Françoise Vergès et les débats à l’Assemblée constituante - 8 -

Assimilation égale libération ou colonisation ?

25 avril 2006

Dans la postface du livre paru en 1996 sur les débats parlementaires ayant conduit au vote de la loi du 19 mars 1946, Françoise Vergès analyse le combat de ceux qui à l’époque ont lutté pour l’abolition du statut colonial de La Réunion. Elle explique en particulier le contenu anti-colonialiste et anti-capitaliste donné par Raymond Vergès, Léon de Lépervanche et leurs amis au concept d’“assimilation” à la République, qui était au cœur de leur lutte. Comme on l’a vu hier, ce concept faisait également partie de l’argumentaire des colonisateurs. Les intertitres sont de “Témoignages”.

Après la deuxième Guerre mondiale, la question de l’organisation de l’empire colonial français se posa à nouveau. On parlait déjà de décolonisation, mais cette dernière signifiait alors révision du statut civil des coloniaux, participation de ces derniers à l’élaboration de la politique de l’empire, représentation des peuples coloniaux au Parlement français.
La conférence de Brazzaville en 1944, où les gouverneurs de l’Afrique française, de Madagascar et des quatre "vieilles colonies" définirent la politique coloniale de l’après-guerre, affirma les droits des citoyens de l’empire. Mais elle rejeta toute idée d’autonomie des peuples colonisés. Pour Fremigacci, cette déclaration ne fut rien d’autre que la reprise de ce que Sarraut avait dit en 1920 (voir “Témoignages” d’hier - NDLR). Les principes de la politique coloniale de 1940 étaient les mêmes que ceux de 1920 : supériorité économique et politique de la France sur ses territoires d’Outre-mer, avec un petit espace réservé pour les "évolués".

La "colonisation républicaine"

La colonisation était un devoir républicain et on ne peut sous-estimer la force avec laquelle la IIIème République fit connaître ce principe. Les leaders anticolonialistes furent formés à cette école de la IIIème République.
L’idéologie de la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen et de la franc-maçonnerie (les francs-maçons étaient très souvent membres des Ligues et vice-versa) apportait des arguments à la "colonisation républicaine", en affirmant le "droit" de la France à répandre les principes de la République aux "peuples attardés".

Des idéaux hérités de la Révolution française

Serge Halimi a écrit que "jamais avant la IIIème République, et jamais depuis, l’État n’avait été si effectif pour disséminer à travers la société une idéologie qui légitimait son pouvoir" (1).
Le terme de "républicain" renvoyait à une série d’idéaux qui se disaient les héritiers de la Révolution française et qui étaient l’idéal intellectuel des Lumières ; l’idéal patriotique des "sans-culotte" ; l’idéal moral de la "fraternité", emblématique de 1848 ; une position anticléricale et révolutionnaire, dont les buts étaient d’étendre et de compléter la république politique par une république sociale.
"La devise républicaine, "Liberté, Égalité, Fraternité"", écrit Halimi, "pouvait légitimer une série d’étapes révolutionnaires, particulièrement la fraternité, qui pouvait signifier, comme Jaurès le disait, “la rencontre définitive de tous les hommes, rendue possible seulement par l’accomplissement de la propriété commune”" (2).

(à suivre)

Françoise Vergès

(1) - Serge Halimi, “Sisyphus Is Tired : The French Left and the Exercise of Power (1924 - 1986)”. Thèse de Sciences Politiques, Université de Californie, Berkeley, 1990. Publié en français sous le titre : “Sisyphe est fatigué. Les Échecs de la Gauche au pouvoir”. Paris, Robert Laffont, 1993.
(2) - Ibid. pp. 96-100


Soixante ans après, malgré les retards et les entraves au progrès qu’il a fallu combattre, nous constatons que cette loi a permis l’extension des droits sociaux et a ouvert la voie à une transformation radicale de notre île. C’est la grande bataille victorieuse pour l’Égalité.

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.


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