Affaire McKinsey : l’utilité d’avoir des élus communistes

7 avril 2022, par David Gauvin

Le Parquet national financier annonce ce 6 avril avoir ouvert une enquête préliminaire du chef de « blanchiment aggravé de fraude fiscale », « après avoir pris connaissance du rapport » de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, et « après avoir procédé à des vérifications ».

Selon le communiqué du procureur de la République financier, l’enquête préliminaire a été ouverte le 31 mars 2022. Elle a été confiée au Service d’enquêtes judiciaires des finances. Un autre volet est donc ouvert. Le 25 mars, le Sénat avait saisi la justice pour une suspicion de faux témoignage, après des déclarations de Karim Tadjeddine, directeur associé de McKinsey, qui a assuré que la société payait des impôts en France. Dans un communiqué du Sénat, Arnaud Bazin, président de la commission d’enquête, et Éliane Assassi, rapporteure, disent « prendre acte de l’ouverture d’une enquête préliminaire du PNF contre le cabinet de conseil McKinsey ». Contactée par Public Sénat, la rapporteure de la commission d’enquête Éliane Assassi (PCF) estime que cette enquête « illustre la gravité de la situation ». « Je pense que ça s’inscrit dans la continuité de ce que nous avons fait, en saisissant le procureur au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale. Cela révèle le sérieux et la rigueur de la commission d’enquête. »

La commission d’enquête du Sénat avait pointé en mars une "intervention (...) exponentielle" de ces cabinets dans "l’ensemble des politiques de l’Etat", les dépenses des ministères dans ce domaine s’élevant à 894 millions d’euros en 2021. Si l’on prend en compte "les dépenses de conseil de l’Etat au sens large" (en incluant les opérateurs tels que Pôle emploi, la Caisse des dépôts et consignations...), ce montant a "dépassé le milliard d’euros en 2021". Le cabinet McKinsey, qui conseille le gouvernement sur la stratégie vaccinale, est particulièrement pointé du doigt. Il est accusé par la commission d’enquête de ne pas avoir payé d’impôts en France depuis une dizaine d’années. Dans une tribune diffusée dans Marianne le 5 avril, des magistrats jugeaient “anormal” qu’aucune enquête n’ait été ouverte sur “ce qui pourrait être un véritable scandale d’État”. Parmi les points susceptibles d’“attirer l’attention de tout magistrat du parquet”, ils évoquaient l’éventualité d’une fraude fiscale, le processus d’attribution de ces marchés et “la réalité” des prestations rémunérées.

Un rapport volumineux de 361 pages, après avoir entendu 47 personnes sous serment et analysé plus de 7 000 documents : voilà ce qu’a livré, jeudi 17 mars, la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des cabinets de conseil pendant la mandature d’Emmanuel Macron. Ses conclusions sont sans appel : les dépenses de conseil ont doublé depuis 2018, atteignant un coût estimé à 894 millions d’euros en 2021. L’ampleur du phénomène surprend Arnaud Bazin, sénateur Les Républicains du Val-d’Oise et président de cette commission d’enquête. "Le phénomène est tentaculaire, constate-t-il. On retrouve, dans l’ensemble des politiques de l’État, l’intervention de ces cabinets de conseil de façon exponentielle." Pour la rapporteuse du rapport, ce phénomène éclaire l’action de l’actuel gouvernement. "Ils installent leur logique de réduction du nombre de fonctionnaires, qui peuvent être remplacés par des cabinets privés, peu importe si cela coûte un pognon de dingue", tacle Éliane Assassi, sénatrice communiste de Seine-Saint-Denis, faisant référence à une petite phrase d’Emmanuel Macron qui évoquait à l’époque les minima sociaux. L’élue a livré un véritable réquisitoire contre la place que ces cabinets de conseil occupent dans les politiques publiques de la mandature d’Emmanuel Macron. "Il s’agit pourtant d’argent public. Et encore, nous n’avons qu’une estimation minimale [de l’argent dépensé] car nous n’avons interrogé qu’environ 10% d’agences de l’État." Elle évoque une "intrusion en profondeur du secteur privé dans la sphère publique", qui participe au rabaissement de ceux qui travaillent dans les administrations françaises. 

Selon un rapport du Sénat, la société américaine n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020, alors qu’elle a réalisé un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros, pour partie avec l’Etat français. Pendant cette période, le cabinet n’a pas été contrôlé par l’administration fiscale, selon le Sénat. Une vérification a été lancée fin 2021, mais les sénateurs n’ont pas eu connaissance d’un autre contrôle au cours de la période 2011-2020. D’après Le Canard enchaîné, c’est le projet de commission d’enquête qui aurait poussé l’administration fiscale à lancer une procédure. Interrogé par « Les Echos » , le cabinet réitère avoir « respecté l’ensemble des règles fiscales et sociales françaises ». Entre 2011 et 2020, McKinsey France dit avoir versé 422 millions d’euros d’impôts et de charges sociales. Une source proche du dossier confie que cette somme serait en réalité constituée de 80 % de charges sociales et 20 % d’impôts et taxes locales, soit 80 millions d’euros sur dix ans, une somme très modique. McKinsey France a recours à un montage bien connu des fiscalistes : le prix de transfert. Quèsaco ? Restez avec nous, c’est assez simple. Dans le cadre d’une multinationale, la société mère refacture à ses filiales le prix des services qu’elle leur apporte. Cela peut également comprendre les frais d’administration générale, l’usage de la marque, l’assistance interne au sein du réseau, la mise à disposition de personnels, etc. Cette facturation s’appelle le prix de transfert. Seulement voilà, le doute plane : dans le cas de McKinsey, « les prix de transfert que les entités françaises de McKinsey versent à la société américaine sont d’un montant tel qu’ils participent à rendre le résultat fiscal en France nul ou négatif, depuis au moins 10 ans », fustige le rapport de la commission sénatoriale. Rappelons ici que si pas de bénéfice, pas d’impôt sur les sociétés.

L’affaire Mc Kinsey n’est que le reflet des pratiques de ce monde néolibéral, et heureusement qu’il y a des parlementaires communistes pour faire la lumière sur ces pratiques scandaleuses.

« Tout ce qui est légal, n’est pas forcément moral »

Nou artrouv’

David Gauvin

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