L’élu et la pompe à vélo

21 juillet 2012, par Geoffroy Géraud-Legros

« Le fait divers fait diversion », écrivait un sociologue de renom il y a une vingtaine d’années. La formule visait évidemment l’utilisation du sensationnel et-ou de l’ordinaire lié aux crimes et délits, au détriment d’informations plus importantes. Elle n’a pas pris une ride, et l’on pourrait même ajouter que la diversion fait aujourd’hui figure d’orientation générale.

Ainsi, ouvrons certains journaux de la place : passé l’édito — il reste au moins cela ­— le lecteur est plongé dans l’univers qui va du caniveau aux prétoires en passant par la geôle. L’économie, la société, la politique suivent.

Le message est clair : entrez, chaque jour, dans la compréhension du monde par le sang, la violence, le viol et le sordide. Ajustez votre oeil au bord crasseux de la lorgnette, avant de scruter votre quotidien. Et peu importe qu’une récente étude ait démontré que la délinquance est finalement moindre ici que dans l’Hexagone ! On vous nourrira de violence, puisque l’on a décrété que, finalement, le peuple n’aime et ne comprend que cela.

Pourtant, le fait divers pourrait être essentiel à la connaissance de la société. Mais son traitement est tel qu’il ne sert en rien ces buts civiques. Prenons, ainsi, les déboires judiciaires de M. Robert, député Modem-Radical de gauche. Son passage au tribunal, avant-hier, pour injures est, il faut le dire, totalement dénué d’intérêt. En politique, les noms d’oiseaux volent, et que celui qui n’en a jamais proféré jette à son prochain la première pierre. Mais voilà : l’insulte, ça croustille et émoustille assez pour que le non-fait occupe une demi-page, ornée d’une belle photo.

En revanche, il y a un près d’un mois et demi, la presse avait été informée d’une action en justice contre le même Thierry Robert, mis en cause cette fois-ci dans une affaire immobilière. De manière incidente, on a pu remarquer que le bâtiment objet du litige, situé aux Avirons — qui abritait aussi une permanence Modem — compte plus de boîtes aux lettres que d’appartements identifiés par les documents légaux. Les taxes sont-elles perçues sur ces locaux, âgés de 7 ans ? L’information aurait pu être utile aux citoyens, à l’approche d’un scrutin où le principal intéressé, candidat à la députation, parlait « valeurs » et « nouvelle manière de faire de la politique ».

Pourtant, à l’exception d’un journaliste courageux — Marc Bernard, du “Quotidien” — les rédac’chefs, dont l’un officie pourtant en « temps réel » sur l’internet, s’empressèrent d’oublier le dossier. Celui-ci ne ressortit qu’une fois passée la période électorale, lissé au passage par des plumes indulgentes. Gageons qu’on n’en reparlera pas de sitôt. Et il faut les comprendre, les faits-diversiers : pourquoi risquer les foudres d’un élu, alors que les prétoires regorgent de justiciables sans défense comme, par exemple, ce jeune de Sainte-Marie, condamné hier à un an de prison ferme pour vol de pompe à vélo ?

Geoffroy Géraud-Legros


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