Un article de Eugène Rousse - 1 -

1944 - 2004 : 60 années de fidélité de “Témoignages” à l’idéal de son fondateur

5 mai 2004

À l’occasion des 60 ans de “Témoignages”, Eugène Rousse retrace le contexte historique dans lequel Raymond Vergès a donné naissance en 1944 à ce journal, qui va se battre pendant des années pour l’égalité des droits entre les Réunionnais et les métropolitains. Pour bien comprendre les idées du fondateur, l’historien revient sur la situation de La Réunion à l’époque. Dans un prochain article, il expliquera les causes du mauvais état sanitaire de la population réunionnaise sous le régime colonial.

Définitivement de retour dans son île natale en 1932, le docteur Raymond Vergès, âgé alors de 50 ans, entend participer activement à toutes les luttes visant à transformer profondément la société réunionnaise. Une société qui n’a que très peu évolué depuis l’abolition de l’esclavage décrétée en 1848. Une société qui souffre également de l’isolement et du dramatique sous-équipement de l’île.
C’est son souci de “changer la vie” à La Réunion qui conduit le docteur Vergès à :

- militer au sein de la fédération réunionnaise de la Ligue des droits de l’Homme, dont il devient président le 15 avril 1934 ;

- être candidat aux municipales du 5 mai 1935 à Salazie, où il occupe le fauteuil de maire jusqu’au 23 avril 1942 ;

- militer au sein de la franc-maçonnerie, dont il est l’une des plus grandes figures à La Réunion ;

- contribuer à la création le 21 juillet 1938 de “l’Union départementale réunionnaise des syndicats et fédérations CGT”. Il en est le premier secrétaire général ;

- fonder le 11 mars 1945 le Comité républicain d’action démocratique et sociale (CRADS). C’est sous la bannière de ce comité que les républicains de la gauche traditionnelle et de la droite modérée engageront les combats électoraux de l’immédiat après-guerre. Combats qui devaient déboucher sur l’érection de La Réunion en département français le 19 mars 1946.

Afin de mieux faire connaître les activités des organisations qu’il anime, le docteur Vergès fonde successivement le journal “Libération”, dont le premier numéro paraît le 8 août 1938, puis le journal “Témoignages”, qui publie son premier numéro le 5 mai 1944. Ce dernier journal se donnant comme objectif d’assurer la défense des sans défense et de changer la vie à La Réunion.
La célébration du 60ème anniversaire de “Témoignages” me fournit l’occasion de brosser un tableau de La Réunion coloniale, érigée progressivement en département français grâce notamment au précieux concours de l’organe de presse devenu le 14 janvier 1960 le “Quotidien du parti communiste réunionnais”.

Une "belle fille en haillons"... ! Voilà le visage qu’offre La Réunion à tout observateur impartial il y a à peine plus d’un demi-siècle. C’est une appréciation partagée par un haut fonctionnaire métropolitain lorsqu’il déclare à son arrivée dans l’île au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : "La Réunion est une faillite française".
Rappelons l’avis du gouverneur Léon Truitard peu après sa prise de fonction à Saint-Denis le 17 août 1936 : "Il y a 208.000 habitants à La Réunion, dont 8.000 profiteurs".
De La Réunion coloniale à La Réunion département français, chacun pourra mesurer le chemin parcouru en lisant les pages qui suivent.

Un état sanitaire alarmant

La Réunion coloniale souffre avant tout de son très mauvais état sanitaire.
De l’examen de l’évolution démographique à La Réunion, il ressort que, sans l’immigration, la population de l’île aurait sensiblement diminué durant tout le 19ème siècle.
L’accroissement naturel de la population ne devient effectif dans la colonie qu’à compter de 1910, d’après le professeur Jean Defos du Rau, auteur d’une thèse de doctorat parue en 1960.
Le taux d’accroissement, très faible pendant la première moitié du 20ème siècle, fait un bond avec la départementalisation intervenue en 1946. Les chiffres qui suivent sont éloquents :
o En 10 ans (de 1936 à 1946), la population a augmenté de 19.000 habitants ;
o Au cours des 10 années suivantes, cette population est passée de 227.000 à
301.000 habitants. Soit une augmentation de 74.000 habitants (presque 4 fois plus forte que pendant la dernière décennie de l’époque coloniale).

À quoi attribuer une aussi forte poussée démographique ?
La progression du taux de natalité y est certes pour quelque chose. Ce taux est passé de 40°/oo (40 pour 1.000) en 1946 à 46,3°/oo en 1957. Mais la cause principale de la croissance démographique réside dans la chute spectaculaire du taux de la mortalité infantile, qui passe de 145°/oo en 1946 à 92,4°/oo en 1956. Signalons que ce taux s’élevait à 268°/oo en 1900 et à 6°/oo en 2001.
Il n’est pas inintéressant de signaler également que le taux de mortalité (c’est-à-dire le rapport entre le nombre de décès au cours d’une année et la population pour la même année), qui était de 24°/oo en 1936, a chuté à 22°/oo en 1946 et à 5,1°/oo en 2001...

(à suivre)

Eugène Rousse


Aujourd’hui

Émission spéciale 60 ans de “Témoignages” sur K.O.I.

Animée et préparée par Sully Fontaine
Intervenants : Jean-Max Hoareau et Eugène Rousse

Toute la matinée du mercredi 5 mai sera consacrée à une rétrospective relatant à la fois le contexte qui vit la naissance du premier numéro de “Témoignages” mais aussi l’atmosphère particulière régnant à La Réunion, au moment où la Deuxième Guerre mondiale faisait des ravages. À une époque où une certaine effervescence couvrait la presse réunionnaise (avec plus de 10 journaux dans les années 40) et au moment où les tenants du pouvoir en place contrôlaient l’économie, on verra, en compagnie d’Eugène Rousse et d’anciens compagnons de route du Parti communiste réunionnais, quelles ont été les circonstances entourant l’avènement d’un journal qui, au fil du temps, est devenu un levier pour bon nombre de Réunionnais...

De 8 heures à 9 heures : le contexte dans lequel le journal fondé par le Dr Raymond Vergès a sorti son premier numéro à l’époque...

De 9 heures 15 à 10 heures : les “pères” de “Témoignages” (évocation de l’action au jour le jour de ceux qui ont fait “Témoignages”), avec Daniel Lallemand par téléphone.

De 10 heures à 11 heures : “Témoignages”, l’outil... le levier... les conditions de travail qui prévalaient alors pour sortir le journal, de même que les difficultés dues à la répression pendant de longue années...

Jusqu’à midi : la relation entre “Témoignages” et la population réunionnaise au cours des trente dernières années..., en compagnie de Lucien Biedinger, animateur de la rédaction du journal.

Chaque mois pendant un an, une matinée spéciale sur les 60 ans de “Témoignages” sera ainsi proposée aux auditeurs de Kanal océan Indien...

Raymond Vergès19 mars

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