700 euros l’aller-retour entre Saint-Denis et Ivato : manifestation contre le prix excessif des billets d’avion

La Réunion-Madagascar plus cher que La Réunion-France : Air Austral profite-t-elle de son monopole ?

24 mars 2022, par Manuel Marchal

Une manifestation a rassemblé hier un nombreux public à Saint-Denis pour protester contre les tarifs prohibitifs imposés par Air Austral pour se rendre à Madagascar depuis la réouverture des frontières. Comment expliquer qu’après avoir investi dans des Airbus A220 25 % plus économiques que les Boeing 737, Air Austral vende des billets à 700 euros pour un aller-retour entre La Réunion et Madagascar ?

Image Réunion Première.

La réouverture des frontières de Madagascar fermées en raison de l’épidémie de coronavirus permet de nouveau des vols réguliers vers la Grande île après quasiment deux ans de fermeture. L’attente est donc grande. Des restrictions sont malgré tout toujours en vigueur, avec un nombre limité de compagnies pouvant desservir Madagascar. Depuis La Réunion, Air Austral est la seule autorisée, avec deux vols par semaine entre l’aéroport de Gillot et celui d’Ivato, le seul de Madagascar ouvert aux vols réguliers internationaux, à raison de 132 passagers par rotation.
Mais une mauvaise surprise attend les candidats au voyage : un prix excessif. Tellement excessif qu’une manifestation avait lieu hier à Saint-Denis, pour dénoncer des prix pouvant atteindre facilement 700 euros l’aller-retour. C’est plus qu’un aller-retour entre Roland-Garros et Roissy-Charles-De-Gaulle distants de près de 10000 kilomètres, contre moins de 1000 kilomètres pour Roland-Garros/Ivato.
Pour Air Austral, « des raisons indépendantes de sa volonté » expliquent ces tarifs, selon un communiqué diffusé hier par la compagnie :

« Dans le respect des consignes fixées actuellement par le Gouvernement Malgache, Air Austral n’est autorisée qu’ à opérer deux vols par semaine dans la limite de 132 passagers par vol, entre La Réunion et Antananarivo. Cela ne lui permet pas de répondre à la demande de voyage de et vers Madagascar qui est aujourd’hui très forte et qui continue de se renforcer.
C’est pourquoi, Air Austral a déposé un nouveau programme de vols, incluant en priorité des fréquences supplémentaires de et vers Antananarivo, mais aussi la réouverture de destinations telles que Tamatave, Diego ou encore Nosy Be. Cela permettrait un retour à la normale du programme de ses vols et de renforcer ainsi l’accessibilité au territoire malgache.
Si la compagnie reste à ce stade toujours en attente de la réponse des Autorités Malgaches, elle se tient prête à positionner les vols nécessaires dès qu’elle sera autorisée à le faire ».

Tarifs déjà prohibitifs avant la COVID-19

Ces justifications posent question. En effet, avant la COVID-19, Air Austral avait, de fait, obtenu le monopole de la liaison entre La Réunion et Madagascar. Quelques mois après avoir noué un partenariat stratégique avec Air Madagascar, donnant à Air Austral la direction opérationnelle de la compagnie nationale malgache, la concurrence de Corsair avait été interdite par l’ancien gouvernement malgache. Corsair proposait des billets à 200 euros voire moins. Air Austral proposait alors des tarifs d’appel à 300 euros. Mais il faut tout d’abord savoir que la desserte des provinces malgaches par Air Austral permettait à la compagnie réunionnaise de vendre des billets Madagascar-France via La Réunion, et donc de siphonner une partie de la clientèle potentielle d’Air Madagascar sur la ligne Ivato-Roissy CDG sans qu’Air Madagascar n’ait son mot à dire puisqu’elle était dirigée par Air Austral.
Ensuite, la ligne Ivato-Gillot était assurée uniquement par des Boeing 737 d’Air Austral, que le vol soit vendu comme Air Autral ou Air Madagascar, avec des prix plutôt aux alentours de 500 euros l’aller-retour. C’était à se demander si les usagers des liaisons régionales d’Air Austral, ainsi que ceux de la ligne Mayotte-Paris, n’étaient pas des vaches à lait qui permettaient à la compagnie de baisser ses prix sur le Réunion-Paris pour faire face à une véritable concurrence : Corsair, Air France et French Bee.

Avec les nouveaux A220, chaque vol vers Madagascar peut être rempli à 100 %

Pendant la fermeture des frontières de Madagascar aux vols réguliers, Air Austral a renouvelé sa flotte moyen-courrier. Les Boeing 777 de 162 sièges ont été remplacés par des Airbus A220 flambants neufs d’une capacité de… 132 sièges. Cela signifie que la limite de capacité imposée par le gouvernement malgache n’est pas un problème pour Air Austral, car elle correspond à la capacité de ses A220. Chaque vol vers Madagascar peut être rempli à 100 %. C’est à se demander si cette limite n’a pas été fixée en accord avec Air Austral.
De plus, les A220 ont un coût d’exploitation moins élevés que les 737, car à en croire le site web d’Air Austral, ces nouveaux avions permettent « -25% de consommation de carburant par siège et d’émissions de CO2 par rapport aux avions de la génération précédente ». Sachant que le kérosène est la dépense la plus importante d’une compagnie aérienne, ce sont donc d’importantes économies à chaque vol au profit d’Air Austral.

L’argent des avoirs

Ces prix excessifs sont donc la conséquence de l’offre et de la demande. La compagnie peut vendre des billets à ce prix et manifestement, Air Austral ne fait pas de cadeaux. Sur la ligne Paris-Antananarivo, des passagers ont également constaté une forte hausse des prix, avec des tarifs supérieurs à 1000 euros depuis la réouverture des frontières aussi bien sur Air France que sur Madagascar Airlines, ex-Air Madagascar, seules compagnies actuellement autorisées à opérer sur cette ligne. Or, parmi ces passagers, nombreux étaient ceux qui disposaient d’un avoir. Ils avaient réservé mais n’avaient pu consommer leur voyage en raison de la pandémie de coronavirus. Ils comptaient donc utiliser cet avoir pour aller à Madagascar à la réouverture des frontières. Mais la hausse des prix fait qu’en plus de cet avoir, ils doivent payer l’équivalent d’un autre billet d’avion.
Ces avoirs ont été un cash tombé du ciel pour les compagnies aériennes, ne sont-ils pas intégrés dans le prix aujourd’hui sur certaines lignes ?

Le prix des billets d’avion obstacle au co-développement

Les perspectives ne sont pas fameuses. S’il se concrétise, le projet de fusion entre Corsair et Air Austral réduira la concurrence sur la liaison entre La Réunion et Madagascar. La seule alternative possible pourrait être Madagascar Airlines, suffisant pour faire baisser significativement les prix ?
La question de la difficulté d’obtention d’un visa pour entrer à La Réunion n’est pas le seul obstacle à l’intégration de notre île dans son environnement et donc à l’évolution vers un co-développement de notre région. La question du prix des billets d’avion est un obstacle considérable. Quel co-développement possible avec des tarifs à plusieurs centaines d’euros pour faire quelques centaines de kilomètres ? Une remise à plat est nécessaire.

M.M.

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