Sortis du même moule

22 juin 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

De manière cyclique, des économistes un peu naïfs ou des communicants au travail viennent rassurer le bon peuple : la crise, expliquent-ils, est « derrière nous », les choses "s’arrangent", et l’on verra bientôt poindre ce fameux « bout du tunnel » dont parlait déjà Raymond Barre à la fin des seventies, et qui continue de se faire attendre depuis.

Non moins cycliquement, la réalité se charge de remettre les pendules à l’heure, ruinant à la fois les démonstrations des optimistes, les petits actionnaires éternels dindons de la farce et les classes moyennes. Ces dernières, qui rassemblent ceux qui - de moins en moins nombreux - exercent un travail salarié – de moins en moins bien payé - supportent désormais, autant que les pauvres et les chômeurs, le poids de la crise. En plus de la baisse ou d’une stagnation de leurs salaires, qui « décrochent » de manière croissante par rapport aux prix, les classes moyennes payent de plus en plus d’impôts... pour renflouer banques, assurances et établissements de crédit, tous pourtant premiers responsables de l’enclenchement d’une crise qui fut d’abord celle des « subprimes » et autres crédits "pourris".
On a claironné périodiquement que les choses allaient mieux, que la croissance serait au rendez-vous et que l’emploi pourrait repartir comme en 40. Ce sont aujourd’hui les échos sinistres de la crise grecque qui parcourent les marchés et les chancelleries ; et l’on apprend que les banquiers français, remis à flot avec nos impôts, ont continué de plus belle à se remplir les poches de produits bancaires douteux.

De sorte qu’un défaut de paiement des Grecs ferait faire la bascule aux plus grandes banques françaises, déjà en voie de dégradation dans le classement des impitoyables agences de notations. Au bout de cette chaîne, il y a le contribuable, qui doit s’attendre à être pressuré de nouveau, s’il faut demain procéder à un énième sauvetage des banquiers.

En parallèle, les prix augmentent, d’ailleurs plus et plus vite à La Réunion que dans l’Hexagone, nous apprend une enquête récente. Une inflation qui s’ajoute aux fléaux qui frappent notre économie, dont le plus terrible demeure, bien sûr, le chômage qui approche des 35% et frappe un jeune sur deux...chômage encore aggravé, d’ailleurs, par une série de mesures défavorables à ce qu’il reste de notre industrie.
C’est dans ce contexte que M. Yann de Prince, autoritaire dirigeant du MEDEF, vient de condamner la prime COSPAR. 50 à 60 euros, c’est trop, nous explique-t-il en substance, pour ceux qui travaillent encore. Ou alors, qu’ils voient cela au cas par cas, dans leur propre boîte. Pour le MEDEF, qui avait dû lâcher quelques billets sous la pression de la rue, il est à nouveau l’heure de serrer les cordons de la bourse.

Classique discours patronal, dira-t-on. Et on aura raison. Sauf qu’à La Réunion, M. de Prince posait jusque-là au patron atypique. Social, branché, sympa et partisan des formules gagnant-gagnant. On se souvient avec quelle vivacité il avait, il y a plusieurs mois de cela, taclé son homologue guadeloupéen Willy Angèle, parti en guerre contre la surrémunération des fonctionnaires outre-mer. Des déclarations qui lui avait valu une fulgurante répartie de Yann de Prince : ne touchons pas à la sur rémunération, mais augmentons les revenus dans le privé pour réduire les inégalités. Bigre ! Voilà un boss pas comme les autres, entendait-on à droite et à gauche (mais surtout à droite).
À "Témoignages", avec le mauvais esprit qui nous caractérise, on se demandait surtout à quel genre de gogos le patron des patrons croyait faire avaler pareille couleuvre. Et on savait bien que la réalité, une fois encore, remettrait les pendules à l’heure. C’est chose faite, et l’on souhaite à M. de Prince d’être aussi cool lorsque les travailleurs viendront lui demander des comptes. Mais on ne peut s’empêcher de remarquer qu’un certain Didier Robert tenait, il y a peu, le même discours, presque à la ligne près : allons vers des hauts revenus pour tous, et les vaches grasses seront bien gardées. À croire qu’à la tête du MEDEF comme à celle de l’UMP, les mensonges et les menteurs sortent du même moule.

G.G.-L.


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