Françoise Vergès et les débats à l’Assemblée constituante - 1 -

’L’assimilation : discours colonial et discours anticolonial’

15 avril 2006

En 1996, à l’occasion du 50ème anniversaire de la loi du 19 mars 1946, le Collectif “1946 - 1996” a publié dans la collection “Études et documents” les textes des débats ayant conduit au vote de cette loi. Dans cet ouvrage, l’historienne réunionnaise Françoise Vergès a publié une introduction et une postface. L’introduction porte le titre suivant : ’L’assimilation : discours colonial et discours anticolonial’.
Pour le 60ème anniversaire de la départementalisation, “Témoignages” va ré-éditer ces documents de la chercheuse. Voici ce texte avec des intertitres de notre Rédaction.

Pour introduire et contextualiser le débat sur la loi du 19 mars 1946, qui transforma les colonies de la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane en départements français, il nous a semblé qu’il serait utile de publier intégralement les textes des débats qui eurent lieu autour de cette question les 12 et 14 mars 1946 à l’Assemblée nationale constituante.

Espoirs, aspirations et revendications

La publication de ces archives resitue les arguments présentés en faveur de l’assimilation. Ces archives redonnent la parole aux acteurs, les députés des quatre vieilles colonies, Léopold Bissol, Aimé Césaire, Gaston Monnerville, Léon de Lépervanche et Raymond Vergès, élus sur un programme dont une des demandes principales était l’intégration "dans la patrie française", seule habilitée à "résoudre les nombreux problèmes" de ces territoires (1) . Elles nous restituent leurs espoirs, aspirations et revendications.
Le vocabulaire, les termes employés peuvent sonner "vieillots" - loyauté, hommage à la France, famille française -, mais s’arrêter à cela serait une erreur. Car, aux côtés de ces déclarations, on peut lire une dénonciation du colonialisme, du féodalisme colonial, de la pauvreté, de la misère sociale et économique dans lesquels la grande majorité de la population vivait.
On peut y lire une analyse de la société féodale coloniale. On peut y lire une volonté de transformer l’organisation économique et sociale de cette société. Et c’est aussi cela qu’il nous faut retrouver dans ces archives : une demande d’émancipation.

Demande d’émancipation

Aux élections législatives d’octobre 1945, les premières depuis 1938, La Réunion a élu deux députés du Comité républicain d’action démocratique et sociale (CRADS) : Léon de Lépervanche et Raymond Vergès. Ils s’étaient présentés comme candidats communistes et s’inscrivent automatiquement au groupe communiste.
Des propositions de loi pour la transformation des "quatre vieilles colonies" en département français sont déposées en janvier-février 1946. Ces propositions sont défendues par des élus de ces colonies, dont quatre sont inscrits au groupe communiste : Léopold Bissol, Aimé Césaire, Léon de Lépervanche et Raymond Vergès.
La demande d’émancipation se fait devant l’Assemblée constituante, élue le 21 octobre 1945, au lendemain de la Libération. Cette assemblée, comme son nom l’indique, est chargée de donner une nouvelle Constitution à la France.

Union des forces politiques

On assiste à une union des forces politiques sous l’égide du Conseil national de la Résistance. Le Général de Gaulle est le chef du gouvernement.
Il faut tout discuter : une nouvelle organisation du gouvernement, une nouvelle loi de la presse, les dommages aux blessés de guerre, le retour des prisonniers et des survivants des camps de concentration, le sort des soldats de l’empire colonial, la nationalisation du gaz et de l’électricité, la reconstruction du pays.

Les vivres manquent

Dans les journaux en France, on parle de l’acheminement du blé de Russie, du débarquement des troupes françaises au Tonkin, de la mise en place du tribunal de Nuremberg (pour juger les criminels nazis - NDLR), des procès des collaborateurs (français avec l’occupant nazi - NDLR), de l’Algérie et de l’Indochine, mais surtout de la reconstruction du pays et des vivres qui manquent.
Car les vivres manquent. Ainsi que le bois de chauffage. Les gens s’impatientent. On lit que des femmes ont pris d’assaut les hangars où sont entreposés des vivres.

(à suivre)

Françoise Vergès

(1) - Exposé des motifs. Proposition de loi N° 4I2, séance du 12 février 1946. Documents de l’Assemblée constituante.


Nous considérant comme des héritiers et acteurs de la grande lutte pour le Respect de la Dignité des Réunionnais, nous approuvons les termes de l’appel invitant à la célébration du 60ème anniversaire de la loi du 19 mars 1946, dans l’Union la plus large de tous les Réunionnais et dans le respect des convictions de chacun.

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.


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