Pour la concertation entre Réunionnaises et Réunionnais pour l’avenir de La Réunion face aux défis des changements sur tous les plans, en France, en Europe, dans notre région géoéconomique et dans le monde

Appel à la création d’un Comité de parrainage de 20 ans

31 octobre 2015

Voici le texte de l’appel présenté hier à la presse. Pour répondre à cet appel, une adresse : [email protected]

Jean-Claude Fruteau et Paul Vergès ont présenté le Comité de Parrainage, le 30 octobre à Saint-Denis.

Le 19 mars 1946, pour la première fois, des dirigeants réunionnais d’opinions diverses ont approuvé un acte politique fondamental pour leur population. Contrairement à un mouvement général dans le monde d’émancipation pour l ‘indépendance, les 4 « vieilles colonies » que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion faisaient un choix inverse : l’abolition du régime colonial par l’accession au statut de Département.

Le bilan

De 1946 à aujourd’hui, près de 70 ans se sont passés. Quel est le bilan de ce changement ? Il ne s’agit pas de sous – estimer les avancées sur le plan des infrastructures (en matière de santé, d’éducation, de logements, de routes, etc.), il s’agit de voir le bilan global.

Sur le plan humain : La Réunion est passé de 246 000 habitants en 1946 à 850 000 aujourd’hui et comptera environ 1 million dans une quinzaine d’années. D’un point de vue social, la situation est « hors norme » : 30 % de chômage, 60 % des jeunes demandeurs d’emploi âgés de moins de 25 ans au chômage, 116 000 personnes victimes d’illettrisme, 46 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Sur le plan économique : 13 usines sucrières fermées, le chemin de fer (CFR) supprimé, des transports publics et des logements bien en dessous des besoins.

Sur le plan des échanges commerciaux : nous avons ici un tableau unique dans le monde. Notre balance commerciale qui était équilibrée en 1946, fait apparaître aujourd’hui un déséquilibre énorme : 284 millions d’euros à l’exportation mais 4,7 milliards d’euros à l’importation. L’essentiel des importations, en valeur, viennent de France et d’Europe. Ces déséquilibres favorisent les monopoles et s’aggravent d’année en année.

C’est pourquoi, quel que soit le jugement que l’on peut porter, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut changer d’autant plus que des phénomènes mondiaux viendront aggraver la situation réunionnaise.

La première génération qui sait

En effet, c’est la première fois dans l’histoire de l’Humanité que les contemporains peuvent prévoir ce qui va se dessiner pour le siècle.

1 : Le premier problème fondamental, ce sont les changements climatiques avec notamment comme conséquence, l’augmentation du niveau des océans : le GIEC estimait, dans son 5ème rapport publié en 2014, une augmentation d’un mètre au maximum d’ici la fin du siècle, mais les derniers éléments révélés par les observations satellitaires – lesquelles font apparaître une ampleur et une accélération de la fonte des calottes glaciaires – ont conclu à une augmentation de l’ordre de 6 à 12 mètres sans que les scientifiques puissent en définir l’échéance dans le temps.

2 : Le second problème fondamental, c’est la transition démographique mondiale sur trois continents (Afrique, Asie, Amérique du Sud…) qui va modifier toute la géographie humaine mondiale. C’est un changement aussi fondamental et important que les changements climatiques. La population mondiale est en effet passée de 2,5 milliards en 1950 à 7,3 milliards en 2015 et nous nous dirigeons vers les 9,8 milliards d’habitants en 2050. Ainsi, des milliers de millénaires ont accumulé 2,5 milliards d’habitants jusqu’en 1950. 65 ans après, ce total est multiplié par presque 3 ans. Et dans une génération, l’augmentation sera de 2,5 milliards, soit l‘équivalent en 35 ans de toute la population mondiale accumulée pendant des millénaires.

3 : Le 3e problème fondamental, c’est la mondialisation de l’économie (production et échanges) avec toutes ses conséquences. Nous en connaissons ici une illustration avec la crise de la filière canne sucre qui se profile à l’horizon 2017 : ce sera la fin des quotas sucriers et des prix garantis. Notre sucre sera donc confronté à la concurrence mondiale.

4 : Enfin, le 4e problème fondamental, ce sont les progrès des découvertes scientifiques et technologiques et la rapidité de leur application.

Tous ces phénomènes planétaires et durables ont des conséquences combinées qui auront des répercussions à La Réunion. C’est pourquoi, s’affirme impérativement l’exigence d’une nouvelle politique pour notre île.

Sur cette base, il est possible de rassembler une très large majorité de Réunionnaises et de Réunionnais d’autant plus que les conséquences de ces phénomènes concernent les générations actuelles et surtout les générations futures.

Il importe d’apprécier de la manière la plus précise possible, la réalité de l’évolution qui se dessine.

L’impact du changement climatique

S’agissant de l‘impact des changements climatiques, les experts mondiaux peuvent préciser notamment les phénomènes de la montée des océans, ce qui sera décisif sur le plan de l’aménagement du territoire, la politique de la pêche, l’impact sur les nappes phréatiques, la destruction des barrières coralliennes, etc. C’est pourquoi l’urgence des urgences, c’est de faire une étude sur l’élévation du niveau des océans, et pour nous, sur le niveau de l’océan indien et sur les mesures d’adaptation qui devront en découler.

En plus des mesures d’adaptation, se pose le problème de la lutte contre le réchauffement climatique selon les objectifs des différentes conférences mondiales sur le climat. Il convient de prendre des décisions pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et bannir l’utilisation des carburants fossiles. Comment à La Réunion atteindre ces objectifs alors que nous avons fait tout le contraire depuis 70 ans (suppression du chemin de fer, mise en œuvre d’une politique du tout automobile, abandon du tram train en 2010) ? Il faut reprendre la marche vers l’autonomie énergétique en amplifiant le développement de toutes les énergies renouvelables (géothermie, énergies de la mer, éolien, solaire et photovoltaïque, biomasse, hydraulique…).

2050 : un autre monde

Sur le plan démographique, comment faire face aux besoins ? A La Réunion même, dans notre petite économie, toute création d’emploi est annulée par la pression démographique. Et cela d’autant que le modèle longtemps utilisé de faire de l’émigration une soupape de l’augmentation de la population n’est plus d’actualité au regard de la crise économique en France et dans le monde. De plus, toute la réflexion menée pour répondre aux besoins de la population doit prendre en compte la question de l’évolution démographique dans notre environnement géographique.
Ainsi, Mayotte verra sa population passer officiellement de 230 000 habitants aujourd’hui à 500 000 habitants en 2050 et à 750 000 en 2100 sur une superficie 6 fois inférieure à celle de La Réunion. Il est évident que la mobilité entre Mayotte et La Réunion va s’accentuer et que nous devons nous y préparer.
Ainsi, Madagascar passera de 24 millions d’habitants aujourd’hui à 55 Millions d’habitants en 2050 et elle atteindra 105 millions d’habitants en 2100. Ce bouleversement aura des conséquences évidentes pour notre île mais offrira aussi des perspectives considérables de codéveloppement avec Madagascar pour La Réunion.
Enfin, l’explosion démographique sur le continent africain (1,1 milliard d’habitants aujourd’hui ; 2,4 milliards d’habitants en 2050) et l’affirmation demain de l’Inde et de la Chine comme les grandes puissances du nouveau siècle, commandent à La Réunion de réfléchir sur les opportunités qu’elle peut saisir alors qu’elle se trouve sur l’axe d’échanges entre l’Asie et l’Afrique australe.

Un des grands défis majeurs que La Réunion doit relever, c’est précisément de concilier son intégration à la France et à l’Union européenne d’une part, et à son environnement géoéconomique d’autre part (îles de la COI et zone orientale et australe et orientale de l’Afrique).

Cela est d’autant plus nécessaire que déjà l’Union européenne va signer avec ces pays des Accords de Partenariat Economique (APE).

Si La Réunion n’a pas un rôle actif dans ses accords, c’est toute sa production qui disparaîtra. Mais si elle peut faire valoir sa singularité et défendre ses intérêts, si elle définit une stratégie de développement valorisant sa double appartenance à l’Europe et à son environnement géographique, elle peut s’ouvrir des opportunités nouvelles.

Comme la libéralisation du marché du sucre, les APE sont une illustration de l’impact de la mondialisation pour notre économie. Il est nécessaire d’obtenir un moratoire à titre transitoire pour faire face à cette libéralisation accrue des échanges.

Dans ce contexte, le co-développement avec nos pays voisins est vital pour La Réunion. Notre île dispose d’atouts (formation, recherche, santé..) qu’elle n’a pu valoriser dans notre région du fait d’absence d’outils politiques.

Les rendez vous décisifs

Tels sont les grands défis qui sont posés devant nous. Quand, au mois d’août dernier, le Président de La République proclame en Guadeloupe qu’il est indispensable aux Outre mer d’aller vers l’Egalité Réelle, c’est le constat qu’il faut tourner la page de 70 ans de politique d’intégration mécanique à la France hexagonale. En conséquence, il interpelle les ultramarins pour qu’ils trouvent eux mêmes la solution spécifique pour chacun de leur territoire.

Dans ce but, il préconise l’élaboration de deux lois en fin de cette année et au début de l’année prochaine. L’une pour modifier en conséquence les institutions avec des modifications de la Constitution et l’autre pour abolir les inégalités. Le Président de La République propose d’atteindre ces objectifs d’ici à 20 ans.

Il s’agit du sort immédiat et à venir de notre territoire. C’est pour cela qu’est créé le Comité de Parrainage pour le développement et l’avenir de La Réunion. C’est un appel lancé à l’engagement et à l’implication de chacun, pour participer à relever ce défi essentiel pour les 20 ans à venir.

Dans l’immédiat, il est primordial de répondre à l’urgence sociale : un grand service d’intérêt public d’aide à la personne pour tenir compte de l’évolution démographique, un grand service également dans l’environnement pour tenir compte des changements climatiques et pour la sauvegarde de la biodiversité. Ces deux grands services sont en outre pourvoyeurs d’emplois.

Durant la prochaine mandature régionale, il faudra également faire les choix définitifs concernant le sort du chantier de la nouvelle route du littoral , concernant la solution pour le traitement et la valorisation des déchets, et faire face aux échéances décisives de la filière canne et de la défiscalisation en 2017, de l’octroi de mer en 2020, et du déploiement des A.P.E., tout en relevant les défis fondamentaux de la formation et de la mobilité, de l’éducation et de la recherche, du logement, de la santé, de la culture et de la valorisation de notre identité, de la politique des déplacements, du tourisme, du développement économique et des nouvelles filières (économie de la mer, économie du numérique, créneaux à haute valeur ajoutée, etc.), de la sécurité alimentaire en visant le maximum d’autosuffisance, de l’autonomie énergétique, de l’aménagement équilibré du territoire dans le respect de l’environnement , de l’adaptation aux changements climatiques, du co-développement, autant de domaines qui relèvent des compétences de la collectivité régionale. Il est évident que dans tous ces domaines, les compétences devront être réexaminées pour être accrues dans la perspective d’une nouvelle gouvernance pour le développement de La Réunion.

La génération qui s’engage

Pour la préparation de l’avenir, notamment dans le cadre de l’élaboration de la loi sur l’Egalité réelle, il est nécessaire de réaliser une large concertation pour définir un projet de développement durable, solidaire, responsable et respectueux de l’environnement, prenant en compte toutes les données que nous avons évoquées et se projetant sur une période de 20 ans.

Comme en 1945 où des Réunionnais-e-s de diverses sensibilités se sont rassemblés dans le CRADS (Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale) pour abolir le régime colonial et faire aboutir la revendication de La Réunion Département, le Comité de Parrainage a l’ambition de rassembler aujourd’hui toutes celles et tous qui sont conscients de la responsabilité historique d’ouvrir une nouvelle étape pour le développement de La Réunion.

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