Françoise Vergès et les débats à l’Assemblée constituante - 9 -

Le cheminement de l’idée républicaine vers la décolonisation

26 avril 2006

Nous poursuivons la publication de la postface du livre paru en 1996 sur les débats parlementaires ayant conduit au vote de la loi du 19 mars 1946. Dans ce texte, Françoise Vergès analyse le combat de ceux qui à l’époque ont lutté pour l’abolition du statut colonial de La Réunion. Elle explique en particulier le contenu anti-colonialiste et anti-capitaliste donné par Raymond Vergès, Léon de Lépervanche et leurs amis au concept d’“assimilation” à la République, qui était au cœur de leur lutte. D’ailleurs, l’idée républicaine d’assimilation était en partie porteuse de décolonisation. Les intertitres sont de “Témoignages”.

À La Réunion, l’idée républicaine fut diffusée par l’école et par des associations, comme la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen et les francs-maçons. À son congrès de 1931, à Vichy, la Ligue avait souhaité l’assimilation des vieilles colonies à la métropole.
Cette revendication était donc comprise comme répondant au projet de l’organisation : l’extension des droits civils et l’établissement de la fraternité.

L’action des ligueurs...

À La Réunion, une section de la Ligue se créait le 17 janvier 1905. Raymond Vergès, qui y avait adhéré dès son retour dans l’île en 1932, devint le président de la Fédération réunionnaise de la Ligue en 1934.
"La ligue doit agir pour sortir La Réunion du régime des colonies et pour qu’elle devienne un département français avec l’application automatique des lois sociales", disait-il (1).

... et des francs-maçons

Pour leur part, les francs-maçons réunionnais (2) , qui avaient été des agents enthousiastes de la colonisation, soutenaient, eux aussi, l’assimilation des colonies, car cette dernière répondait à leur désir de laïcisation, à leur volonté de répandre science et progrès dans le monde. Parmi les partisans de l’assimilation à La Réunion, il y eut de nombreux francs-maçons (Raymond Vergès était franc-maçon).

Les valeurs anticolonialistes de la franc-maçonnerie...

La franc-maçonnerie, qui défendait la laïcité et les principes fondateurs de la Révolution française, ne pouvait que s’opposer à certains des abus du colonialisme et militer pour l’assimilation.
L’éducation, longtemps sous étroite dépendance de l’Église catholique, commença à se laïciser en 1825, pour être enfin réalisée dans les années 1870 (3) . Le premier 14 Juillet fut fêté à Saint-Denis en 1881.

... et de l’idée républicaine

L’idée républicaine se répandit surtout dans la petite bourgeoisie éduquée, qui y voyait la possibilité de contrer l’hégémonie des grands planteurs, d’y trouver des concepts pour construire une contre-culture qui s’opposerait à la culture de l’économie de plantation, avec son racisme, son élitisme et son mépris de classe.

(à suivre)

Françoise Vergès

(1) - Voir l’étude de Chantal Lauvernier, “Raymond Vergès. 1882-1957” - Paris - Association des auteurs coéditeurs - 1994. Cette étude reste aujourd’hui l’étude la plus détaillée sur la vie de Raymond Vergès.
(2) - Voir Pierre Chevalier, “Histoire de la franc-maçonnerie” Tome 3 “Église de la République” - Paris - Fayard, 1975. Chevalier écrit que les francs-maçons constituèrent les cadres de la colonisation républicaine. Ils furent les défenseurs d’une colonisation qui apportait "progrès et science au monde".

- Voir aussi Joëlle Robinard, “La franc-maçonnerie dans les colonies françaises sous la Troisième République. 1904-1906” (Thèse. Université Aix-Marseille, 1971) et Hery Andriamamonjy Ravelojoana, “Réseaux associatifs et implantation de l’idée républicaine à Saint-Denis de La Réunion sous la Troisième République. 1848-1914” - Mémoire Paris VII, 1988-1989.
(3) - Voir Hery Andriamamonjy Ravelojoana.


De nouvelles exigences, de nouveaux défis ont surgi et qui nécessitent un engagement résolu de toutes les générations.

Extrait de “Nou lé pa plus. Nou lé pa moin. Rèspèk a nou :
Amplifions l’Appel pour que le 19 mars soit une date commémorative”, déclaration adoptée à l’unanimité par 1.200 vétérans réunis le 12 février à Sainte-Suzanne.


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