roissy serait réglée une bonne fois pour toutes :
- pour la Caraïbe (Guadeloupe, Guyane et Martinique) : Air France-KLM, Air Caraïbes et Corsair-Air Austral
- pour l’océan Indien (La Réunion et Mayotte), Air France-KLM, Corsair-Air Austral et French Bee, filiale low-cost d’Air Caraïbes

Air Austral pouvait avoir sa « French Bee » pour surmonter la crise

Ce sont les erreurs stratégiques de la direction d’Air Austral voulue par Didier Robert qui ont placé l’État en position de force. Les graves difficultés d’Air Austral datent bien d’avant la pandémie de COVID-19, en témoignent les importantes ventes d’actifs et les injections de fonds publics via la SEMATRA sous la forme de prêts d’actionnaires et aides diverses, sans compter les bons de « continuité territoriale » dont plus de 30 % bénéficiaient à Air Austral. C’est à cause des conséquences de cette gestion que l’État a la possibilité de retirer aux Réunionnais un outil de désenclavement en plaçant Air Austral dans une holding commune à Corsair.
L’ancienne direction d’Air Austral pilotée par Gérard Ethève et présidée par Paul Vergès avait un autre projet en partenariat avec Airbus : la création d’une filiale low-cost long-courrier, Outremer 380. Cette société devait faire voler des Airbus A380 de 800 passagers pour faire baisser le prix du billet d’avion de 30 % toute l’année, pour tout le monde et sans subvention à partir de 2012. Si ce projet avait été poursuivi, French Bee n’aurait pas existé et Air Austral aurait pu disposer de ce levier de croissance. Car il s’avère que contrairement à ce que prétendait la direction d’Air Austral nommée par Didier Robert, French Bee n’a pas cannibalisé la clientèle d’Air Austral, elle a augmenté le trafic passagers en proposant une offre différente.

Le choix du clientélisme à la place du développement

Mais ce projet entrait en concurrence avec celui de Didier Robert : utiliser les fonds publics de la Région pour se construire une popularité, car avec Outremer 380, pas besoin de bons de « continuité territoriale » à aller quémander à la Région pour voyager moins cher. Par ailleurs, ce projet faisait de l’ombre à Air France qui aurait été dans l’incapacité de s’aligner sur les prix, car il ne disposait pas d’Airbus A380 de 800 places dans sa flotte.
Résultat : Didier Robert a nommé un cadre d’Air France à la tête d’Air Austral. Ce dernier s’est empressé de stopper le projet A380. L’idée a alors été récupérée par Air Caraïbes qui a remplacé l’A380 par l’Airbus A350 de conception plus récente et au coût d’exploitation moins élevé pour créer French Bee.
Conséquence : les Réunionnais sont en passe de perdre un outil de désenclavement irremplaçable.
D’où cette question : si l’État impose sa vision, sera-t-il de nouveau possible de créer une compagnie aérienne réunionnaise ?

M.M.

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Messages

  • je suis de ceux qui pensent qu’une fusion Corsair-Air Austral sera préjudiciable pour les salariés d’Air Austral et pour la desserte Réunionnaise , en général.
    Pour les vols envers la métropole ,mais aussi pour les vols internationaux :Maurice, Madagascar ,Comores, Mayotte Indes et autres. L’état et les collectivités locales doivent de sauver cette compagnie Réunionnaise.
    Par contre je déplore, qu’une fois de plus, la politique partisane ( la politicaille) prennent le pas sur la Politique au sens noble. celle qui défend les emplois , l’économie, le social. A entendre l’article .M.Vergès a tout les qualités et M.Robert tous les défauts. La réalité est plus complexe.
    Quant on défend une entreprise locale, et ses salariés ;c’est de la Politique avec un Grand P.
    Quant on y mêle des politiciens connus c’est de la politique avec un petit p.

  • Ce ne sont que les faits...


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